Valère Germain : « en Australie, quand je leur parle de Monaco ou de Mbappé, ils ont les yeux grands ouverts »

Par Jordan Pardon - Chemssdine Belgacem
15 min.
Valère Germain sous les couleurs du Macarthur FC @Maxppp

Après avoir sillonné le sud de la France tout au long de sa carrière, Valère Germain s’est lancé un ultime défi en rejoignant l’Australie l’été dernier. Une expérience enrichissante, que l’attaquant de 34 ans a accepté de nous raconter dans le cadre de notre série "Les Expats".

Son nom fait tilt chez tous les observateurs de la Ligue 1. Auteur de belles saisons avec Monaco et Nice, Valère Germain a connu une aventure plus contrastée du côté de l’OM, le club qui le faisait «vibrer» étant plus jeune. Malgré tout ça, le champion de France 2017 est resté fidèle à lui-même et s’est réfugié dans le travail. C’est finalement l’été dernier, après deux saisons passées sous le maillot de Montpellier, que Germain a décidé de tourner la page de la Ligue 1 pour entamer un nouveau chapitre en Australie. Le premier grand saut de sa carrière.

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En rejoignant la lanterne rouge de A-League de la saison passée, le Macarthur FC, l’attaquant de 34 ans s’est également lancé un challenge personnel : incarner un projet jeune et ambitieux. Cette saison, il compile douze buts, six passes décisives, et a grandement contribué à la 5e place décrochée par son club lors de la saison régulière. Enjoué par cette belle aventure, Valère Germain nous a accordé plus d’une heure d’entretien pour également retracer le fil de sa carrière, parfois refaire le monde, et évoquer le futur pour lui.

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Foot Mercato : tu as rejoint l’Australie l’été dernier. Qu’est-ce qui t’a convaincu dans ce projet ?

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Valère Germain : j’avais fait toute ma carrière en Ligue 1. On sait que le football va vite, même si on voit des légendes finir à 38-40 ans de nos jours. Ça n’a jamais été mon objectif, pour moi, ça a toujours été aux alentours de 36 ans. J’avais aussi envie avec ma femme et mon fils de découvrir une nouvelle expérience de vie, et continuer le football en parallèle. On a la chance avec ce sport de pouvoir découvrir sans cesse de nouvelles choses. Je voulais m’enrichir avant la fin de ma carrière.

FM : as-tu pensé à t’exporter dans d’autres Championnats européens avant de faire ce choix ?

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VG : j’ai toujours rêvé d’Espagne. Ça aurait pu se faire plus tôt dans ma carrière. À Montpellier, j’ai un peu moins joué donc forcément, j’ai aussi eu moins d’opportunités. Les offres venaient de Championnats plus exotiques, comme l’Australie. J’ai eu aussi l’opportunité de signer à San José, en MLS, en février 2023, mais on était en milieu de saison et je ne me voyais pas quitter le navire comme ça, vu la situation du club (Montpellier jouait pour sa survie en L1 à ce moment-là). Je voulais tout faire pour aider le MHSC à sortir de ce mauvais pas et j’ai alors refusé. L’Australie, c’était en tête depuis plusieurs mois. Je m’étais renseigné et ça nous a attiré, d’où ce choix.

FM : avais-tu des appréhensions avant d’y aller ?

VG : pour être honnête, on connaît peu l’Australie en tant que Français. On n’y va pas forcément en vacances puisque c’est à l’autre bout du monde, on ne connaît pas non plus le football australien… Mais je n’avais pas spécialement de craintes car je m’étais quand même beaucoup renseigné. On savait que c’était un beau pays et que Sydney était une merveilleuse ville, mais maintenant on peut le confirmer.

FM : en termes de climat, tu n’es pas trop dépaysé par rapport au Sud de la France…

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VG : c’était important de vivre dans une ville sympa si on s’exportait. J’ai eu la chance de faire Monaco, Nice, Marseille et Montpellier dans ma carrière. Ce sont des villes agréables et où il fait beau. J’ai aussi la chance de continuer avec le soleil ici (rires). C’était l’une des conditions. Si l’on venait ici, c’était à Sydney ou Melbourne.

La A-League, ça reste un Championnat compétitif

FM : que vaut le championnat australien ?

VG : il ne vaut pas la Ligue 1 mais je pense que certaines équipes joueraient le ventre mou de Ligue 2. Je prends beaucoup de plaisir ici, la A-League reste quand même un Championnat compétitif.

FM : depuis ton arrivée en Australie, qu’est-ce qui te manque le plus par rapport à la France ?

VG : la France, dans son ensemble, forcément. En vivant ici, tu ne peux pas rejoindre ta famille pour une petite journée. Avec ma famille, on a toujours été à distance de voiture de Monaco, là où je me sens chez moi, car mon fils et ma femme sont Monégasques. Ce sont des choses qui nous manquent mais on reviendra y vivre après ma carrière, même si on se régale au quotidien ici.

