2. Bundesliga

Werder Brême - Schalke 04 : deux monuments à la croisée des chemins

Deux clubs emblématiques du championnat d'Allemagne ont quitté l'élite au printemps dernier. Habitués à se faire peur depuis quelques saisons, le Werder Brême et Schalke 04 se retrouvent en 2. Bundesliga et cela n'est pas une partie de plaisir pour le moment. Connaissant des difficultés à enchaîner les résultats, les deux formations ont certes des problématiques différentes mais néanmoins, une reste commune. Il faut remonter au plus vite sous peine d'imiter le Hambourg SV qui végète là pour sa quatrième saison de suite.

Par Aurélien Macedo
12 min.
Le Werder Brême et Schalke 04 s'affrontent ce samedi 20 novembre 2021 @Maxppp

Ils ne pensaient pas tomber d'aussi haut, mais à force de jouer avec le feu, ils se sont brûlés. Le Werder Brême (17e) et Schalke 04 (18e) ont été relégués à l'issue de la saison 2020/2021 de Bundesliga après un piteux exercice. Si les Grün-Weißen ont craqué sur la fin alors qu'ils ont longtemps joué le milieu de tableau, les Königsblauen ont été catastrophiques du début à la fin. L'issue est toutefois la même. Dans l'élite depuis respectivement 1981 et 1991, le Werder Brême et Schalke 04 vont devoir revenir aux fondamentaux pour espérer redevenir des puissances de Bundesliga. Car on ne parle pas de n'importe quels clubs. Avec 11 championnats allemands (4 Werder/7 Schalke 04), 11 coupes d'Allemagne (6 Werder/5 Schalke 04), 1 coupe des Coupes (Werder), 1 coupe de l'UEFA (Schalke 04) et 3 coupes Intertoto (1 Werder/2 Schalke 04), c'est un véritable pan de l'histoire du football allemand qui s'est liquéfié.

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Les deux formations disposent d'ailleurs de deux des plus grandes rivalités du football allemand. Le Werder Brême a l'avantage (si on considère que d'être relégué en est un) de retrouver Hambourg pour le Nordderby tandis que le Revierderby n'aura pas lieu cette saison entre Schalke 04 et le Borussia Dortmund. Comble du hasard, le Werder Brême et Schalke 04 sont aussi des rivaux et ont nourri de la haine l'un envers l'autre depuis quelques années. En effet, celle-ci trouve ses repères dans les achats de Schalke 04. Les Knappen ont subtilisé plusieurs éléments forts du Werder Brême comme Ailton ou encore Fabian Ernst. C'est donc un match loin d'être anodin que vont vivre les deux formations ce samedi à 20h30. D'une trajectoire similaire, ces deux équipes sont néanmoins confrontées à des défis différents.

Un Werder dans la continuité

S'écroulant en fin de saison dernière, le Werder Brême a décidé de se montrer stable. Certes, certains éléments sont partis à l'image de Milot Rashica (11M€, Norwich), Josh Sargent (9,5M€, Norwich), Ludwig Augustinsson (5,5M€, Séville) ainsi que les frères Eggestein, Maximilian (5M€, Fribourg) et Johannes (1M€, Antwerp). Pour autant, la structure est restée similaire comme nous explique notre confrère de Fussball Transfers Tobias Feldhoff : «ils n'ont pas tout changé par la suite. La direction est restée la même, Kohfeldt a été limogé sur match avant la fin de la saison. Ils ont acheté un nouvel entraîneur moyennant des frais Markus Anfang (arrivé de Darmstadt ndlr) et quelques nouveaux joueurs, mais lors du dernier match, par exemple, ils avaient 7 joueurs de l'année dernière dans leur 11 de départ. C'était une victoire 2-1 à Nuremberg avec une bonne performance.» Prenant note de l'échec du projet Florian Kohfeldt qui a fini par renier ses idées de jeu, le club du nord de l'Allemagne s'est relancé. Trouvant une harmonie en 4-3-3 (même si le 3-5-2 est parfois utilisé pour associer Marvin Ducksch et Niclas Füllkrug en attaque), le coach Markus Anfang a réalisé un solide travail de fond.

