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OL : les malheurs de Fabio Grosso font réagir l’Italie

Par Valentin Feuillette - Dahbia Hattabi
10 min.
Fabio Grosso entraîneur de l'OL @Maxppp

Quelques jours après la terrible soirée au stade Vélodrome au cours de laquelle le bus de l’Olympique Lyonnais a été gravement attaqué, les médias européens dont ceux basés en Italie continuent de réagir aux images choquantes de Fabio Grosso, au visage ensanglanté, suite au jet d’une bouteille en verre. La rédaction de Foot Mercato a rencontré plusieurs journalistes italiens qui reviennent sur les premières semaines du Champion du monde 2006 sur le banc de l’OL.

C’est la terrible image qui a secoué le football européen le weekend dernier. Alors que la Ligue 1 espérait proposer une belle affiche du dimanche soir avec ce traditionnel Olympico, opposant l’Olympique de Marseille à l’Olympique Lyonnais sur la pelouse de l’Orange Vélodrome, qui sent toujours bon la poudre. La rencontre a pris une tournure désastreuse avec le caillassage du bus officiel de l’OL par des supporters marseillais, la grave blessure à l’œil de Fabio Grosso, qui a reçu un bouteille en verre au visage, les assauts sur les autres cars lyonnais transportant les supporters mais aussi les saluts nazis, les cris de singe et les chants racistes d’une partie des groupes lyonnais en parcage. Un scénario qui a, une fois de plus après l’épisode du stade de France lors de la finale de la Ligue des Champions 2022 et à moins d’un an des Jeux Olympiques de Paris 2024, offert une publicité catastrophique au football français. De nombreux faits graves et isolés qui ont conduit les commissaires de la Ligue de football professionnel (LFP) en accord avec les présidences marseillaises et lyonnaises ainsi que l’arbitre François Letexier à reporter la rencontre initialement prévue dimanche soir, dans le cadre de la 10ème journée.

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En proie à de véritables difficultés, notamment liées à la vente de ses droits TV pour la retransmission de ses championnats, la LFP doit aussi jongler avec de graves événements dans les tribunes depuis la fin des restrictions liées à la pandémie du Covid-19, illustrés par plusieurs matchs dont MHSC-Clermont, OM-MHSC, Lens-LOSC, Nice-OM, OL-OM, ASSE-AJA et Bordeaux-Rodez. De graves débordements que nos voisins n’ont pas manqué de commenter ces derniers mois. S’il y a un pays frontalier à la France qui avait un petit œil rivé sur le Vélodrome dimanche soir, c’est bien l’Italie avec ce «Tactico» entre deux entraîneurs italiens Gennaro Gattuso et Fabio Grosso. L’agression dont a été victime ce dernier a d’ailleurs été l’objet d’un édito signé par le très célèbre sociologue et journaliste italien Pippo Russo dans les colonnes de Calciomercato : «L’épisode d’hier soir n’est que le plus sensationnel. La blessure de l’entraîneur lyonnais Fabio Grosso par des hooligans marseillais fait monter d’un cran le niveau d’urgence de la violence autour du football français, mais elle est loin d’être un épisode isolé. En effet, elle s’inscrit dans une série qui prend la forme d’une escalade et fait de la France une urgence européenne en matière de violences liées au football. Dans cette tendance, se démarque la propension à éliminer la barrière entre la violence du stade et les protagonistes du match», écrit Russo en rappelant également l’épisode avec le gardien clermontais Mory Diaw qui a reçu un fumigène sur la tête, lors de Montpellier-Clermont.

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Le hooliganisme français pointé du doigt

Le journal italien La Repubblica, l’un des plus grands quotidiens du pays, a publié ce mardi une mini-enquête sous la forme d’une rétrospective intitulée «Affaire Marseille-Lyon : menaces, sang et bras tendus, la France prise en otage par les ultras» signée Emmanuel Gamba. Cet axe prend de plus en plus de place dans la vision du football français depuis l’étranger : «en France, je crois qu’il y a un sérieux problème de violence ultras. Dans les championnats et coupes d’Europe, il est presque habituel que des incidents se produisent avec les supporters français, à l’intérieur ou à l’extérieur du stade. Le gouvernement français avait disposé plus de 500 policiers pour un match à très haut risque, mais des incidents de ce genre se produisent de la même manière : comment est-ce possible ? Vous devez enquêter sur la façon dont les mesures de sécurité sont gérées dans les matchs de football. Celui qui fait ce genre d’actions violentes doit être pris et puni. Le public "normal" ne peut pas en pâtir à cause d’une partie des supporters», nous confie le journaliste italien Giacomo Morandin.

