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Barrages Mondial 2022, Algérie : Riyad Mahrez, la star incontestée du peuple

Considéré comme la star du football algérien depuis le sacre de Leicester en 2016, Riyad Mahrez a depuis gagné un peu plus les cœurs des supporters algériens en étant l'un des grands artisans du sacre en Coupe d'Afrique en 2019. Au point d'avoir définitivement gagné sa place dans l'histoire de son pays ?

Par Hanif Ben Berkane
10 min.
Riyad Mahrez lors du match Manchester City - Everton. @Maxppp

Lorsque l'on parle de football en Algérie, difficile de ne pas rapidement évoquer le nom de Riyad Mahrez dans la conversation. La star de Manchester City est devenue la coqueluche des Fennecs, propulsée, il est vrai, par son rôle dans le sacre historique de Leicester en Premier League où l'Algérien avait réalisé une saison exceptionnelle avec 17 buts et 10 passes décisives en Championnat. Mais son histoire avec l'Algérie avait débuté bien avant. En mai 2014, quelques mois avant la Coupe du monde, le natif de Sarcelles fêtait sa première sélection sous les ordres de Vahid Halilhodzic face à l'Arménie (3-1). Une première marquée par deux passes décisives qui lui permettront d'être dans les 23 Algériens au Mondial au Brésil. «Il est arrivé sur la pointe des pieds après une bonne saison de Ligue 2 et six bons mois en Championship puisqu'il est transféré à Leicester en janvier. Très peu le connaissait. À ce moment-là, il était derrière les Soudani, Feghouli, Brahimi» se rappelle Mohamed Brahdji, journaliste pour DZ Foot. Pourtant, malgré sa petite expérience, Riyad Mahrez fait forte impression. «Sur son stage de préparation, il a tout cassé. C'était son premier rassemblement. On était 27 en stage et il a gagné sa place au Mondial dans les 23. Il a éclaté tout le monde pendant les stages. Il a même été titulaire pour le premier match face à la Belgique. Même si après il n'a plus rejoué, c'est ce qui a lancé ses débuts en sélection avec l'Algérie», précise Carl Medjani, longtemps capitaine de Mahrez avec les Fennecs.

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Son histoire avec les Fennecs était d'ailleurs écrite depuis longtemps. S'il était évidemment éligible pour jouer avec les Bleus, le natif de Sarcelles n'a jamais vraiment hésité et espérait déjà marquer l'histoire de l'Algérie. Avant même d'avoir sa première convocation, Mahrez l'avait déjà annoncé. «Je me souviens, un an avant sa première convocation déjà. Je venais de signer à l'AS Monaco. Le premier match qu'on joue, c'est face au Havre. Il était là-bas avec Mesloub. On est au bord du terrain en avant-match avec Mesloub, et Riyad vient s'incruster dans la discussion. Je ne le connaissais pas du tout. Il me demande comment ça se passe la sélection algérienne. Je lui dis que c'est vraiment très bien. Et il me répond : "Ok bah moi bientôt, tu me vois débarquer avec vous. Déjà aujourd'hui, je vais te montrer ce que je fais sur le terrain". Je me suis dit que c'était osé même s'il est ambitieux, car il y avait de la concurrence. Sur le match, il est bon même si son équipe perd. Un an après, Vahid Halilhodzic vient me voir et me dit qu'il a entendu parler d'un petit du Havre, un bon joueur. Je me suis dit "Oh putain, c'est lui". Et quand on s'est croisé au rassemblement, on était mort de rire avant même de parler», se souvient Medjani qui ajoute. «Tout ce qu'il a fait, il nous l'avait annoncé. Riyad était avec nous comme avec ses potes du quartier. Il n'a pas de filtre, il ne change pas de discours ou de vocabulaire. Quand il est arrivé, on était à table et il disait : "mais les gars, moi, je suis là pour vous prendre votre place. Toi, dans pas longtemps, je vais sauter ta place". En plus, il avait des expressions bien à lui. Il nous disait : "j'ai des ambitions, vous avez mal à la tête, vous ne pouvez pas comprendre. Moi dans 2-3 ans, je joue dans un gros club anglais." Le plus drôle, c'est que quand il nous dit ça, il est encore en Championship à lutter dans le milieu de tableau. On lui disait de d'abord se maintenir en D2 avec son club (rires). Au fond de nous, on savait qu'il avait le potentiel.»

