Les révélations de Labrune sur les coulisses des transferts à l’OM

Par La Rédaction FM
8 min.
Labrune se reconstruit @Maxppp

Quelques jours avant sa garde à vue, le président de l'Olympique de Marseille Vincent Labrune s'était confié sur ses relations avec les agents. Morceaux choisis.

Sa garde à vue est désormais terminée. Le président de l'Olympique de Marseille Vincent Labrune a été entendu par les autorités mardi et mercredi dans le cadre d'une vaste enquête sur les dessous de plusieurs transferts, notamment ceux d'André-Pierre Gignac (2010), Souleymane Diawara (2009) et Samir Nasri (2008). Son témoignage a permis aux enquêteurs d'avancer. Hasard du calendrier ou pas, L’Équipe publie aujourd'hui une interview de l'homme fort du club phocéen au sujet de ses relations avec les agents dans le cadre des derniers mercatos. «À la sortie d'un mercato, t'es épuisé. Pour les 10 % de ton temps que tu passes vraiment à faire du business, 90 % du reste tu gères des mecs qui essayent de se mettre dans tes dossiers. Je comprends au fur et à mesure le système car la gestion des agents au départ c'est José (Anigo), qui s'occupe de ça chez nous. Depuis 2013, il avait un peu la tête à l'envers et n'avait plus trop envie de faire ça. J'ai commencé à m'y mettre sérieusement à l'été 2013. Et ce que je constate, c'est que, quand c'est le transfert, là il y a beaucoup de monde», a-t-il d'abord expliqué, précisant ses positions en matière de négociations lors des transferts.

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«Il y a trop d'argent en jeu et il faut arrêter de croire qu'il n'y a qu'une seule personne qui peut représenter un joueur sur des très gros transferts, c'est impossible. Nous, on est le club le plus inspecté et celui qui a été le plus sanctionné historiquement. On a mis en place les plus grosses procédures de contrôle. S'il y a bien un club qui fait gaffe, c'est nous mais à un moment donné, tu es rattrapé par un principe de réalité. Il y a des agents proches de moi, qui parlent avec moi, ils n'ont pas de licence et je ne le sais même pas. (...) C'est un truc de fou», a-t-il confié avant de poursuivre. «Aujourd'hui, n'importe qui peut être agent. Ne soyons pas naïfs. Ils font comment les grands personnages sulfureux, qui ont envie d'aller dans le football ? Ils trouvent des petits à la sortie des écoles, ils leur font passer le diplôme et aujourd'hui la moitié des agents qui ont une licence sont des couvertures pour d'autres mecs. Ça existe déjà. Il y en a même qui exercent le métier et qui n'en ont pas le droit, le meilleur exemple étant Jean-Pierre (Bernès). Mais ce n'est pas le sujet. Si le système de sélection des profils à l'entrée était nickel, je serais favorable à ce qu'il soit maintenu en l'état. Mais étant donné qu'aujourd'hui la plupart des mecs qui ont des licences sont des couvertures pour d'autres, c'est une grande forme d'hypocrisie. Tu peux discuter avec des mecs en costard-cravate, qui sont nickels, il n'y a pas de problèmes, et tu te rends compte six mois après qu'ils ont reversé de l'argent à Pierre, Paul, Jacques ou je ne sais pas qui…», a-t-il analysé.

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Les exemples Valbuena et Ayew comme illustrations

Il a illustré son propos en dévoilant en détails les dessous du départ de Mathieu Valbuena au Dinamo Moscou. « Valbuena, je n'avais pas d'offres, j'ai commencé à paniquer. J'ai vu que Meissa (N'Diaye) avait vendu Vainqueur au Dinamo Moscou. J'ai appelé Meissa pour lui demander qui avait ses entrées au Dinamo, lui ou Roland Duchâtelet, le président du Standard de Liège, que je connais un peu. Je lui demande s'il veut proposer Valbuena et me mettre en relation avec les mecs. Derrière, les intermédiaires qui font les transferts pour Moscou m'ont appelé. Ils m'ont envoyé une lettre selon laquelle c'était eux les représentants, ils m'ont envoyé le contrat avec les deux clubs et même la proposition écrite pour le joueur. Après, le joueur a dit un coup oui, un coup non. À la fin, c'est oui. Alors on doit payer l'agent russe ou croate, je ne sais plus. Le mec nous envoie sa licence, qui n'est pas valable en France. Donc, on a filé le mandat de vente à Meissa, qui ne voulait même pas au départ. Mais je lui ai dit : ‘‘On a un problème, on ne peut pas payer le mec.'' Donc on lui a filé le mandat de vente, ce n'était pas incohérent parce que c'est Meissa qui, dans les faits, a permis de réaliser la vente. Bernès (l'agent de Valbuena), lui, a été géré en direct par les Russes. Dans cette affaire précise, si on n'avait pas fait de mandat, on était dans une merde noire car, en face, on avait des agents russes qui ont tout fait pendant un mois pour faire le deal et qu'on ne pouvait pas payer parce qu'ils n'avaient pas la licence. On aurait pu avoir des problèmes », a-t-il raconté.

