Amiens justifie sa croisade pour rester en Ligue 1

Par Constant Wicherek
9 min.
Le président de l'Amiens SC, Bernard Joannin. @Maxppp

Relégué en Ligue 2 sur décision de la LFP, Amiens tente des recours pour conserver sa place dans l'élite. Au cours d'une conférence de presse, ce mardi, le club a expliqué pourquoi.

Après le discours du Premier ministre, Édouard Philippe, le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel (LFP) a décidé d'arrêter le championnat à la 28e journée. Résultat des courses, le Paris SG est champion, l'OM est en Ligue des Champions tandis que Toulouse et Amiens, les deux derniers, descendent en Ligue 2. Inutile de dire qu'outre Jean-Michel Aulas, qui continue de s'agiter dans tous les sens, Olivier Sadran, le président du TFC, et Bernard Joannin, celui d'Amiens, sont totalement contre cette décision. Ce mardi, le club picard a réuni des journalistes afin de se faire entendre.

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« Vous comprenez que nous sommes extrêmement mobilisés après cette décision du CA que nous trouvons injuste. Il y a quelques semaines, le Premier ministre de la France a demandé l'arrêt des championnats. Le CA de la LFP a pris la décision derrière, et je tiens à préciser que cette décision d'arrêt, je ne l'ai jamais contestée. Par contre, la décision est injuste et incohérente et infondée. Comment peut-on reléguer à la 28e journée deux équipes ? Alors qu'il reste un quart du championnat à effectuer. Je vous l'ai dit c'est une aventure, une aventure humaine. Le foot n'est pas pour nous une question d'argent. Nous ne demandons pas de dédommagement financier. Nous nous battons. Ce combat, nous le menons contre l'injustice, nous trouvons cette décision contraire à l'équité sportive. C'est une décision sanction injuste. Un championnat c'est 38 journées. 28 journées ne sont pas révélatrices de la véritable performance des équipes. On a en exemple nos amis lillois il y a deux ans. À la 28e journée, ils étaient 19e et dans les dix matches qui ont suivi, ils ont réussi à se sauver et finir 17e. Rappelez-vous Amiens, on n'est jamais si fort que dans le dernier quart. En National nous sommes montés au dernier match, en Ligue 2, l'exploit de gagner notre dernier match, à la dernière seconde. Notre maintien en Ligue 1, le dernier match. Oui le fighting spirit picard existe. Comme je vous l'ai dit, cette Picardie a été une terre souvent envahie, tout a été dur pour l'emploi. Notre peuple a toujours souffert. Le combat est important pour nous », a expliqué en préambule l'homme fort du 19e de Ligue 1.

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Tout le territoire était présent

Accompagné de son avocat, Maître Christophe Bertrand, de la maire de la ville Brigitte Fouré, du président de l'agglomération, Alain Gest, le club a tout expliqué. « Tout le monde a parfaitement confiance des décisions complexes que les uns et les autres ont à prendre. Nous ne contestons pas la fin des championnats, ce n'est pas l'objet de notre contestation. Ce que nous contestons ce sont les conséquences. C'est de dire : alors que le championnat n'est pas terminé, quel que soit le nombre de journées qu'il reste, lorsqu'une course n'est pas terminée, est-ce qu'on peut déclarer qu'il y a des perdants et des relégations sportives. Amiens ne pose la question que sur ce qui le concerne. Dit autrement. Puisqu'il restait 26% du championnat à jouer c'est comme si on arrêtait un match à la 67e minute, alors que tout le monde sait que jusque-là 90e ou plus, un match se joue. La question qui est posée aux juges est de dire si c'est fondé ou infondé de déclarer perdant une équipe dont le match a été arrêté. La réponse que nous y apportons c'est non. Et la question judiciaire ce n'est que celle-là. Si le juge arrive à une réponse : non ce n'est pas fondé, des solutions serons ou ne seront pas trouvées. Pour l'instant c'est la seule question », a poursuivi le conseil.

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L'édile de la ville a poursuivi l'oeuvre de l'avocat avant que le président de l'agglomération fasse aussi son petit speech : « pourquoi nous voulons nous engager aux côtés du club ? Parce que la décision est infondée injuste et incohérente, j'ajouterai insupportable à nos yeux. Je constate simplement que dans le règlement du Championnat de France, il n'existe pas de cas de force majeure tel que celui auquel nous sommes confrontés. Il fallait trouver une solution, je suis le premier à reconnaitre qu'elle n'est pas simple quand les textes ne nous y aident pas. Cette décision est injuste parce qu'on a transformé ce championnat en loterie. Imaginez que le confinement ait eu lieu cinq journées avant. Amiens n'était pas concerné. Cette crise aurait pu se passer soit plus tard soit nettement avant, on a tiré en quelque sort un fil sans pouvoir le justifier. C'est une décision incohérente parce qu'il n'y a qu'à regarder autour de nous, ce n'est pas la décision qu'ont prise d'autres fédérations. Ce n'est pas la décision qu'ont prise les grands championnats européens de football. Je m'interroge comment ils vont se retrouver par rapport aux autres décisions des championnats européens. C'est franchement insupportable parce que, permettez-moi de vous dire, et il y en a d'autres que moi, on n'est pas tout à fait convaincu que la même décision aurait été prise à l'égard d'autres clubs. Ça, c'est le constat. Si on est là, c'est qu'il y a des conséquences sur la ville et son agglomération. Si nous avons décidé de faire des investissements sur le stade, c'est que nous savons qu'en termes de retombées économiques et de notoriété ce que le club nous proposait était inégalable. Je vous invite à faire un calcul sur les retombées dans la presse française quand le nom de la ville d'Amiens est cité, nous avons besoin de notoriété pour faire vivre l'agglomération et la ville. On savait qu'il y avait des retours. Nous avons une perte de la justification d'une partie de nos investissements. Des conventions lient le club et l'agglomération et cela a des conséquences financières. Je pense à tous ces emplois que génère le club, les emplois permanents et ceux que génèrent les matches. Nous allons avoir une situation d'emploi difficile. Nous allons choisir la meilleure façon pour faire aboutir la demande du club. Nous avons fait appel au cabinet d'avocat, ça peut aller d'un accompagnement de la démarche du club à un recours, sachant qu'il est habilité à plaider devant le Conseil d'État. Nous déciderons de cela et nous verrons qu'elle est la meilleure solution. Pour l'heure l’agglomération et la ville d'Amiens ne cherchent pas de compensation financière, mais une solution à une décision inadaptée ».