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Un statut rapidement confirmé

Si l'assurance du joueur en a impressionné plus d'un surtout pour une première avec l'Algérie, Riyad Mahrez va véritablement prendre une autre dimension par la suite. Après le départ de Vahid Halilhodzic, l'Algérie accueille Christian Gourcuff qui en fait un point central de sa formation. Logique car dans le même temps, le joueur formé au Havre explose en Angleterre et commence à se faire un nom. Ses dribbles et ses buts dont il a le secret font parler. « Gourcuff aimait beaucoup le style de Mahrez. Le genre de joueur de ballon qui respire le football. Il avait beaucoup de liberté dans notre équipe. À ce moment-là, il commençait à étoffer son jeu en Angleterre et à être vraiment performant. C'était une mécanique qui fonctionnait. C'est sous ses ordres que les Algériens ont pu voir le talent de Riyad. Il a mis en avant ses qualités », explique l'ancien joueur de Trabzonspor. Et le terrain parle pour lui. Au fil des matchs, Mahrez confirme tout son talent et enchaîne les buts et passes décisives. De quoi rapidement se mettre les supporters algériens dans la poche surtout à une période où l'Algérie est en difficulté sur le continent. «C'est là qu'on se rend compte que l'Algérie possède un diamant dans son équipe. Il est regardé, scruté et il répond sur le terrain. Riyad émerge en plus au moment où l'Algérie est en déclin. À la CAN 2017, ça ne se passe pas bien alors qu'il était Ballon d'or africain. Mais ses performances étaient à l'image de l'équipe » ajoute Mohamed Brahdji.

Mais comme chaque grand joueur, l'Algérien ne fera pas tout de suite l'unanimité. Brillant avec Leicester, il finit par débarquer à Manchester City et représente donc tout un pays sur la scène européenne. Mais dans le même temps, les Fennecs n'y arrivent plus en Afrique et après les CAN décevantes en 2015 ou 2017, la bande à Mahrez échoue aussi lourdement lors des qualifications pour le Mondial 2018. Une énorme désillusion pour le peuple algérien qui s'était habitué à la Coupe du monde après 2010 et 2014. De quoi décevoir aussi certains supporters qui espéraient voir Mahrez sauver une nation en perdition. «L'ancien international Ali Bencheikh, par exemple, se montre souvent très critique et très dur avec Mahrez lors des disettes de la sélection (en 2017-2018). Et donc il y a forcément un débat, mais les supporters ont pris sa défense. Rabah Madjer avait également été dur avec lui, mais il a nuancé ses propos par la suite. De par son statut, certains demandent toujours plus. Si l'équipe tourne moins bien, ce sera toujours lui en première ligne, car il est à City quand même. C'est minoritaire », explique Brahdji. La grande majorité des supporters ont conscience que Mahrez est loin d'être le premier responsable. Preuve aussi qu'il incarne bien plus dans un pays qui est réputé très sévère avec ses joueurs. « Les critiques, c'est propre à notre pays et à l'Afrique et aux grands joueurs. Quand tu es champion d'Angleterre, Ballon d'or africain et meilleur joueur de Premier League, les attentes sont énormes. Quand l'équipe va moins bien, on s'attend à ce qu'il délivre tout le monde. Mais le football se joue à 11, il ne peut pas faire toute l'équipe. L'attente est justifiée, mais c'est injuste, car lui, tout seul même à son meilleur niveau, il ne peut pas tout faire. Il faut des mecs autour qui l'aide. Actuellement, c'est le capitaine du bateau, mais il a des vrais cadres comme Mbolhi, Slimani ou Feghouli», conclu Carl Medjani.

