OM : Gerson, le flop redouté devenu incontournable

Par Matthieu Margueritte - Constant Wicherek
7 min.
Gerson célèbre son but avec l'OM @Maxppp

Arrivé l'été dernier pour un prix conséquent (25 M€), Gerson a mis quelques mois à se mettre au rythme de la Ligue 1, avant de fournir des performances exceptionnelles. En Italie, où il n'a pas réussi, et dans son pays, le Brésil, on était pourtant plutôt confiant pour son avenir.

Tous ceux qui ont pu voir la seconde partie de saison marseillaise ont pu observer qu'un élément de l'effectif de Jorge Sampaoli était incontournable. Non, il ne s'agit pas de Dimitri Payet, mais bien du Brésilien Gerson. Pourtant, rien n'a été simple pour lui depuis son arrivée dans la Cité Phocéenne.

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Arrivé l'été dernier avec le prix d'un transfert conséquent sur le dos (25 millions d'euros), le milieu de terrain peinait à convaincre. Il était trop lent et se faisait bouger sur chaque duel. Ses coéquipiers ne comprenaient pas toujours à l'image de son altercation avec Mattéo Guendouzi lors de la défaite au Vélodrome contre Lens en début de saison (2-3). Mais Dimitri Payet, Mattéo Guendouzi et les autres n'ont cessé de le soutenir, l'invitant toujours pour des dîners ou d'autres activités. Au fur et à mesure, il s'est intégré, a donné du sien et a fini par faire la saison qu'il a faite (11 buts, 7 passes décisives, toutes compétitions confondues).

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L'épisode du numéro 10 lui a fait mal

Il faudra aussi louer la gestion de Jorge Sampaoli, qui a toujours maintenu sa confiance en celui qui était sa priorité lors de son premier mercato estival. Pourtant, avant de revenir au Brésil, il avait connu un passage très compliqué en Europe, en Italie, du côté de l'AS Roma et de la Fiorentina. Stanislas Touchot, aujourd'hui envoyé de l'AFP à Marseille et à l'époque à Rome, nous raconte.

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« Il y a des choses qui ont été compliquées pour lui, à commencer par sa présentation. Walter Sabatini, qui était à l'époque le directeur sportif de l'AS Roma et le plus coté en Italie, va le chercher au Brésil puis une photo de lui circule avec le maillot floqué du numéro 10 tandis que Totti jouait encore. Il s'est tout de suite fait bousculer par des idolâtres de Totti, qui considéraient que c'était un crime de lèse-majesté et cela a fait peser une grosse pression sur lui, sachant que les Italiens sont prompts à s'emballer. Donc quand un directeur sportif fait passer le numéro 10 à un joueur, on se dit qu'il a trouvé un super jouer et que ça va faire mal. Et ce n'est pas ce qui s'est passé », nous explique-t-il.

Un potentiel qui n'a jamais éclos

Mais que s'est-il alors passé ensuite ? « Ses deux années à la Roma, et il l'a dit, ce n'était pas encore un joueur prêt et c'est l'impression qu'on avait. Quand on le voit maintenant, il est costaud et technique, il avait déjà tout cela. Tout en comprenant qu'il était jeune et qu'il venait du Brésil, on avait du mal à comprendre pourquoi ça ne se débloquait pas. L'impression était la même : un joueur qui a tout ce qu'il faut pour être un Pogba, un Milinkovic-Savic. Quand tu fais 1,90m et que tu as cette technique, tu te dis que tu peux tout faire. Toutes proportions gardées, il se passait un petit peu la même chose qu'en début de saison ici, à Marseille, avec en moins une espèce d'arrogance qu'il a pu avoir en arrivant dans le sud de la France. Il avait aussi, en revanche, ce côté perdu. Il n'a pas été aidé par les coaches qui l'ont mis à toutes les positions. Sampaoli l'a fait aussi, mais c'était plus difficile à gérer à cette époque. Il a joué six, huit, et beaucoup ailier droit avec Spalletti, il n'y a presque rien eu, sauf un match contre la Fiorentina où il met un doublé. Cela a été une déception et de l'incompréhension. On ne savait pas à quel poste il jouait, à quoi il allait servir, c'était un joueur qui n'était pas terminé », poursuit Stanislas Touchot.