Joannin n'envisage pas qu'une Ligue 1 à 22

Les requêtes ont été déposées ce lundi au tribunal administratif de Paris et tout se fera en deux temps. Le premier concerne un arrêté de suspension, qui pourrait donc faire du bien à Amiens s'il était donné vainqueur et vient ensuite la requête sur le fond, qui sera bien plus longue et dont on ne sait pas très bien quand la décision sera rendue. Mais que veut exactement Amiens d'un point de vue sportif ?

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Ce n'est pas encore extrêmement clair puisque le président amiénois parle d'une Ligue 1 à 22 ou autre... « Je suis quelqu'un qui a toujours essayé, dans la vie de rassembler, jamais de diviser. Ce n'est pas pour moi un souci. J'ai une vision. C'est que cette décision est injuste et je l'aurais défendu de la même façon si ça avait été un autre club à ma place. J'essaye de rassembler, c'est ma manière d'être. Nous demandons l'annulation de cette relégation. Je vais vous le répéter : nous souhaitons l'annulation de cette relégation. Pour la suite, si la juge prononce cette annulation, tout le monde du foot se mettra autour d'une table et envisagera le championnat à 22 ou autre. Le football doit se rassembler. Ne soyons pas brutaux dans la solution. Il ne faut pas laisser des gens au bord de la route. Prenons l'exemple de l'État, il a été irréprochable. Je pense que le football doit prendre exemple en cet état vertueux. Je suis contre l'injustice et contre toutes les injustices. Je respecte les décisions et les opinions des uns et des autres. J'adore la France, c'est un pays de droit, tout le monde doit s'exprimer, je les ai entendus », a précisé Joannin.

La question va ensuite se poser sur un point de vue financier. Si Amiens était relégué en Ligue 2, le club perdrait entre 40 et 50 millions d'euros. Mais une chose va tourner dans toutes les têtes. Si on fait exister une compétition à 22 clubs, les droits télévisuels, avec l'entrée de Mediapro la saison prochaine, seront encore plus divisés. Une nouvelle fois, Bernard Joannin a tout prévu... « Nous avions proposé dans le cadre d'une concertation, d'une négociation, un abandon d'une partie de nos droits tv qui compensait totalement le moins qu'auraient pu subir les autres », a-t-il expliqué.

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Luka Elsner était persuadé que ses joueurs pouvaient le faire

Concernant le sportif, John Williams, le directeur sportif, et Luka Elsner, l'entraîneur, étaient aussi présents. Le premier cité a expliqué qu'aucun joueur n'avait demandé à partir et n'a pas hésité à jouer avec les sentiments de la ministre des Sports : « nous vivons ça d'une manière terrible, c'est une grande frustration. On a tous été sportif, même à petit niveau et on a déjà arrêté une partie de foot, on ne la terminait jamais, ou le lendemain. On ne peut pas aller au bout de notre histoire. Le principe d'équité est fondamental. Je pense à madame la ministre qui a été championne du monde. Si je prends le classement à 25 % du terme, elle n'est pas championne du monde. Elle s'est battue jusqu'au dernier moment. Nous étions dans cet esprit là dans le money-time. Aujourd'hui c'est une grande frustration. Madame la ministre peut comprendre puisque c'est ce qui l'a amené au plus haut ».

Le coach, lui, l'oeil un brin noir, était persuadé que ses ouailles pouvaient se maintenir (Amiens comptait quatre points de retard sur Nîmes, le barragiste). « Je pense que le groupe avait toutes les ressources pour répondre à cette bataille. Nous avions des confrontations directes et nous avions fixé des objectifs précis. La déception a été d'autant plus grande puisqu'ils étaient prêts à aller au combat comme ils l'avaient fait par le passé. Nous y croyons, car les écarts n'étaient pas considérables, nous avions la possibilité de les combler. N'ayez aucun doute sur notre confiance à accomplir ce parcours. Nous avions pris les mesures nécessaires pour être accompagnées sur le plan mental », a lâché le technicien. La route est encore très longue...

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