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De leader à légende

Pourtant malgré les quelques critiques, Riyad Mahrez ne se démonte pas. Au contraire. Avec l'arrivée de Djamel Belmadi, le gamin de Sarcelles devient le capitaine d'une sélection en reconstruction. Son talent sur le terrain amène forcément ses coéquipiers à le prendre comme exemple. Il incarne une nouvelle génération algérienne talentueuse et le parcours à la CAN 2019 confirme tout ça. Précieux pendant la compétition autant par son niveau que par son leadership, Mahrez est considéré comme le grand artisan du sacre. Son but ultra décisif et iconique contre le Nigéria en est le parfait symbole. Mais à ses débuts, rien ne laissait imaginer un jour qu'il aurait les épaules pour être un leader de vestiaire. Du moins, presque... « Je ne le voyais pas être autant leader. Je le voyais clairement leader technique et de jeu sur le terrain, mais pas de vestiaire. Par contre, le fait qu'il soit au-dessus du lot techniquement, qu'il soit un joueur de Manchester City qui a connu des grands moments, des grands joueurs, ou même qu'il soit devenu papa, il a gagné en maturité. Il a compris que les résultats de l'Algérie dépendaient beaucoup de lui et de sa capacité à amener les autres avec lui. Cela a développé son leadership. Avec son niveau sur le terrain, c'était naturel pour lui de prendre ce rôle », explique le joueur formé à Saint-Etienne.

Ce sacre face au Sénégal et donc cette nuit de juillet 2019 marquent un tournant dans la carrière du joueur et surtout dans la tête du peuple algérien. Un peuple qui attendait un trophée depuis tant d'années et qui associe donc cette réussite en grande partie à sa star Riyad Mahrez. Il devient alors une inspiration pour les générations et fait clairement son trou dans la société algérienne. « En Algérie, c'est une icône et surtout un symbole de la réussite algérienne à l'international. Un porte-drapeau. Il y a une forme d'unanimité autour de sa place dans le patrimoine culturel algérien. Il y a de l'amour et de la ferveur autour de lui. Il y a une forme de respect avec lui grâce à ses statistiques et ses matchs surtout avec la CAN 2019. Djamel Belmadi lui donne d'ailleurs une grande place, il lui parle souvent. Il lui demande beaucoup et l'utilise comme un modèle pour son groupe. Il fait quasiment l'unanimité maintenant pour les Algériens », confie Mohamed Brahdji. L'unanimité au point d'être tout simplement le meilleur joueur de l'histoire du pays ?

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C'est une question que se pose énormément de supporters en Algérie. Très performant avec Manchester City, de nombreuses fois vainqueur de trophées en Angleterre, Champion d'Afrique avec son pays, Riyad Mahrez a de sérieux arguments... «Il est à côté d'un Rabah Madjer ou d'un Lakhdar Belloumi. Il y a un débat pour savoir s'il est le meilleur joueur de l'histoire de l'Algérie. Son but face au Nigéria a scellé le fait qu'il était une légende du pays. Dans le patrimoine du foot algérien, il est facilement dans le top 3. C'est vraiment le haut du panier. Ce qui lui manque en club, ça pourrait être une Ligue des champions même si personne n'a son palmarès. Mais la qualification au Mondial avec un beau parcours, ça mettra fin au débat », juge Brahdji. Pas si simple, car difficile de trancher quand le ressenti des supporters varie en fonction des époques. «Il est incontestablement dans le top 3 de l'Algérie. Mais c'est compliqué de comparer. Je sais très bien qu'il y a eu des grands joueurs de foot chez nous. Mais la conjecture faisait que ces joueurs ne venaient pas en Europe ou très peu. On connait Rabah Madjer par exemple. Lakhdar Belloumi n'a jamais joué en dehors de l'Algérie donc forcément, on ne peut pas comparer. Ils étaient bons en Algérie, mais ils n'ont pas eu l'occasion de s'illustrer en Europe. Honnêtement, Riyad Mahrez n'a pas beaucoup d'égal au pays. Mais c'est une question de génération. Il a fini meilleur joueur de PL. Il est à la table des grands. Il est respecté en Afrique et en Europe. Il a valorisé l'Afrique. Les supporters sont exigeants avec lui. Ce n'est pas facile de supporter le poids de 45 millions d'Algériens », détaille enfin Medjani. Une qualification pour la prochaine Coupe du monde avec des grosses performances face au Cameroun lors des barrages pourrait jouer en sa faveur. Mais quoi qu'il en soit, Riyad Mahrez a déjà marqué l'histoire et le cœur des Algériens de son empreinte.

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