Conference League : dans l'enfer de Thessalonique

Par Constant Wicherek
6 min.
Le Stade Toumba, celui de Thessalonique, lors du match de C1 entre le PAOK et le Spartak Moscou @Maxppp

Ce jeudi, l'Olympique de Marseille affrontait, en Grèce, à Thessalonique, le PAOK en quart de finale retour de la Conference League. Razvan Lucescu, le coach du club grec, avait annoncé la couleur et on connaissait, de rumeurs, la chaleur des ultras du club. Arrivés mardi soir, nous n'avons pas été déçus.

« J’espère que vous serez reçus comme vous nous avez reçus. J’espère que vous serez accueillis comme nous l’avons été. Je suis déçu de ce que j’ai vu. Pour le football, ce n’est pas acceptable. On a beaucoup de violence à l’extérieur et on n’a pas besoin d’en avoir dans le football. Ça ne donne pas une bonne image de Marseille », avait expliqué Razvan Lucescu, le coach du PAOK, après la défaite de son club contre l'Olympique de Marseille jeudi dernier en quart de finale aller de la Conference League (2-1).

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Il avait même enchaîné, loin des micros, en exprimant le fait que les fans de l'OM feraient mieux de ne pas se déplacer dans le nord de la Grèce. La haine de la défaite et les évènements d'avant-match avaient été les déclencheurs de cette déclaration choc. Bien entendu, nous avions entendu parler de la chaleur (euphémisme pour évoquer la violence) des fans du PAOK. Et si cela ne suffit pas, les fans du Partizan Belgrade sont leurs amis. Ils ont en commun de détester les supporters de l'AEK Athènes qui, eux, aiment ceux de l'OM. Vous suivez ?

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« Vous venez de France ? Pour le match ? Faites attention, ne parlez pas français »

On attendait donc avec impatience ce déplacement, d'autres avec un peu d'appréhension. Au départ de l'aéroport Marseille-Provence, mardi, sur les coups de 12h25, les premières nouvelles de Grèce arrivaient. Certains confrères connaissaient des journalistes hellènes qui leur expliquaient qu'il fallait faire « attention » et « éviter de parler français ». Dommage pour la session touristique.

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Après un retard lors de l'escale du côté de Berlin et deux bonnes heures de vol, on arrivait à l'aéroport et la chaleur était plutôt clémente malgré l'heure tardive (22h). Dans le premier taxi que nous prenons, même rengaine : « vous venez de France ? Pour le match ? Faites attention, ne parlez pas français ». Bonne ambiance.

Fumigènes et fans du Partizan en front de mer

Lors du déjeuner du mercredi, dans un mignon petit restaurant typique où l'on sert des salades grecques et d'autres viandes, le soleil cogne et le patron du troquet, un fan de l'AEK, nous explique qu'il faut faire attention. Son petit frère, un grand homme tatoué et barbu, est fan du PAOK. Il nous explique qu'ici, les fans sont chauds, tout en racontant, avec nostalgie, la fight qui a opposé les ultras de l'AEK à ceux du PAOK, en finale de la Coupe de Grèce 2017 à Volos, dans le centre du pays. Mimant même des coups de surins pour appuyer son récit.

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Forcément, le jour du match, les journalistes français étaient sur leurs gardes, d'autant que le match n'était qu'à 22h, heure locale. Après une belle petite balade dans l'hyper-centre de la cité, l'heure de déjeuner arriva. Choix rapide, place Aristote, avec vue sur la mer. Quelques minutes, seulement après s'être installés, nous entendions un petit groupe, vêtu de noir, attablé non loin de nous, chanter à la gloire du Partizan Belgrade avec craquage de fumigènes. Panique chez le patron du Savvikos.

« Il y a des supporters un peu chauds, ne parlez pas français, ne vous faites pas remarquer », nous murmure-t-il tout en s'agitant dans tous les sens et prévenant, semble-t-il, sa serveuse. Une bonne heure plus tard, nous quittions, repus, le restaurant pour effectuer une balade digestive sur le bord de la mer Égée. Aucun souci. Rien à déclarer.

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Refus de taxis

L'heure du match arrive. Le premier taxi que nous tentons de prendre pour rejoindre le bouillant Toumba nous refuse. Le second panique et nous refuse aussi. Le troisième est le bon et nous dépose à quelques dizaines de mètres de l'entrée presse, juste devant un cordon impressionnant de policiers armés et de camions anti-émeutes. Mais aucun réel danger, des sourires même nous accompagnaient, mais comme Virgil faisait dire à Laocoon dans l'Enéide : « Timeo Danaos et dona ferentes », comprendre : « je crains les Grecs, même lorsqu'ils font des cadeaux ».

Une fois dans le stade, le virage à notre gauche se remplit rapidement et nous ne sommes qu'à 2h30 du coup d'envoi. On constate des sifflets à l'encontre des officiels de l'UEFA, puis du car de l'OM arrivant devant le stade et enfin à la reconnaissance des Olympiens sur la pelouse. L'heure avance, le coup d'envoi approche et le Toumba affiche complet (près de 29 000 personnes).

Une belle acclamation à la fin

Les premières minutes du match étaient intenses, les joueurs du PAOK allaient de l'avant et leur public poussait aussi fort qu'il huait les Marseillais quand ils avaient le ballon. Mais cela n'a duré qu'un petit quart d'heure pour être honnête. Nous étions bien loin de la fournaise annoncée et on a connu bien pire cette saison, notamment sur la pelouse du Galatasaray. Du côté de la sécurité, nous ne craignions pas grand-chose en tribune de presse.

Les Grecs reculaient et les joueurs de Jorge Sampaoli, suspendu ce jeudi soir, mettaient le pied sur le ballon. Quelques sifflets, mais rien de plus et la "clim" fut installée par Dimitri Payet à la 34e minute. En seconde période, toujours pareil. Dix bonnes minutes de bruit, puis un seul chant qui tournait en boucle. La foule criait à chaque décision défavorable de l'arbitre ou bruissait à chaque tentative de ses héros. Coup de sifflet final, aucun sifflet, évidemment, mais des joueurs du PAOK acclamés.

Desio n'est pas impressionné, Bakambu si

En conférence de presse, Jorge Desio, l'adjoint de Sampaoli, a expliqué que les joueurs semblaient avoir fait fi de cette ambiance : « eh bien, évidemment c'est important de voir les supporters et tout cela. C'est ce qu'on voit à chaque fois qu'on va à l'extérieur. On a obtenu plus de points à l'extérieur. Les joueurs sont habitués à supporter la pression des supporters adversaires. On a imposé notre idée, jouer jusqu'à la 90e minute. L'important, c'était de jouer ».

Cedric Bakambu l'a suivi et a, lui, aimé l'ambiance : « cela reste une coupe d'Europe, c'est une grosse ambiance. J'en ai connu, mais ce soir le public m'a surpris. C'est un gros public. Je suis ravi ». Vers une heure du matin, heure locale, nous avons été mis à la porte du stade, gentiment. Les rues étaient désertes et le retour fut tranquille. A l'image du stade, l'accueil qu'on nous promettait était loin de la rumeur. Et heureusement.

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