La gestion du patrimoine, un enjeu à ne pas négliger pour les joueurs professionnels

Par Matthieu Margueritte
9 min.
La gestion de patrimoine, l'autre terrain de jeu des joueurs de foot @Maxppp

Le monde du football draine beaucoup d'argent. Et si la plupart des joueurs profitent de salaires confortables, la durée limitée de leur carrière ne leur assure pas forcément un avenir serein une fois les crampons remisés au placard. Pour s'éviter de grosses désillusions, la gestion du patrimoine est devenue un élément presque incontournable.

L'association d'idées est facile à faire. Lorsqu'on parle football, on évoque souvent les salaires XXL des acteurs du ballon rond. Mais si certains jouissent d'émoluments très confortables leur permettant d'assurer très rapidement leur avenir et celui des leurs, d'autres gagnent bien leur vie, mais ne sont pas assurés de s'y retrouver une fois leur carrière terminée. En moyenne, un joueur de football foule les pelouses entre dix et douze ans. Une donnée très importante, à prendre en compte lorsque l'heure de la retraite sportive aura sonné. Une statistique illustre d'ailleurs parfaitement ces propos : «60% des sportifs qui sont retraités n’ont pas anticipé leur avenir financier et professionnel», nous explique Mehdi Hadjali, conseiller en gestion de patrimoine chez UFF, la banque privée du géant de l'assurance AVIVA. Pour s'y préparer au mieux, les moyens sont diverses. C'est là qu'intervient le fameux conseiller en gestion de patrimoine (CGP).

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Qu'est-ce qu'un conseiller en gestion de patrimoine ?

Le conseiller en gestion de patrimoine est, par définition, celui ou celle qui va accompagner le sportif pour l'aider à gérer au mieux son présent et son futur financier. Une personne dont la première mission est de dresser le profil de son client. «Mon travail va être comme celui d’un médecin, mais pour le patrimoine. Je vais devoir connaître votre situation civile, sociale, fiscale», indique M. Hadjali. Bien entendu, à l'heure où de nombreux joueurs mettent la gestion de leur carrière entre les mains de leurs proches, être conseiller en gestion de patrimoine ne s'improvise pas. « J’ai eu une expérience de huit ans dans un grand groupe avant de monter mon cabinet. J’avais une licence en assurance, après j'ai passé un diplôme en gestion en patrimoine en interne dans un grand groupe français. On ne peut pas monter un cabinet de gestion en patrimoine du jour au lendemain. Vous devez avoir plusieurs habilitations en fonction de ce que vous faites, c’est une profession réglementée. Il faut être intermédiaire en assurance pour vendre tout ce qui est assurance vie, prévoyance. Il faut être CIF (conseiller en investissement financier) pour pouvoir faire des allocations d’actifs. Si on veut vendre de l’immobilier, il faut la carte T de formation immobilière. On peut aussi être IOBSP (intermédiaire en opération de banque et services) pour faire du courtage en crédit ou pour vendre des solutions bancaires. Ce sont des habilitations qu’il faut avoir pour être CGP, conseiller en gestion de patrimoine », nous explique Paul Jaubert, conseiller chez Ovalie Conseils, une agence gérant des rugbymen, des handballeurs, des hockeyeurs, des boxeurs, mais aussi une quinzaine de footballeurs, principalement de Ligue 2, ainsi que des joueurs évoluant à l’étranger.

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Quelles sont les missions du CGP ?

Plus les années ont passé, plus le métier de conseiller en gestion de patrimoine est devenu important. «Il y a dix ans, il y en avait vraiment très peu. Les joueurs travaillaient avec leur famille ou alors ils passaient uniquement par la banque. C’était rare de faire appel au CGP», précise Jaubert. Face aux sommes de plus en plus importantes en jeu, la cote des CGP est donc montée auprès des joueurs. La raison ? Tout d'abord, parce que cette option offre un suivi personnalisé. «Je vais devoir connaître votre situation civile, sociale, fiscale. À partir de là, à moi de vous poser la question : quels sont ses projets, ses problématiques ? Quels sont les points sur lesquels je peux vous accompagner. Ça pourra être optimisation du patrimoine existant, créer du patrimoine pour un projet à l’horizon 5, 10, 15 ans, voire plus, diminuer la fiscalité, se créer un complément de revenu dès maintenant ou à partir d’un moment donné, préparer la transmission du patrimoine et préparer sa retraite», indique Hadjali.