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Lors de l’attaque du bus officiel de l’Olympique Lyonnais par un groupe de supporters marseillais, Fabio Grosso a été grièvement blessé, nécessitant une intervention urgente et rapide des médecins du club qui ont pris soin du natif de Rome. Près de 12 points de suture ont été nécessaires pour recoudre l’arcade sourcilière de Grosso. Les images du visage ensanglanté et du bandage épais sur la tête du jeune entraîneur ont choqué l’Italie : «Ce qui s’est passé dimanche est horrible. On sait que c’est en France, mais ça peut arriver en Italie, il y a des situations qui peuvent générer des tensions très fortes entre les équipes. Mais cette fois-ci, ça a dépassé les limites. La chance de Fabio Grosso est qu’il a certainement dû réagir rapidement pour ne pas avoir des blessures bien plus graves ou plus graves que celles qu’il a déjà eu. Il y a moins d’attention sur le football français actuellement donc ça n’a pas eu un écho aussi important que ce qu’on pouvait attendre (en Italie, ndlr). Mais ceux qui suivent le sport ici ont été glacés à la suite des images qui sont arrivées de Marseille», a déclaré la journaliste italienne Valentina Clemente à Foot Mercato.

En effet, si voir des bus caillassés n’est malheureusement pas un phénomène si rare, le fait qu’un entraîneur ou un joueur soit aussi gravement touché dans ces turbulences de supporters est néanmoins bien plus unique. Les photos publiées sur les réseaux et relayées dans les presses européennes ont réellement alerté en Italie, au point d’avoir occupé une partie de la couverture footballistique nationale récemment : «Les images de Grosso ensanglanté et frappé par les pierres des ultras de l’OM, ont fait beaucoup de bruit. Sur les réseaux sociaux et les sites web, on en a beaucoup parlé et pas seulement parce qu’il s’agissait d’un Italien et d’un champion du monde en 2006 autant parce que c’est un acte de violence que rien ne doit avoir à voir avec un match de football», nous déclare le journaliste Alessandro Mossini. Dans ce malheur, Fabio Grosso a pu compter sur une intervention médicale rapide et le soutien des deux clubs, des médias, des politiques régionales mais aussi de la LFP, ce que veut souligner le journaliste Diego Fornero : «j’espère que quelque chose sera fait pour résoudre le problème de la violence des ultras. Cet incident aurait pu avoir des conséquences encore plus graves et j’apprécie beaucoup le fait que l’incident ait également été condamné par la presse sportive française et par les institutions. Il n’y a pas de formule magique, mais il faut plus de contrôles au sein de l’organisation de supporters», nous précise-t-il.

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Souvent concernés par des problèmes liés à ses supporters, les groupes de supporters de l’Olympique de Marseille ne possèdent pas la meilleure des réputations en Italie. Et le journaliste Alessandro Mossini se rappelle de problèmes déjà dans les années 80 : «Depuis longtemps en France, je crois qu’il y a un problème lié à la violence des supporters, ce n’est pas le premier cas d’actes violents et de disqualification. Ensuite, il n’est pas juste de généraliser, mais on ne peut pas ne pas remarquer qu’il s’agit souvent de l’Olympique de Marseille. Ce sont des supporters parmi les plus violents d’Europe et il se passe quelque chose chaque année, en France et pendant les coupes. Je pense qu’il est temps de mettre un frein sérieux à ceux qui commettent des actes violents et en particulier à eux. Personnellement, je suis allé au vieux Vélodrome à l’occasion de Marseille-Bologne de la Coupe de l’UEFA 1998 et je m’en souviens encore comme d’une soirée d’affrontements et de grande peur»