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«Ducksch est aussi de loin le meilleur transfert du Werder. Il pourrait enfin les ramener en Bundesliga. Niklas Schmidt qui revenait d'un prêt (à Osnabrück ndlr) a également réalisé un très bon début de saison. Plus de choses doivent encore venir de Mitchell Weiser et Nicolai Rapp» souligne Tobias Feldhoff. Pourtant tout pourrait être remis en question. Soupçonné d'avoir falsifié son certificat de vaccination au Covid-19, Markus Anfang a démissionné tout comme son adjoint Florian Junge. «En raison de la situation extrêmement dommageable causée au club, à l'équipe, à ma famille et à moi-même, j'ai décidé de me retirer immédiatement de mon poste d'entraîneur principal du Werder Brême. J'ai demandé à la direction du club de résilier mon contrat», ce qu'elle a fait a-t-il lâché dans un communiqué. Il a laissé le relais à l'intérimaire Danjiel Zenkovic à seulement quelques heures du choc contre Schalke 04. Vivant un petit séisme, le Werder Brême va vite devoir se remobiliser, car le bilan n'est pas encore suffisamment satisfaisant.

Les Werderaner sont certes à la lutte pour la montée, mais la 8e place actuelle à sept points des deux premiers et à six points de Rastibonne le barragiste pour la montée, c'est assez perfectible pour l'instant. La faute surtout à une grosse concurrence avec des concurrents solides comme Darmstadt, Sankt Pauli, Paderborn, Nuremberg, Hambourg et Schalke 04. Pour autant, le Werder reste ambitieux et a un avantage de poids. Ses finances sont assez saines et permettraient de survivre à un échec de remontée immédiate comme le note Tobias Feldhoff : «ils ont beaucoup souffert avant. Mais comme ils n'ont jamais contracté de dettes, ils sont toujours en bonne santé économique. C'est dur à dire, mais leur grand plus est qu'ils ont une ville derrière le club. Tout le monde vit pour le Werder, donc le stade sera plein dans n'importe quelle division. Financièrement, ils sont pauvres, mais en bonne santé. Ainsi, ils peuvent survivre à une autre année en 2. Bundesliga

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Schalke 04 est passé par tous les états

De son côté, Schalke 04 a vécu des mois cruciaux pour la suite de son histoire. Descendu en 2. Bundesliga après un exercice conclu avec 16 points, disposant de dettes dépassant les 200 millions d'euros, menacé de banqueroute et vivant même une chasse à l'homme menée par les supporters envers les joueurs, les Knappen ont connu une saison 2020/2021 catastrophique qui laissait entrevoir des choses très compliquées cette saison. Devant changer leur train de vie qui était largement supérieur à leurs moyens et devant travailler fort pour remonter la pente, les Königsblauen n'ont pas chômé. «La planification de la 2e division a commencé avec l'arrivée de Grammozis. Cela a permis à une partie de l'équipe de s'habituer très tôt au nouvel entraîneur. Grammozis convainc avant tout avec sa minutie. L'équipe est unie autour du capitaine Danny Latza et le soutient également publiquement. Il se passait beaucoup de choses en été. Schalke via le manager Rouven Schröder a vendu 31 joueurs et en a fait venir 15. De nombreuses ventes ont été nécessaires pour se débarrasser de joueurs bien payés et libérer de la masse salariale. Pour d'autres, il y avait de bons prix de vente. Côté acquisition, Schalke a fait pas mal de coups, notamment avec Simon Terodde, Ko Itakura, Martin Fraisl et Thomas Ouwejan. Les autres joueurs n'ont pas aussi bien réussi» nous explique Max Backhaus spécialiste de Schalke 04 pour Bild.

