Comment bien gérer un statut de remplaçant dans une équipe de football @Maxppp

Comment bien gérer un statut de remplaçant dans une équipe de football

Par Frederic Yang - 12/05/2021 - 18:17

Dans une équipe de football, chaque joueur aspire à figurer dans le onze de départ. Malheureusement, une grande partie d’entre eux va être cantonnée à un statut de remplaçant de manière régulière, ce qui n’est pas sans impact et sans risque à plusieurs niveaux. Voici des astuces pour éviter les erreurs communes et sortir grandi de cette situation délicate.

« Je ne revendique rien ici. Ni un temps de jeu, ni un poste précis, c'est juste que je veux vraiment qu'on me donne ma chance et que je sente qu'il y a vraiment une concurrence dans cette équipe. Je suis un compétiteur, un champion, c'est compliqué d'accepter cette situation d'être remplaçant. On peut accepter d'être sur le banc si on sait que c'est temporaire et si on peut changer quelque chose. Sinon, c'est comme une punition. (...) Aujourd’hui, je n’accepte pas ma situation, et c’est normal. Ce serait bizarre et même grave d’accepter ça » Cantonné sur le banc du PSG lors de la saison 2016/2017, Hatem Ben Arfa avait exprimé son ras-le-bol dans une vidéo publiée sur Facebook en mars 2017.

Il ne s’agissait malheureusement que des prémices d’un échec retentissant et mémorable puisque le joueur, pourtant brillant lors de la saison précédente avec l’OGC Nice, sera écarté du groupe et fera une saison blanche avec le club de la capitale en 2017/2018. Or, il n’y a rien de pire pour un joueur professionnel que ne pas jouer de match car cela mène à un désentraînement et donc à une perte de performance, à une perte de niveau mais aussi à une multiplication des risques de se blesser. Pour éviter cette descente aux enfers, le joueur remplaçant doit redoubler de vigilance et de discipline.

Maintenir des actions à haute intensité à l’entraînement et une sollicitation musculaire élevée

Le manque de temps de jeu pénalise évidemment le remplaçant d’un point de vue mental (on y viendra juste après) mais aussi d’un point de vue physique. Après la préparation estivale d’avant-saison, les joueurs sont censés être plus ou moins au même niveau physique pour débuter la saison. Or, dès que le championnat va commencer, des déséquilibres au niveau physique vont s’effectuer car certains joueurs accumuleront beaucoup de minutes de temps de jeu quand d’autres n’auront que des miettes.

Exiger qu’un joueur qui a peu de temps de jeu ait un impact direct au cours d’un match demeure osé car il est très difficile de simuler l’intensité d’un match de compétition à l’entraînement. Pourtant, c’est souvent ce qui est demandé au remplaçant qui, de son côté, se doit aussi d’être performant s’il veut plus de temps de jeu. On se retrouve donc dans une situation où le serpent se mord la queue si la gestion des remplaçants n'est pas optimisée par le staff du club.

Moise Kean

La priorité d’un point de vue athlétique pour le remplaçant, c’est de maintenir des expositions à des hauts niveaux de vitesse à l’entraînement, ce qui n’est malheureusement pas toujours possible lors d’un entraînement collectif à J+1 d’un match car l’entraîneur doit faire récupérer ceux qui ont joué et qu’il n’y a pas forcément assez de joueurs pour des oppositions à 11 contre 11 sur grand terrain.

Si ces expositions à des hauts niveaux de vitesse ne sont pas maintenues, alors le remplaçant risque la blessure quand il jouera un match de compétition parce que ses muscles du bas du corps (ischio-jambiers, quadriceps, mollets) ne seront plus habitués à une telle intensité et seront donc désentraînés. C’est pourquoi un travail complémentaire avec un préparateur physique peut-être intéressant s’il est bien planifié et pensé par rapport au travail concret effectué par le remplaçant en club car si le désentraînement provoque des blessures, c’est également le cas du surentraînement. Mais pour continuer à bien s’entraîner, encore faut-il que le mental du remplaçant suive.

