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Yanis Beghdadi : «j’ai eu ma chance à Reims et je n’ai pas su la saisir. Finalement, j’ai trouvé une autre chance»

Par Aurélien Macedo
13 min.
Yanis Beghdadi @Maxppp

Jeune ailier de 19 ans, Yanis Beghdadi a eu un début de carrière pour le moins atypique. Vite catégorisé comme un grand espoir à Reims, il a vu sa progression se stopper suite à des erreurs de jeunesse. Finalement, il a depuis décidé de lancer sa carrière du côté du Monténégro et du Sutjeska Nikšić. Des débuts intéressants pour l’international U18 algérien qui entend confirmer tout son potentiel.

Indépendant depuis 2006 et sa scission avec la Serbie, le Monténégro est un petit pays du football même si la sélection entend grandir. Cette dernière aura notamment connu les barrages de l’Euro 2012 et s’est affirmée comme une nation poil à gratter en Europe. Pour ce qui est du championnat, c’est plus compliqué puisqu’il est 53e sur 55 en Europe et seuls Gibraltar et Saint-Marin sont moins bien classés au coefficient UEFA. Avec peu de moyens, ce petit pays des Balkans reste néanmoins un territoire passionné par le football où Stevan Savic (Atlético de Madrid), Adam Marusic (Lazio) ou encore Stevan Jovetic (Olympiakos) ont grandi. C’est en plein cœur du territoire, à Nikšić, que Yanis Beghdadi a décidé de lancer sa carrière professionnelle. Interrogé par nos soins, il savoure cette étape essentielle pour lui : «je me sens bien, j’ai signé professionnel. C’est un peu dur par rapport à la langue, mais je me sens bien et j’ai déjà atteint quelques objectifs. Le premier objectif c’était de signer professionnel, un rêve depuis tout petit qui est atteint. Le second objectif que j’avais, c’était de faire mes débuts en professionnel, puis un autre objectif, c’était d’être titulaire, ce que j’ai pu faire ce week-end.»

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Des débuts parfaits pour l’ailier gauche qui monte en puissance avec deux premières entrées en jeu puis une titularisation avant la trêve internationale. Arrivé sur la pointe des pieds, Yanis Beghdadi est en train de s’affirmer avec sa nouvelle équipe : «mon agent connaissait le président du club, le président a donc vite été mis au courant de mes qualités et me connaissait déjà. Ils m’ont proposé un essai. J’ai pu montrer ce que je valais. Suite à cela, le président et le coach de l’équipe première m’ont proposé un contrat professionnel. Au niveau de l’équipe, cela s’est bien passé. Quand je suis arrivé, j’ai visité le club avec un autre joueur français, ce qui m’a permis de mieux m’intégrer à l’équipe. Quand j’ai signé mon contrat, les joueurs m’ont pris sous leur aile comme un petit frère vu que je suis le plus jeune du groupe. Ils m’aident à m’épanouir.» A l’aise et rencontrant un football très physique, il tire son épingle du jeu grâce à son technique même s’il a connu une préparation accélérée de par sa signature tardive.

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Une acclimatation rapide

Jouer à 19 ans au Monténégro et y découvrir le football professionnel, c’est vrai que ce n’est pas commun, mais Yanis Beghdadi n’a pas eu peur de faire ce choix et peut compter sur un bon accompagnement depuis son arrivée : «Il y a un grand décalage sur les infrastructures. C’est normal, le Monténégro est moins avancé en termes de football que la France. Ils ont moins d’argent aussi. Après ça me convient bien, que ce soit le terrain d’entraînement ou le stade. C’est différent qu’en France, mais largement suffisant pour pouvoir travailler. C’est vrai que c’est un choc parce que forcément je pars de mon pays et j’arrive dans un endroit où je dois apprendre une nouvelle langue. Mon agent m’a mis dans de très bonnes conditions. Il a réussi à me trouver un appartement et à négocier plusieurs choses avec le club, dont un professionnel qui m’apprend la langue chaque jour. C’est un gain de maturité, c’est dans ma mentalité, je suis prêt à faire des sacrifices pour réussir.» Acharné de travail, il nous explique qu’il redouble d’efforts à l’entraînement. Signant le 1er août dernier avec le Sutjeska Nikšić et se retrouvant en retard au niveau de sa préparation, il a débuté la saison le 27 septembre dernier à l’occasion de la 10e journée de championnat. Il a donc eu besoin de temps et surtout d’assimiler la découverte du monde professionnel.