«L'équipe n'était pas non plus dotée d'un effectif optimal et il était trop cher pour les possibilités financières de Schalke 04. Ils avaient donc de longs contrats avec des joueurs qu'ils ne pouvaient pas céder et donc peu de latitude pour faire venir de nouveaux joueurs assez bons pour remédier directement aux points faibles de l'équipe. Il pouvait alors paraître surprenant que l'entraîneur ait été autorisé à rester après la relégation, mais Schalke 04 a enfin parié sur la continuité. La pause estivale a ensuite été très épuisante, car un grand club comme Schalke doit d'abord s'adapter à la nouvelle situation dans une ligue différente. De plus, il y avait naturellement beaucoup de fluctuations dans l'effectif. Ce n'était pas une situation facile» note de son côté la journaliste allemande Marie von den Benken. Avec les départs de Weston McKennie (Juventus), Ozan Kabak (Norwich), Suat Serdar (Hertha), Sead Kolasinac (Arsenal), Matija Nastasic (Fiorentina), Matthew Hoppe (Majorque) et Omar Mascarell (Elche), Schalke 04 a récupéré 41,3M€ dans les ventes et a réussi à prêter Amine Harit (Marseille).

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Prenant des décisions fortes, mais positives pour la suite, le club de la Ruhr a su former un groupe solide en s'appuyant sur les recrues, mais aussi certains éléments comme Malick Thiaw, Marcin Kaminski, Victor Palsson et Marius Bülter, Schalke 04 a trouvé une base intéressante. En même temps, la situation financière du club est telle qu'elle pousse à mieux réfléchir et à innover. Schalke 04 peut aussi compter sur son nom et son histoire pour se démarquer comme le juge Marie von den Benken même si elle garde une légère retenue : «lorsque vos mains sont liées financièrement, que vous êtes relégués, que les meilleurs joueurs et talents quittent le club, ce n'est jamais facile. Aujourd'hui, même les très jeunes joueurs jouent en Bundesliga très tôt s'ils sont bons. Ils ne veulent pas jouer en 2.Bundesliga. Mais Schalke 04 a les fans, le stade, la tradition, ça vaut aussi quelque chose. L'argent n'est plus l'argument à Schalke pour que les joueurs viennent. Ils ont essayé de réunir un bon mélange de joueurs jeunes et expérimentés cet été. Il y a quelques jeunes joueurs prometteurs, cependant, ces joueurs en perspective sont en réalité tous prêtés. J'espère pour les fans de Schalke 04 qu'ils pourront lever l'une ou l'autre des options d'achat, sinon l'équipe va bien sûr s'effondrer à nouveau rapidement.»

Schalke 04 toujours confronté à des problèmes financiers

Pour autant, la situation actuelle n'est pas encore idéale. Pour le moment septième avec trois points de retard sur Paderborn le barragiste et quatre points de retard sur Darmstadt, Schalke 04 est dans le bon wagon, mais a encore des efforts à faire. Surtout, le club de Geselkirchen qui reste sur une défaite 4-2 contre le leader Darmstadt doit faire mieux dans les confrontations contre les cadors de la 2. Bundesliga : «le principal problème c'est que Schalke ne livre pas des grosses performances dans les matchs contre des équipes fortes. Schalke n'a marqué que 3 de ses 22 points contre des équipes classées au-dessus de la 11e place au classement. Contre Brême, Schalke doit prouver le contraire» prévient Max Backhaus. Au-delà de l'aspect sportif, l'aspect financier est d'autant plus important à Schalke 04 que les problèmes (même si le mercato a légèrement atténué cela) sont toujours présents et pèsent comme une épée de Damoclès au-dessus du club. «Le problème est toujours présent. Entre autres, la vente d'une licence e-sport a permis d'éviter au moins une déduction de 6 points cet été. Économiquement aussi, une promotion vaudrait beaucoup au « Königsblau »...Schalke a jeté les bases d'un avenir sportif réussi. L'été a été dur, mais Schalke y a survécu. Néanmoins, la pression est toujours là pour revenir au plus vite en première division» note ainsi Max Backhaus.