Maintenir un haut niveau de motivation malgré la situation

« Nos jeunes doivent prendre Olivier Giroud comme exemple. Il est tellement professionnel. Je ne peux pas lui demander plus. Il n'est pas toujours dans l'équipe, mais ce qu'il montre tous les jours à l'entraînement contribue à rendre l'équipe meilleure. » En décembre 2020, Franck Lampard, alors entraîneur de Chelsea, ne tarissait pas d’éloges à l’égard d’Olivier Giroud après son quadruplé contre Séville en Ligue des champions. Habitué à débuter les rencontres sur le banc en club, le deuxième meilleur buteur de l’Histoire de l’équipe de France est justement souvent loué pour sa capacité mentale et son professionnalisme qui le rendent très appréciable pour un entraîneur, qui sait qu’il pourra compter sur lui même s'il lui accorde peu de temps de jeu.

Olivier Giroud est effectivement un exemple à suivre pour tous les remplaçants. Savoir mettre ses états d’âme de côté et continuer à s’entraîner sérieusement malgré une situation délicate, souvent considéré injuste par le joueur (à tort ou à raison, mais là n’est pas la question), puis être performant derrière est remarquable parce que c’est particulièrement difficile à réaliser. Il s’agit-là d’une véritable qualité à acquérir et à apprendre.

Olivier Giroud

C’est pourquoi de plus en plus de joueurs sollicitent des préparateurs mentaux ou des psychologues et pourquoi certains joueurs, trop préoccupés à focaliser leur énergie sur l’injustice qu’ils vivent, n'arrivent jamais à renverser la situation. Encore une fois, ce sentiment d’injustice est légitime mais le remplaçant devra forcément faire un travail sur lui-même, avec l’aide d’un professionnel ou non, pour pouvoir sortir de cette spirale négative.

Un remplaçant mécontent et désenchanté sera un joueur qui ne sera plus motivé. Ce qui est problématique vu qu'il ne s’entraînera plus à 100% donc il ne sollicitera plus ses muscles au haut niveau d’intensité requis pour un match. Ce qui, comme on l'a déjà vu, augmentera les risques de blessure et entraînera des contre-performances sur le terrain. Et si le niveau d'un joueur diminue, cela mettra forcément en péril sa carrière. La démotivation demeure donc un cercle particulièrement vicieux et dangereux.

Jamie Lawrence 2021

Pour éviter ça, le joueur doit comprendre ce qui le motive vraiment et chercher sa motivation intrinsèque. Soit sa motivation profonde dictée uniquement par lui-même contrairement aux motivations extrinsèques, qui sont dictées par des conditions extérieures (exemples: ne pas décevoir ses proches et les rendre fier, jouer pour gagner un meilleur salaire, être bon pour être apprécié des autres et être reconnu à sa juste valeur). L’idée derrière la motivation intrinsèque, c’est de se mettre en action sans condition, « sans carotte », et juste par amour ou passion de la tâche à accomplir.

Un remplaçant qui arrive à se mettre dans cette disposition mentale mais aussi à gérer sa frustration pour se recentrer sur lui, sur sa progression et plus généralement sur les éléments qui ne dépendent que de lui, va se donner plus de chance de renverser sa situation et s’épanouir dans sa pratique (qu’il joue beaucoup ou non). À l’instar d’Abou Diaby, dont la carrière a été gâchée par les blessures, Olivier Giroud a témoigné de nombreuses fois en interview comment la religion l’avait aidé à traverser les périodes difficiles et à accepter ces situations. Savoir faire le deuil de sa situation demeure aussi l'une des clés pour avancer et se remotiver.

Communiquer ses états d’âme sans violence

Quand un joueur est en conflit avec son entraîneur en raison de son statut, la situation peut vite dégénérer. Souvent, le premier réflexe d’un remplaçant est de se positionner en tant que victime et d’avoir le soutien de ses proches, qui feront aussi porter le chapeau à l’entraîneur. Bien souvent, les remplaçants « se montent la tête » quitte à s'imaginer que l’entraîneur les déteste sans preuve concrète de ce qu'ils avancent.