FM : restes-tu informé sur l’actualité de la Ligue 1 et de tes anciens clubs ?

VG : je continue de suivre la Ligue 1, oui. Mais c’est dur de le faire en direct avec le décalage horaire, car lorsqu’il est midi à Paris, il est 20h00 à Sydney. Je me contente des résumés YouTube et des résultats.

FM : ça fait plusieurs mois maintenant que tu vis en Australie, quel premier bilan tires-tu de cette expérience ?

VG : je me régale. À Sydney, le climat est magnifique, je vis au bord de la plage, c’est très sécurisé. Le football est un sport reconnu mais pas le plus populaire, donc tu peux te balader sans que personne ne te reconnaisse. Quand tu as une famille, ça, c’est appréciable.

FM : et pourquoi ce club de Macarthur, qui avait terminé dernier du Championnat la saison dernière (il n’y a pas de descentes en Australie, un peu à l’image de la MLS et de son système de franchises) ?

VG : pour ce qui est du football, le challenge est sympa et on fait une belle saison. Le club a fini dernier la saison passée mais a gagné la Coupe, ce qui nous permet de participer à l’AFC CUP. Puis le club évolue car on est actuellement cinquièmes d’A-League. On est en passe de participer aux playoffs pour remporter le titre (Macarthur a finalement été éliminé en 1/4 de finale des playoffs face au Sydney FC).

FM : et comment t’es-tu accommodé à cette nouvelle vie ? As-tu pu être guidé par des Français au départ ?

VG : avant de venir, il faut savoir que c’est Fahid Ben Khalfallah qui m’a parlé de l’Australie. Il a terminé sa carrière à Melbourne puis Brisbane, et s’occupe de ramener des joueurs de France pour développer le Championnat australien. Je l’ai connu via Gregory Sertic avec qui j’ai joué à Marseille, et qui, lui, l’avait connu à Bordeaux. J’avais des connaissances aussi. Loïc Puyo (ex-joueur de Nancy, entre autres, qui a rejoint Macarthur en 2020) m’en a par exemple beaucoup parlé.

«L’AFC Cup ? Tu as 8-9 heures de trajet avec des escales qui t’obligent à dormir à l’aéroport»

FM : tu l’as dit, ton club dispute cette saison l’AFC Cup. Une compétition particulière qui comprend des déplacements très lointains. Parle nous de cette expérience.

VG : c’était un peu particulier. Mon club a remporté la Coupe d’Australie, ce qui nous a offert cette participation à l’AFC Cup, l’équivalent de la Ligue Europa mais asiatique. On a dû se déplacer en Birmanie, au Cambodge ou encore en Thaïlande. C’est vrai que ça n’a rien à voir avec l’Europe parce que quand tu vas en Russie par exemple, tu as 3 heures d’avion. Là, tu en as 8 ou 9, avec des escales qui t’obligent à dormir à l’aéroport (rires). Ça me rappelle mes déplacements en CFA lorsqu’on prenait le bus pendant 8-9 heures, mais ce sont des plaisirs simples. Ça restera de bons souvenirs même si on s’est fait éliminer (face au club australien du Central Coast Mariners, en 1/8es de finale).

FM : le meilleur buteur de l’histoire de ton club a marqué 25 buts, secrètement, est-ce que c’est un objectif de le détrôner ?

VG : je crois que c’est notre capitaine actuel, Ulises Dávila, un Mexicain. Il vient de prolonger pour deux ans et comme il marque encore souvent, il va falloir que je carbure pour le rattraper (rires). Le but est d’aider l’équipe à progresser. C’est un nouveau club (il a été fondé en 2017), très familial. On est en train de réussir une belle saison et notre but est d’installer le Macarthur dans le haut de tableau. Un nouveau centre d’entraînement arrive, un nouveau stade aussi. J’espère pouvoir contribuer à la progression de ce club.

«Avec Marcelo, on a joué des Olympico chauds, et là, on joue aussi des derbys engagés»

FM : comme toi, plusieurs ex de Ligue 1 jouent aujourd’hui en Australie. Pendant les matches, ça t’arrive de retrouver des visages qui t’étaient familiers dans le Championnat de France?

VG : on a souvent joué contre une équipe de Sydney (le Western Sydney Wanderers ndlr) où évolue Marcelo, l’ancien défenseur de Lyon. On en a rigolé car on avait dîné ensemble avant la saison. On jouait des Olympico chauds en France, et là, on joue aussi des derbys engagés, même si ça n’a rien à voir. On a un passé commun et c’est une personne hyper sympathique qui me ressemble. Jason Berthomier, Zinedine Machach, Florin Berenguer. Oui, j’ai vu beaucoup de joueurs que je connaissais ici.

FM : ça vous arrive de vous retrouver en dehors des terrains ?

VG : je suis en contact avec certains. Je connais aussi Damien Da Silva (ex-joueur de Caen, Rennes et l’OL, qui évolue au Melbourne Victory) via un ami en commun. Mais tout le monde est agréablement surpris de la qualité de vie magnifique qu’on a ici. Pour ceux qui veulent profiter d’une vie de famille dans un cadre somptueux et avec un Championnat quand même de bon niveau, l’Australie est une superbe destination.

