Abdourahmane Barry «revit» après son cauchemar au Red Bull Salzbourg

Par Augustin Delaporte
6 min.
Abdourahmane Barry avec la tunique des trèfles sur le dos. @Maxppp

Alors qu'il est un joueur du Paris Saint-Germain depuis ses 12 ans, Abdourahmane Barry voit un jour débarquer un homme qui se présente comme un représentant du Red Bull Salzbourg au Camp des Loges. Ce dernier va alors le convaincre de partir pour l'Autriche à 18 ans bien que Paris lui offre une proposition de contrat dans le même temps. Depuis Nuremberg, où il apprend à revivre footballistiquement, le Titi revient sur ses deux années tumultueuses.

Un après-midi de 2018, Abdourahmane Barry remonte l'avenue du Président-Kennedy entouré d’autres jeunes formés au Paris Saint-Germain. Il s’apprête à disputer un match U19 au Camp des Loges. Les rires de la bande en pénétrant dans le centre d’entraînement du club de la capitale couvrent presque un son qui attire l’oreille «d’Abdou». «Il est où Barry ? Il est où Barry ? Il est où Barry ?», questionne inlassablement un inconnu. Barry le dépasse, puis se retourne : «c’est moi».

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L’homme sourit, se présente et assure qu’il est un représentant du Red Bull Salzbourg. Il veut parler avec Abdourahmane Barry, mais celui-ci a un match et l’oriente vers sa famille qui ne devrait pas tarder à venir garnir les froides tribunes du stade. Barry tente de rentrer à nouveau dans sa bulle, mais entend quelques instants plus tard : «elle est où la famille Barry ? elle est où la famille Barry ?...» Une habituée indique alors la mère d’Abdourahmane assise à côté de son frère. L’homme se précipite et discute avec le clan, explique qu’il suit le jeune de 18 ans depuis l’Al Kass International Cup… Abdourahmane fait abstraction et s’est reconcentré sur son match.

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À l’issue de la rencontre, le représentant revient à la charge. Il veut s’entretenir avec le défenseur centrale. Barry, qui doute de l’identité de cet inconnu, lui donne le numéro de son agent et lui dit de voir avec lui. Dans la soirée, le joueur reçoit la visite de son agent qui lui confirme : Salzbourg le veut.

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Luis Fernandez pousse pour le faire signer à Paris

Dans le même temps, Luis Fernandez (directeur du centre de formation cette année-là) multiplie les rendez-vous avec la mère et le frère Barry. Une offre est sur la table, mais Abdourahmane hésite. «Tu verras, tu auras ta chance», promet pourtant Fernandez. «Mais je n’y croyais pas», rembobine l’intéressé. Unai Emery est alors l’entraîneur principal du PSG et l’Espagnol ne donne que peu de minutes aux jeunes du club.

Paris est son club de cœur, celui qui l’a sorti de Courbevoie à 12 ans, celui qui a mis sa famille à l’abri, mais à seulement 18 ans il n’y voit plus aucun avenir : «ceux qui étaient là avant moi n’avaient pas eu leur chance. À mon poste, des Mamadou Doucouré ou Dan-Axel Zagadou ne jouaient pas alors qu’ils étaient en avance sur moi… Et puis tu vois que le club n’arrête pas d’acheter des joueurs, que des stars en plus et tu te demandes à quoi ça sert de rester ? Dans le vestiaire il y avait ce petit bruit : rester au PSG ? d’accord tu vas toucher de l’argent. Mais en tant que footballeur ton but c’est de jouer, quitte à redescendre un peu pour revenir plus haut ensuite.»

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Tout va ensuite s’accélérer. Une rencontre est organisée entre le joueur, son agent et le représentant Red Bull. Ce dernier présente le projet du club, «la Red Bull Philosophy» basée sur le gegenpressing et l’audace dans la relance. Il détaille les raisons qui ont conduit le club à s’intéresser à lui, montre des vidéos de jeu et finit par l’inviter à visiter les installations flambant neuves de Salzbourg. Le défenseur est séduit, d’autant que le Camp des Loges accuse encore du retard dans ce domaine. L’accord est trouvé dans la foulée : Abdourahmane Barry évoluera six mois avec le FC Liefering - club de deuxième division qui fait office de réserve de Salzburg grâce au système de «Kooperationsspieler» («joueurs de coopération») -, avant de revêtir la tunique de Salzbourg et de pourquoi pas s’imaginer une trajectoire à la Dayot Upamecano ?

En Autriche, l'aventure n'a finalement rien d'un conte de fées. Si Abdourahmane Barry est titulaire lors des cinq premières journées de championnat (3 victoires, 1 nul et 1 défaite), il alterne de plus en plus avec le banc ensuite, avant de carrément sortir du groupe la saison suivante. Désormais les étoiles et le RB Salzburg sont loin, le terrain aussi. «Je ne sais pas du tout ce qu’il s’est passé», s'interroge encore le Titi. «Tout se passait bien et du jour au lendemain il y a eu un basculement. On ne m’a jamais averti de quoi que ce soit, jamais. Et quand j’allais demander, on me donnait de fausses excuses : tu es gros, tu ne fais pas les cours d’allemand... Alors que c’est faux, j’y allais tout le temps !», poursuit-il révolté.

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Le cauchemar Salzbourg puis la renaissance allemande

Mais la formation autrichienne va plus loin encore. Barry est mis à l'écart : «pendant un mois et demi je n’étais qu'avec le préparateur physique. Je ne faisais que courir tous les jours, je courrais autour du terrain, j’étais à la salle, mais je n’étais jamais avec l’équipe. Je pense qu’ils voulaient me faire craquer. Ce que je n’ai pas fait et quand ils ont vu ça ils m’ont remis dans le groupe.» À maintenant 20 ans, le joueur voit ses amis évoluer en Ligue 1 alors que lui stagne. Il décide donc d'arrêter les frais à l'issue de la saison dernière. Il change d'agent et s'engage avec Bernard Collignon, puis résilie son contrat qui courrait jusqu'en juin 2023 avec le RB Salzbourg. Le but est de rapidement trouver un club qui lui offre du temps de jeu. L'opportunité de tarde pas à se présenter.

Mis à l'essai en deuxième division allemande une semaine (au Greuther Fürth), Abdourahmane convainc dès le premier jour : «le club voulait me faire signer après un jour d'entraînement. Mais je ne voulais pas me précipiter, je voulais aller au bout de ma semaine de tests. J’ai fait ma semaine et le jeu de l’équipe m’a plu, ça joue au foot, ça ne dégage pas n'importe comment. L’entraîneur veut que l’on ressorte les ballons proprement, qu’on évite d’allonger. J’ai été formé comme ça au PSG, ça me correspond.» Le mariage de raison est donc célébré à l'issue de la semaine de tests.

Un mariage consommé dès la deuxième journée de championnat. Le vétéran Mergim Mavraj se blesse et Barry entre dès la 21e minute de jeu dans la défense à cinq des trèfles, avant d'enchainer avec une titularisation la semaine qui suit. En dehors du terrain, le jeune homme trouve un logement dans la charmante ville de Nuremberg, collée à Fürth. La vie est plus légère, le sourire est revenu : «un footballeur ne demande qu’à jouer. Tu peux avoir tout ce que tu veux mais si tu ne joues pas, ta vie est nulle. Le fait de rejouer me rend heureux tout le temps. Je revis», résume celui qui est loin d'avoir mis de côté ses ambitions pour l'avenir : «j’aimerais être appelé en équipe de France et monter avec l’équipe en Bundesliga... qui sait, sur un petit miracle», conclut-il, amusé.

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