L’Italie juge aussi les débuts de Grosso

Les semaines se suivent et se ressemblent tristement pour l’Olympique Lyonnais. Le changement d’entraîneur, opéré le 16 septembre dernier avec le départ de Laurent Blanc et l’arrivée de Fabio Grosso, ne semble pas encore porter ses fruits. En effet, l’OL a encaissé six défaites en neuf journées de championnat. Ce qui place les Gones à la 18ème et dernière position de Ligue 1. Pour le moment, la mayonnaise ne prend pas avec Fabio Grosso qui a réalisé une campagne louée en Italie avec Frosinone la saison passée en Serie B : «En Italie, Grosso n’a pas une grande confiance du public en tant qu’entraîneur, mais après sa promotion en Serie A avec Frosinone l’année dernière, il méritait une chance importante. Un contexte comme Lyon est certainement intéressant, mais en ce moment être l’entraîneur de l’OL est une responsabilité vraiment lourde, vu la situation qui tourne autour du club. La défaite contre Clermont est le symbole du moment historique que vit le Lyon : Grosso devra être bon pour trouver des solutions, mais il semble un peu abandonné à lui-même par la direction», nous a analysé Giacomo Morandin.

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Des résultats compliqués en forme de symbole désastreux pour un club qui sort de deux décennies glorieuses en France sous la présidence de Jean-Michel Aulas, qui a officiellement cédé son fauteuil de dirigeant à l’Américain John Textor. : «Quand vous parlez de Grosso en Italie, on parle surtout de la Coupe du monde 2006. En ce qui concerne le coaching, il n’a pas une carrière si longue qui fait qu’il a laissé une trace dans chacun des clubs où il est passé. Je pense que, pour lui, venir en France pouvait être un défi important afin d’acquérir une expérience plus importante. L’OL est un club dont le blason parle toujours. D’un autre côté, la situation du club n’était pas facile. Donc c’était un défi dans le défi. Dans l’ensemble, on voit que les difficultés se sont accumulées. Mais on pouvait aussi se dire que c’était prévisible quand tu n’as pas une clarté au niveau sociétaire. Je pense qu’il a saisi cette opportunité dans un sens plus large. Mais d’un autre côté, il s’est retrouvé à affronter des situations plus compliquées que ce qu’il pensait», nous précise Valentina Clemente.

«Et maintenant ?», se questionne l’Italie

Déjà en grandes difficultés depuis son arrivée à la tête de l’OL, Fabio Grosso devra désormais poursuivre sa lourde mission de sauver les Gones, avec les conséquences d’un traumatisme évident. D’ailleurs, l’Italien était absent de la séance d’entraînement mardi : «On ne peut pas dire s’il doit continuer ou non. Cet événement complique peut-être plus sa tâche. Mais s’il part après ce qui lui est arrivé, ça donnerait encore plus d’importance à des gens qui n’ont rien à voir avec le sport mais qui sont là pour se bagarrer. Ce n’est pas juste pour le football en général et le foot français encore plus, mais ça permettra peut-être de vivre cela dans de meilleures conditions à présent. On espère le voir continuer et surtout de continuer dans un contexte plus stable afin qu’il puisse donner son maximum et avoir le soutien qu’il mérite» explique Valentina Clemente. En attente de retrouver les Rhodaniens sur les pelouses de Ligue 1, l’abattement médiatique autour de l’OL ne risque pas de calmer le vestiaire, alors que Fabio Grosso s’était mis à la recherche d’une taupe au sein de son groupe la semaine dernière.

Malgré des débuts compliqués avec les Gones, certains observateurs italiens y voient surtout une preuve de l’instabilité au sein de l’Olympique Lyonnais, qui commence à ronger toutes chances de développement sain, surtout pour un entraîneur comme Grosso qui a besoin d’un groupe soudé pour installer sa philosophie : «Sur les résultats sportifs, en fait Grosso a des difficultés. Je crois que c’est un entraîneur qui a besoin de créer une grande empathie avec ses joueurs, il est préparé tactiquement mais il est encore plus fort au niveau humain. Je l’ai vu de près quand il entraînait l’équipe jeune de la Juventus et j’étais sûr qu’il allait réussir. A Frosinone, il avait créé un groupe vraiment compact, mais peut-être que Lyon a besoin de choses différentes. Au-delà de l’entraîneur, je crois que l’effectif n’est pas excellent, il y a eu de grandes ventes et Lacazette seul ne suffit pas à diriger l’équipe vers d’autres résultats», nous explique Diego Fornero. Il est vrai qu’au-delà du jeu produit ou des résultats négatifs, les dernières sorties médiatiques de John Textor et les nombreux départs dans l’organigramme du club ne sont pas des ingrédients alléchants pour sortir un club d’une épaisse crise totale.

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