De son côté, Marie von den Benken reste optimiste sur un point. Selon elle, Schalke 04 a pris conscience de l'ampleur de sa crise institutionnelle et même s'il ne faudra pas dévier du chemin, de belles choses peuvent arriver : «il y a encore de l'espoir tant qu'ils parviendront à en tirer des leçons. Souvent, il n'y a pas grand-chose d'autre à faire que de choisir la voie de la reconstruction totale, car Schalke n'est pas à l'aise financièrement. Vous ne pouvez tout simplement pas vous agiter et introduire des changements rapides dans la panique, bouleversant tout. Schalke l'a fait tout le temps ces dernières années. Les médias sont au courant de ce qui se passe à Schalke 04 depuis longtemps. Il est depuis longtemps évident que le club est en difficulté financière. Trop de dettes, trop peu de fonds propres, des salaires trop élevés pour trop peu de performances. Cela n'a jamais pu être corrigé en première ligue et a ensuite conduit à la catastrophe lorsque les performances sportives n'étaient plus suffisantes [...] Mais le club ne s'est pas encore complètement effondré et les médias espèrent une résurgence. Cela va faire trembler la région autour de Schalke. Les fans fêteront la promotion comme un championnat. Ce sont aussi des émotions que les médias adorent.»

Le parallèle avec Hambourg

Que ce soit le Werder Brême ou Schalke 04, l'objectif tout désigné est la remontée immédiate. Si celle-ci semble encore très loin et que les deux clubs doivent remonter au classement, ils disposent du modèle à ne pas suivre du tout. Gros club s'écroulant en 2018 alors que c'était la seule de formation de Bundesliga à n'avoir jamais été reléguée, le Hambourg SV enchaîne les échecs depuis quelques saisons. Quatrième en 2019, 2020 et 2021, le Dino est actuellement sixième à deux points des barrages et à trois longueurs de Darmstadt le leader. Ne trouvant pas de projet stable depuis tout ce temps, Hambourg SV est un immense gâchis quand on voit que le Werder Brême et Schalke 04 font aussi bien avec moins de moyens financiers et un contexte plus compliqué. Pour Max Backhaus le fait de voir Schalke 04 s'enterrer en 2.Bundesliga pour plusieurs saisons est encore difficile à prédire, mais il estime que le côté financier serait encore plus compliqué sans remontée : «il est trop tôt pour le dire. Surtout parce que Schalke est probablement plus dépendant financièrement du fait d'être en première division que HSV. Mais force est de constater que la promotion en deuxième division est particulièrement difficile en Allemagne. La ligue est extrêmement serrée depuis de nombreuses années, il y a toujours des équipes surprises.»

De son côté, Marie von den Benken est plutôt positive et voit bien les Knappen s'en sortir : «il est difficile de comparer avec ce qu'il se passe à Hambourg. Hambourg est la ville la plus riche d'Allemagne avec un environnement immense, un grand stade et de grands fans. Normalement, ils devraient toujours jouer pour le titre championnat derrière le Bayern. En termes de ville et de potentiel, beaucoup à Hambourg disent que si le HSV avait été dirigé comme le Borussia Dortmund au cours des 15 dernières années, ils auraient déjà remporté la Ligue des champions. Au lieu de cela, ils traînent en deuxième division depuis des années, usant plusieurs entraîneurs par an. Actuellement, je pense que Schalke pourrait entrer dans cette euphorie que le HSV a ratée après la relégation. Ce sentiment clair qu'ils sont trop forts pour la ligue et qu'ils y appartiennent simplement. Cela se transforme alors en un sentiment « maintenant plus que jamais » qui peut souder l'équipe. Personnellement, je pense que Schalke sera à nouveau promu cette saison. Alors que HSV ne va pas le faire une fois encore.» Alors que ce soir le Werder Brême et Schalke 04 s'affrontent, c'est déjà un petit tournant dans cette 2.Bundesliga plus disputée que jamais. Monuments du football allemand, les deux relégués entendent bien montrer que leur place est bien dans l'élite. Cela passera par deux choses : le travail et la stabilité.

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