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À la Fiorentina, il est titulaire, mais il fait une saison assez neutre dans une équipe qui se classe mal. On comprend donc que ces trois années n'ont pas été franchement bonnes en Italie. Mais le journaliste de l'AFP l'a retrouvé à Marseille : « ce qui m'a surpris, c'est surtout sa faculté à être décisif. Qu'il soit capable de s'imposer physiquement et techniquement, non, parce que ça se voyait déjà il y a quatre, cinq ans. Son passage en Italie, son retour au Brésil et peut-être même Sampaoli, lui a appris. J'ai été impressionné par la culture tactique. Dans le pire des cas, il a été bon et dans le meilleur, très bon, il a pesé par les buts et les passes. Pour le coup, c'est ce qui m'a semblé le plus inattendu. Le reste, non. Quand il a débarqué à 18 ans, à Rome, on sentait déjà le potentiel du joueur ».

Les Brésiliens sont heureux... et soulagés

Vous le savez, ou vous l'aurez compris, entre sa première expérience européenne et son arrivée à Marseille, Gerson est reparti au Brésil, à Flamengo où il a performé. Là-bas, on n'est pas du tout surpris de sa nouvelle dimension. « Gerson a toujours eu du talent. Ça, ç’a toujours été clair pour tous ceux qui le suivent. Lors de son premier passager en Europe (à l’AS Roma puis à la Fiorentina, ndlr), il ne s’est pas adapté au football italien, il n’est pas arrivé à montrer son jeu. À Flamengo, il est devenu un joueur spectaculaire, il a mûri là-bas et ça l’a mieux préparé pour sa deuxième aventure en Europe. Aujourd’hui, c’est l’un des principaux candidats pour une place au Qatar avec la sélection nationale, même si la bataille du milieu est énorme. Mais si la FIFA autorise des listes à 26, comme ce qu’espère la CBF (fédération brésilienne, ndlr), Gerson aura encore plus de chances d’y être », nous explique Gustavo Hofman, journaliste pour ESPN.

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Quasiment le même ton pour Felipe Visela, journaliste brésilien spécialiste de Flamengo, qui admet aussi une certaine tristesse lors de son départ : « quand on a su que l’Olympique de Marseille voulait recruter Gerson, on était bien évidemment tous déçus, parce que ce petit gars qui portait le numéro 8 était vraiment très apprécié. Et puis, on avait aussi peur pour lui. Après son premier échec européen en Italie, beaucoup se sont demandé ici si Gerson avait enfin pris assez d’épaisseur pour s’imposer chez vous. Surtout que l’on sait très bien que les Européens critiquent assez le niveau de notre Série A brésilienne, surtout sur le plan physique. Et comme Gerson n’avait pas vraiment l’étiquette d’un joueur rapide, vif… Alors quand il a eu du mal lors de ses débuts à l’OM, toute cette crainte a refait surface, d’autant qu’on le voyait évoluer dans un championnat très physique et moins spectaculaire que d’autres ligues. Mais il y avait toujours un espoir. On savait que Gerson ne débarquait pas totalement dans l’inconnu parce qu’il rejoignait Jorge Sampaoli. Et retrouver un entraîneur qui sait te mettre dans de bonnes conditions, c’est toujours un atout, même si personne ne peut empêcher les difficultés liées à une adaptation compliquée. Le voir rebondir durant cette deuxième moitié de saison est donc un signe très fort, car, chez nous, s’imposer en Europe, c’est comme une sorte de validation de votre potentiel, surtout si vous avez des aspirations vis-à-vis de la Seleção ».

À l'image des Marseillais, Felipe Visela admet un plaisir et un certain soulagement à voir le milieu de terrain performer : « aujourd’hui, c’est un réel plaisir de voir qu’il a enfin pris la mesure du championnat français. On le voit percutant et décisif dans un championnat aussi dur physiquement. Au Brésil, il a toujours eu ces qualités de milieu fort en phase de transition, capable de jouer verticalement et de tenir le ballon. Mais à ses débuts en France, tout ça a visiblement été écrasé par le poids de son transfert coûteux (25 M€, ndlr) et d’un nouveau changement de culture. Donc je dirais que ce n’est pas vraiment une surprise de le voir évoluer à ce niveau-là, mais plutôt un vrai soulagement. Quand vous voyez un joueur considéré comme l’un des meilleurs de la ligue brésilienne échouer lamentablement en Europe, ça fait mal. Gerson a su montrer qu’il avait enfin épaissi son cuir avec l’âge et qu’il a du caractère. D’ailleurs, même si aujourd’hui c’est impossible financièrement, beaucoup aimeraient le voir revenir à Flamengo». Une chose est sûre, que ce soit de l'autre côté de l'Atlantique, des Alpes ou dans nos jolies contrées, Gerson a fini par mettre tout le monde d'accord.

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