Ce réflexe est bien connu des psychologues puisqu’il s’agit du triangle dramatique ou du triangle de Karpman, du nom du psychiatre Stephen Karpman qui a mis en lumière ce jeu psychologique. En résumé, au lieu d’exprimer clairement ses émotions, ses sentiments et ses besoins, celui qui se sent persécuté va jouer le rôle de la victime tandis qu’un autre jouera le rôle du persécuteur et qu’une troisième personne va jouer le rôle du sauveur.

Hatem Ben Arfa

Quand on est empêtré dans ce triangle, on en vient à jouer tous les rôles car en se plaignant et en accusant le persécuteur, la victime va elle-même devenir le persécuteur ou contribuer à ce que le sauveur le soit tandis que le persécuteur d’origine deviendra la victime. Et ainsi de suite. D'ailleurs, les réseaux sociaux ou la presse sont très rarement de bons alliés dans ce genre de situation. Ce mode de communication est contre-productif et ne permet pas de régler des conflits, qui vont parfois impacter, pourrir et fragiliser tout un groupe.

En réalité, dialoguer avec son entraîneur est une option très intéressante à condition de respecter certaines bases. Il ne s’agit pas de déverser sa haine à son entraîneur et de lui dire qu’il est incompétent mais simplement de partager ses sentiments et ses besoins, sans animosité et jugement.

Thiago Silva et Thomas Tuchel

Il existe d’ailleurs une technique appelée « communication non violente », élaborée par le psychologue américain Marshall Rosenberg. Ce mode de communication se base sur quatre piliers qui sont: 1) l’observation (quelle est la situation qui me pose problème ?), 2) les sentiments (quels sentiments je vis à cause de cette situation), 3) les besoins (quels sont les besoins qui ne sont pas satisfaits ? ex: la reconnaissance et la considération de mon entraîneur), 4) la demande (formulation d’une demande pour répondre à mes besoins non satisfaits).

Si la communication non violente ne permet pas de résoudre forcément tous les problèmes, elle a le mérite d’établir une discussion claire, profonde, directe et honnête qui fera avancer les choses au lieu de les envenimer. L’entraîneur n’a d'ailleurs pas d’obligation de céder à la demande du joueur mais il doit garantir une écoute active pour que le joueur se sente considéré et pourquoi pas trouver des compromis pour arranger la situation.

Maintenir une charge cognitive élevée

On mentionnait précédemment l’importance de garder un haut niveau d’intensité d’un point de vue physique mais il demeure aussi primordial de conserver un niveau de charge cognitive élevé. Un joueur qui ne joue pas n’aura pas forcément beaucoup d’opportunités de développer une forte affinité technico-tactique avec ses partenaires. C’est ce que le sociologue Pierre Bourdieu appelle « l’intercompréhension pratique », qui est la capacité à se comprendre spontanément au cours d'une action.

Un joueur au point physiquement mais à la rue tactiquement aura du mal à gagner du temps de jeu. C’est pourquoi il est important que les remplaçants observent avec attention les matches disputés par leur équipe. Qu’ils comprennent parfaitement le projet et les intentions de jeu de l’entraîneur mais aussi les habitudes voire les préférences de leurs coéquipiers.

À l’instar du physique ou du mental, les joueurs peuvent faire appel à des coachs spécialisés pour continuer de progresser tactiquement et être opérationnels quand on fait appel à eux. Pour continuer à entraîner leur cerveau à la multiplication de prise d’informations et de décisions qui existe pendant un match de haut niveau, certains joueurs pratiquent des exercices cognitifs comme ceux proposés par le Neurotracker.

Le but pour un remplaçant consiste donc à optimiser des aptitudes qui sont habituellement très sollicitées en match, et pas forcément assez à l’entraînement, pour que le gap entre lui et ceux qui jouent ne se creuse pas à vue d'œil au fil de la saison. L’astuce pour un remplaçant demeure donc de rester proactif et de reprendre la main sur la situation au lieu d’être cantonné à un rôle de spectateur et d’espérer un changement d’entraîneur pour avoir l’opportunité de jouer. La balle est donc toujours dans son camp.

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