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«J’ai eu la chance de jouer avec les jeunes en France, mais sans connaître le monde senior. D’arriver directement en professionnel, je sens que physiquement c’est un peu compliqué. Je suis petit et quand on tombe majoritairement sur des joueurs qui font plus d’1m80/1m85 et qui sont déjà des hommes, c’est dur de s’imposer physiquement» nous a-t-il déclaré. Pour autant, s’il est satisfait de ses débuts sur le plan individuel, il a du mal à accepter les résultats de son équipe. Vice-champion du Monténégro la saison dernière et deuxième club le plus titre avec 5 sacres (6 pour le Buducnost Podgorica), le Sutjeska Nikšić pointe seulement au 4e rang après 13 journées et compte 10 points de retard sur le leader, le Dečić Tuzi : «le début de championnat est moyen. On peut avoir une meilleure place au classement avec les qualités de l’équipe. Le coach essaye des choses pour trouver la solution. Au vu de nos qualités, on vise la première place pour pouvoir atteindre l’Europe l’année prochaine. C’est une ambition du club d’atteindre l’Europe et de faire un joli parcours. Cette année on a échoué juste avant que j’arrive au club (le FK Sutjeska Nikšić a été éliminé par Santa Coloma 2-0/0-3 au deuxième tour de qualification de la Ligue Europa Conference ndlr).»

Viré du Stade de Reims

Ailier créatif et d’instinct qui apprécie le un contre un, Yanis Beghdadi s’appuie sur sa vitesse et sa percussion pour se distinguer sur le terrain. Prenant pour modèle Jeremy Doku (Manchester City), il s’identifie aussi à Ilan Kebbal (Paris FC). Un joueur avec qui il partage certains points : «on a des choses en commun. Il a été viré du centre de formation de Bordeaux. J’ai été viré du centre de formation de Reims. Après on a eu du mal à rebondir, donc on a un peu le même parcours. Pour l’avoir connu et joué avec lui au Stade de Reims, je trouve que c’est un modèle. Dans sa mentalité je m’y retrouve beaucoup.», Car oui si aujourd’hui Yanis Beghdadi a pu lancer sa carrière professionnelle, cela n’a pas été si simple dans son parcours. Pourtant tout démarrait bien au début : «dans les catégories jeunes de Reims, j’ai toujours été surclassé d’une ou de deux catégories. En U15, j’ai pu participer au stage de Clairefontaine pour l’équipe de France. Reims m’a proposé un contrat de trois ans comme aspirant professionnel. La première année s’est bien passée, car j’ai été tout le temps surclassé. J’étais en U16 et j’ai évolué avec les U17 nationaux et parfois avec les U18 R1. La deuxième année ça a été plus difficile pour moi.»

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Une situation personnelle qui s’est compliquée pour Yanis Beghdadi et la raison n’était pas vraiment sur le plan du terrain, mais plutôt sur les bancs de l’école : «j’étais un élève très perturbateur. Je n’aimais pas du tout l’école. En classe je travaillais peu et je faisais des bêtises. La deuxième année, cela s’est amplifié et j’ai continué à faire des bêtises malgré le rappel à l’ordre du directeur du centre de formation. En fin d’année, j’ai fait une très grosse bêtise à l’école et cela a coûté ma place au centre de formation.» Encore un enfant à l’époque, le droitier a évidemment eu le temps d’y repenser et regrette désormais la tournure des évènements : «j’avais une place de privilégié à Reims, le fait de ne pas avoir eu cette maturité de me dire ça, je le regrette aujourd’hui. Le passage à Reims ne m’aurait pas garanti de signer professionnel aujourd’hui, mais oui quand je vois l’opportunité que j’avais et ma chance à l’époque, je regrette fortement.»