On mesure mieux l'opacité de certaines opérations. Du coup, le patron du club olympien s'est dit favorable au travail avec les collaborateurs d'agents, et ce, même si ces derniers n'ont pas de licences, histoire d'éviter les problèmes avec des entourages et des familles de joueurs parfois envahissants. « La fédération est très laxiste dans la gestion des agents… Quasiment systématiquement, on se retrouve avec, en face de nous, plusieurs personnes, les parents, les agents ou une autre catégorie en développement qui sont les collaborateurs d'agents. Ce sont des mecs qui n'ont pas de li­cences mais font des conventions avec les agents et c'est un système pas con. Souvent, les agents vont faire bosser un collaborateur parce que le mec a de bonnes relations avec tel club ou tel club. Et ça peut te permettre, notamment dans le cadre d'un départ, de faire accélérer certains dossiers. Regarde quand tu parles avec Mendy et Frelot, qui ont pignon sur rue depuis quinze ans. J'ai toujours considéré, quand je suis arrivé à l'OM, que l'agent de Mandanda et des frères Ayew, c'était Étienne Mendy. J'ai toujours, toujours parlé avec lui depuis dix ans. Pour moi, l'agent c'est lui. Le jour où je renégocie le contrat d'André Ayew en 2011 pour enlever une clause, je n'ai parlé exclusivement qu'avec 1) Étienne Mendy, 2) le joueur, 3) en bout de piste son père, qui, en plus n'est pas n'importe qui à l'OM (Abedi Pelé). Ce qui m'allait assez bien, en fait, parce que c'était clair. Sauf qu'à la fin quand on a fait le contrat, c'est Pierre Frelot qui est venu. J'ai compris à ce moment-là qu'Étienne Mendy n'était pas l'agent au sens littéral du terme. C'est le collaborateur d'agent», a-t-il indiqué, évoquant également sa relation avec Farid Ayad.

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« Je suis super copain avec Farid Ayad. Je l'ai rencontré à l'été 2012. Un jour, il m'appelle, je ne le connaissais pas. José le connaissait. Il me dit : “Bonjour, je peux avoir une offre pour Loïc Rémy de West Ham, voire peut-être pour Alou Diarra.” On était en plein dégraissage, c'était l'époque où Baup était arrivé à la place de Deschamps. Je lui ai dit : ‘‘Si vous m'amenez les gens de West Ham et qu'on fait un deal, je vous donne une commission ou je vous fais un mandat de vente.'' C'était mon premier transfert à l'étranger. Une semaine après, on organise un rendez-vous à Marseille. Farid Ayad arrive avec Willie McKay (un agent anglais), qui avait le mandat de West Ham, un dirigeant de West Ham, un ancien joueur que je ne connais pas et un téléphone. On a fait une conf call avec David Sullivan, le propriétaire. Je lui dis que je ne vends pas Loïc mais pour Alou, je veux bien discuter. En deux heures, on fait le deal. Le joueur n'était même pas au courant. Après, on appelle le joueur, il est OK. Sur cette affaire-là, je devais payer Farid. Mais il n'a pas de licence d'agent. Sauf que moi, je ne le savais pas. (...) Quand il a fallu le payer un ou deux mois après, il est venu au club faire le contrat avec un mec qui avait sa carte d'agent. Farid avait son papier de collaborateur, la convention entre eux. Donc, moi de bonne foi… Je ne savais pas que Farid n'était pas agent. Est-ce que ça veut dire qu'il travaille moins bien ? Je pense que Farid bosse mieux que les autres, c'est mon problème. Il est hyper pro, surtout pour la vente de joueurs, ce qui est un sujet central pour mon club. J'ai pris l'exemple de Farid car je parle souvent avec lui, mais je peux en prendre plein d'autres. Dans 95 % des cas, les agents avec qui on parle sont soit collaborateurs d'agents, soit n'ont pas d'équivalence en France. (…) Je préfère au final payer le mec avec qui j'ai discuté de bout en bout plutôt qu'un type que j'ai vu à une ou deux reprises», a-t-il conclu. On mesure, à la lecture de ces propos, à quel point un mercato et les affaires courantes peuvent être compliqués à gérer. De bonne foi, Vincent Labrune s'est confié sur son fonctionnement. Qu'en dira la justice ? Affaire à suivre.

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