«Quand je leur parle de la demi-finale de Ligue des Champions de 2017, de Falcao, de Mbappé ou de Berbatov… Ils ont les yeux grands ouverts»

FM : tu viens d’un Championnat «majeur». Quel est le regard des locaux sur les joueurs étrangers qui débarquent ici ?

VG : il y a beaucoup de respect pour les joueurs qui ont connu l’Europe, car il y a une vraie passion pour ce football ici. Ils savent que c’est un autre niveau donc ils sont à l’écoute de nos conseils. Ça m’arrive aussi d’être interrogé sur ma carrière, et c’est vrai que quand je leur parle de la demi-finale de Ligue des Champions de 2017, de mon titre de champion de France, de Falcao, de Mbappé ou de Berbatov… Ils ont les yeux grands ouverts en m’écoutant. Ils considèrent ça comme une chance de pouvoir jouer avec moi, et sont surpris que je sois si impliqué pour aider le club. Je pense qu’ils me respectent pour ça aussi.

FM : y a-t-il un joueur qui t’a particulièrement impressionné là-bas, et qui pourrait facilement jouer en Europe selon toi?

VG : il y a beaucoup de très bons joueurs. Je pense que certains jeunes de mon club pourraient tenter leur chance en Ligue 1 ou Ligue 2. On a par exemple affronté un jeune d’Adélaïde, explosif, excellent, qui vient de signer au Bayern Munich : Nestory Irankunda (il rejoindra le club munichois cet été). C’est la preuve qu’il y a de la qualité, même si la formation n’est pas assez mise en avant. On m’a aussi dit que la France observait de plus en plus le Championnat australien, car les bons joueurs peuvent venir pour peu d’argent. Quand on voit aussi Ange Postecoglou, aujourd’hui à Tottenham, qui a longtemps entraîné ici (il a dirigé le South Melbourne, Brisbane Roar, le Melbourne Victory et la sélection australienne), ou encore l’essor du football féminin, avec la demi-finale de Coupe du Monde des femmes en 2023… On se dit qu’il y a quelque chose à faire dans ce pays. Ça va prendre du temps mais je sens que ça peut le faire.

FM : en Australie, il y a du talent… mais également de gros insectes, imposants et effrayants. As-tu connu une mésaventure déjà à ce sujet ?

VG : il faut s’habituer (rires). Même si on est dans un appartement, il nous arrive d’avoir de gros insectes. Je suis déjà tombé sur une énorme araignée sous ma télé, certes inoffensive, mais impressionnante. Bon, pour l’instant, on n’a pas eu de serpents ni d’animaux vraiment dangereux, donc ça va. C’est vivable, que les Français n’aient pas peur !

FM : quel est ton meilleur souvenir pour le moment de cette expérience en Australie ?

VG : c’est le derby contre le club de Marcelo. Dans ce match assez spécial, on gagne 4-3 et je marque un triplé. Je marque en plus de la tête à la dernière minute, et ça, c’est un super souvenir. Je n’ai pas de mauvais souvenirs en revanche.

FM : as-tu un regret en particulier sur ta carrière ?

VG : j’aurais bien aimé jouer en Espagne. C’est un Championnat qui aurait pu me correspondre. J’aurais pu aller au Betis ou à Valladolid récemment, et ça m’aurait plu d’aller goûter à la vie espagnole. Puis jouer contre le Real au Bernabeu, le Barca au Camp Nou… J’aurais eu plaisir à y jouer car je n’ai pas eu la chance de le faire en Ligue des Champions contre ces clubs-là.

FM : as-tu déjà un plan pour ton après-carrière ?

VG : j’ai quelques projets. Le football est ma passion depuis petit. J’ai toujours joué au foot et tout tournait autour de ça. Je n’ai pas envie de raccrocher avec le football car c’est en moi. J’ai envie de continuer d’être dans ce milieu-là. J’ai pensé à entraîner car c’est un métier noble et je pense qu’on a tous joué à Football Manager, donc le faire dans la vraie vie, ça doit être plaisant (rires). Le seul bémol de ce poste, c’est que l’on replonge dans un rythme intensif. Il y a des métiers bien plus difficiles que ça, mais j’ai la chance d’avoir fait ce métier et j’ai quand même envie de profiter de la famille et des enfants après ma carrière.

FM : il y a d’autres métiers «sous-terrain» dans le football…

VG : oui, je suis assez proche de mon agent. Je le considère comme de ma famille. Et on s’est toujours dit que j’allais faire quelque chose avec lui à la fin. Ça me permettra de voir comment ça se passe de l’autre côté. Je veux aussi accompagner des jeunes joueurs et être honnête avec eux car de nos jours, les agents malveillants sont nombreux. Bref, agent : j’y pense, et je vais essayer !

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