Pourquoi la Liga n’attire pas les investisseurs étrangers

Par Max Franco Sanchez
5 min.
Le président de LaLiga Javier Tebas en août 2021 @Maxppp

Si on assiste à l’arrivée d’investisseurs étrangers de façon massive en Angleterre et même en France, ce n’est pas tellement le cas en Espagne. Explications.

Il est de plus fréquent de voir des clubs être rachetés par des fortunes étrangères. Hommes d’affaires, États ou fonds d’investissement ; ils sont nombreux à comprendre que le football est un superbe outil pour gagner de l’argent. Du moins en Angleterre… Mais pas que, puisque détenir un club de football offre également un certain prestige, du pouvoir, permet de s’implanter dans un pays pour y développer d’autres activités, ou peut même servir d’arme géopolitique. Vous l’aurez compris, les raisons qui poussent des acteurs généralement issus des pays du Golfe ou des États-Unis à investir dans le football sont de plus en plus nombreuses. On le voit chez nos amis britanniques donc, mais aussi en France et en Italie.

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En revanche, en Espagne, c’est plutôt calme. Ce qui peut s’avérer surprenant, puisqu’en termes de potentiel, la Liga semble être une destination plutôt intéressante pour bâtir un projet. Un championnat tout de même bien médiatisé à l’international, un pays fan de foot, qui attire des millions de touristes tous les ans, des centres de formation performants, des clubs avec des infrastructures globalement solides et bien d’autres éléments à prendre en compte qui feraient de nos voisins ibériques un point d’entrée intéressant pour des investisseurs. Seulement, dans la pratique, c’est plus compliqué. Tout d’abord, parce que Javier Tebas et les institutions de façon générale sont plutôt réticentes à l’arrivée de capital étranger dans les clubs. Depuis des années déjà, le patron de la Liga dénonce le doping-financier des clubs état. Dans sa roadmap, la Liga préfère que ses clubs s’appuient le moins possible sur des investissements externes et qu’ils fassent grandir le club d’eux-mêmes en développant le marketing, en améliorant la formation et les résultats sportifs, et d’autres facteurs de croissance, moins artificiels si on peut dire ainsi. La Real Sociedad ou Villarreal sont l’exemple même de ce que souhaite la Liga.

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Bien plus d’échecs que de réussites

Et quand on voit les quelques exemples d’investisseurs étrangers en Espagne, on peut comprendre ce positionnement. Malaga est à deux doigts d’être reléguée en troisième division, Valence vit un enfer avec Peter Lim et flirte aussi avec la relégation en deuxième division, l’Elche de Cristian Bragarnik file tout droit vers la D2, alors que l’Espanyol et Granada, en mains de groupes chinois, ont aussi connu des relégations et ne dépassent pas la moitié de tableau quand ils sont en première division. Dans tous les cas, on a retrouvé des points communs : des grosses promesses, quelques investissements au début, puis un certain désintéressement, aucun argent injecté dans le club, des décisions sportives douteuses, de l’instabilité, et forcément, des résultats en chute libre. Il n’y a qu’Almeria, qui appartient au Saoudien Turki Al-Sheikh et Girona, qui fait partie du City Group, qui s’en sortent plutôt bien pour l’instant. Mais on en est encore au tout début du projet dans les deux cas. L’Atlético de Madrid compte aussi du capital étranger dans ses comptes, mais minoritaire.

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Pourquoi tant d’échecs ? Il faut d’abord signaler qu’en Espagne, le football est globalement peu rentable. Beaucoup viennent avec l’espoir de, n’ayons pas peur des mots, s’en mettre plein les poches. Mais une fois sur place, ils se heurtent à une réalité différente. Financière, tout d’abord. Entre imposition et fiscalité difficiles pour les entreprises et administration parfois compliquée à appréhender, l’Espagne n’aide pas vraiment les fortunes étrangères à y implanter des activités, et ça va bien au-delà du foot. Mais surtout, les clubs ont du mal à générer de l’argent. On parle là d’un pays globalement pauvre (à l’échelle européenne), et donc de revenus qui restent potentiellement limités. Les supporters n’ont pas forcément énormément d’argent à consacrer à l’achat des abonnements TV, du merchandising ou même de billets pour les matchs. Et à l’international, la Premier League domine les marchés intéressants, en Asie notamment. Sans parler que beaucoup de clubs de Liga, déjà dans l’ombre du Barça et du Real Madrid, qui vampirisent presque tout, représentent un marché avec peu de potentiel, puisqu’installés dans des petites villes ou dans des régions où un ou deux gros clubs dominent déjà.

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Si les droits TV augmentent doucement mais sûrement et que la Liga se démène pour développer son produit, c’est encore trop peu pour espérer rentabiliser un investissement colossal. Mais surtout, il y a ce fair-play financier national, qui vise à empêcher les clubs de dépenser plus d’argent que ce qu’ils ne génèrent. Il est donc impossible de voir un scénario dans lequel un richissime état ou homme d’affaires débarque et se mette à dépenser des millions et des millions sur le mercato d’entrée de jeu. C’est un énorme frein, logiquement, puisqu’il est impossible de reproduire un projet à la Newcastle en Espagne. Les clubs doivent d’abord maximiser leurs revenus en signant de nouveaux contrats de sponsoring, en améliorant tout un tas de choses, et c’est forcément un travail énorme, fastidieux et qui se fait sur le moyen/long terme, qui rebute donc un peu de potentiels investisseurs. Un club peut bien avoir un milliardaire aux commandes, il ne pourra pas dépenser, sur le mercato, plus que les revenus réels du club (droits TV, merchandising etc).

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Il y a aussi une composante culturelle à prendre en compte : les supporters espagnols sont généralement très attachés à l’identité de leur club et plutôt réticents à tout ce qui pourrait, en quelque sorte, faire perdre cette identité locale à leur formation de cœur. L’investissement étranger dans le foot n’est pas seulement mal vu par les instances, il l’est aussi par les fans. Et même politiquement, c’est compliqué. Il faut faire face aux joies de l’administration et des politiciens locaux, et c’est souvent difficile. Du côté de Malaga, Al-Thani était par exemple convaincu de pouvoir développer un complexe hôtelier énorme sur la cote. Mais les politiciens de la ville andalouse s’y sont opposés. Cas de figure similaire à Valence avec ce nouveau stade au cœur de négociations qui traînent entre la mairie et le groupe propriétaire. Vous l’aurez compris, investir en Espagne, ce n’est pas une partie de plaisir…

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