Un rebond qui a mis du temps à venir

Se retrouvant sans rien à la sortie du Stade de Reims, Yanis Beghdadi a été ensuite confronté à de grandes difficultés : «derrière ça a été compliqué, j’avais un pseudo agent qui m’avait promis plusieurs choses. Quand j’ai quitté Reims, j’avais selon lui plusieurs clubs qui me voulaient, mais forcément c’était faux. On avait espéré pour rien. Finalement, j’ai rencontré un agent sur Marseille qui m’avait proposé d’aller à Air Bel pour me remettre en jambes.» Dans ce club de Marseille réputé pour sortir de bons joueurs comme Zinedine Machach, Yoan Cardinale, Lamine Gassama, Steven Fortes, Oumar Gonzalez ou encore Naouirou Ahamada, Yanis Beghdadi aurait pu se relancer, mais cela ne s’est pas passé comme prévu : «au début, j’étais très mal mentalement. Je suis passé d’un statut où j’étais parmi les meilleurs du centre de formation de Reims, donc j’avais des privilèges, à celui du monde amateur. Il y avait une différence de niveau à l’entraînement ou en match. Cela se ressentait sur le terrain aussi, je n’arrivais pas à avoir un bon niveau et à me mettre dedans. La première année comme la deuxième année cela a été difficile à Air Bel. Étant donné que c’était un club amateur, je n’avais pas le même accompagnement qu’à Reims, ce qui est logique.»

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Mentalement atteint par cet épisode, Yanis Beghdadi a finalement pu se relever grâce à une rencontre : «forcément, il y a des moments où je me disais que j’avais eu ma chance à Reims et que je n’ai pas su la saisir. Peut-être que j’ai loupé ma chance de réaliser mon rêve. Finalement, j’ai trouvé une autre chance en rencontrant mon agent actuel.» Pourtant, cela a mis du temps, car Yanis Beghdadi ne se sentait pas prêt pour tenter l’expérience à l’étranger en raison de son âge, mais finalement, lors de sa deuxième année à Air-Bel, il a conclu avec son père qu’il fallait mieux partir pour enfin lancer sa carrière de footballeur : «j’avais un dossier lourd en France de par mon renvoi du centre de formation de Reims. Je jouais peu en plus à Air Bel en plus. J’avais peu de référence sur les deux dernières années. Je n’avais que deux matches en U19 nationaux l’an dernier. Je suis resté sur le banc le reste du temps. Forcément suite à cette saison mon père m’a dit que ce serait mieux que je parte dans un autre pays pour me reconstruire sur le plan du football. Retrouver mon niveau, retravailler comme avant à Reims pour réaliser mon plus grand rêve. A partir de ce moment, mon agent m’a dit qu’il se battrait pour moi pour trouver un club. J’adore travailler, je passe mon temps à l’entraînement. Il y a une part de motivation où je travaille pour moi, mais aussi pour lui.»

Yanis Beghdadi entend prouver

Désormais rivé sur sa saison avec le Sutjeska Nikšić, Yanis Beghdadi est satisfait de ses premières de travail et apprécie déjà les retours qu’il a reçus sur ses performances : «je savais que j’allais démarrer avec les U19. J’ai su rapidement m’adapter. Quand les gens venaient me voir, ils étaient surpris et impressionnés de mon niveau avec l’équipe. Suite à cela, j’ai intégré les professionnels et j’ai disputé une dizaine de minutes lors de mes deux premiers matches. Ce week-end lors de la rencontre contre l’Arsenal Tivat (1-1), j’ai eu droit à ma première titularisation en professionnel. Ça fait plaisir d’entendre des louanges de la part des supporters, car cela veut dire que mon travail paye.» Prenant doucement sa place dans son équipe, Yanis Beghdadi n’entend pas se mettre de limites et a des objectifs bien précis pour la suite.

«À court terme, j’aimerais être titulaire indiscutable, marquer mon premier but, continuer de bien jouer. Au vu de ma personnalité, j’aime plus faire la passe décisive. Mon père se demande pourquoi, mais je préfère faire la passe que tirer. À moyen terme, j’aimerais enchaîner les matches et atteindre si possible 5 buts et 5 passes décisives, un des objectifs que j’ai fixés avec mon agent. À long terme, je ne me fixe pas de limite, peut-être réintégrer la sélection algérienne chez les jeunes et si possible disputer un jour une Coupe du monde avec mon pays» nous a-t-il glissé. Cela est déjà arrivé avec une première réalisation face au FK Jedinstvo Bijelo Polje (2-0) la semaine dernière. Adepte des championnats anglais et espagnol, Yanis Beghdadi s’amuse pour le moment au Monténégro où il a pris un pari risqué, mais qui pour le moment se passe parfaitement.

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