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Sans surprise, le volet le plus abordé par les joueurs est celui de la préparation à la retraite. Une préoccupation évidemment liée à “la durée de vie” limitée de leur carrière. Un suivi qui présente également l'avantage d'offrir de multiples solutions (pas uniquement celle de votre banque). En clair, le CGP fait un bilan avec le joueur et en fonction de sa situation, de ses objectifs et de ses flux financiers, le but est d'aller chercher une meilleure solution sur le marché en réalisant des appels d'offres comme le fait par exemple l'UFF depuis sa création. L'idée est ainsi d'avoir plusieurs partenaires permettant ainsi d'intervenir sur l'épargne, les placements financiers, les investissements immobiliers et l'optimisation fiscale du joueur. Il est donc courant qu'une grande partie des CGP travaille avec des sociétés de gestion, des promoteurs, des assureurs et des banques privées.

Quels sont les services proposés ?

Quand le terme gestion de patrimoine est évoqué, certains mots comme l'immobilier ou placements financiers viennent rapidement à l'esprit. Mais gérer le patrimoine d'un joueur, c'est avant tout assurer la base : prévoir les risques. « On a besoin de sensibiliser les joueurs sur la prévoyance, bien avant de parler d’investissement. Vous êtes salarié, si demain vous ou moi on a un accident, on continuera à toucher notre salaire. Pour les sportifs, quand ils signent leur contrat avec leur club, ils doivent souscrire un contrat de prévoyance qui va couvrir les risques. Quand Neymar s’est blessé (au métatarse), il n’a pas joué pendant trois mois. Le club ne l’a pas payé à 100% pendant ces trois mois, l’assurance a pris le relais, en plus de la sécurité sociale. C’est comme une assurance automobile. Ce sont des contrats spéciaux pour les sportifs. Les enjeux financiers sont plus importants que pour vous et moi. La base, c’est un bon contrat de prévoyance et après on peut parler de placement », explique Hadjali. Après avoir assuré ses arrières, le joueur peut alors réfléchir à quel(s) type(s) de placement(s) il souhaite se diriger, en fonction du budget dont il dispose. «Il y a les revenus du sportif et des charges en face. Nous, on va travailler sur l’excédent budgétaire, c’est-à-dire la capacité d’épargne ou d’investissement», poursuit Jaubert. Une fois cette check-list effectuée, le CGP va alors proposer différentes solutions, dont le but principal est de mettre en place la constitution d’une épargne le plus tôt possible.

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Cela peut être la mise en place d'une épargne mensuelle sur un contrat (assurance vie ou autres) pour avoir un pécule durant la carrière en cas de souci et surtout pour l’après-carrière. Ensuite, le choix peut être de diversifier les différents supports d’épargne et travailler après sur l’aspect immobilier pour profiter de l’effet de levier du crédit. «Aujourd’hui, les taux sont bas et l’immobilier c’est l’un des meilleurs moyens de se créer un patrimoine en partant de zéro. C’est un des seuls moyens de financer à crédit. Une fois le patrimoine diversifié, on reste sur des choses qu’on maîtrise et qui restent sécuritaires. Une carrière de sportif c’est 10-12 ans avec des revenus dignes de ce nom, même si tous ne sont pas logés à la même enseigne. L’idée c’est donc de sécuriser tout ça pour qu’ils puissent, une fois leur carrière terminée, avoir des capitaux disponibles pour pouvoir se retourner ou s’ils veulent monter un business, avoir des capitaux disponibles. Et aussi avoir des revenus complémentaires», ajoute Jaubert. Il existe énormément de placements, mais le plus courant reste l’assurance vie. Elle permet de créer une charge fixe au sportif et de verser de l’argent tous les mois plutôt que de laisser leur argent sur des livrets pas très rémunérateurs en termes d'intérêts (type livret A). Elle a plusieurs avantages : bien plus rémunératrice (que les livrets d'épargne classiques), disponible en cas de besoin. On peut y verser l'argent que l'on souhaite (dans la limite des abattements légaux), de plus, elle permet de transmettre un capital à ses proches sans frais de succession (contrairement à l'épargne constituée sur les livrets et comptes courants). «Au même titre que les particuliers, le temps sera votre ami, c’est pour ça qu’il faut investir le plus tôt possible. Des investissements immobiliers et la retraite sont les placements les plus rémunérateurs», conclut Hadjali.

Une gestion identique ou différente pour tous les joueurs ?

Quand un conseiller en gestion de patrimoine gère un portefeuille composé de plusieurs joueurs, sa manière de gérer varie-t-elle en fonction du salaire de chacun de ses clients ? Si les rapports avec ses clients ne changent pas, en revanche, la capacité financière de chacun aura des conséquences sur les options proposées. « La manière de gérer est différente. Au niveau de la fiscalité (tranche d’imposition) c'est différent. Entre un joueur qui gagne 5000€ et un autre qui gagne 10 000€ par mois, on n’est pas sur la même fiscalité. C’est important pour le choix des investissements qui sont proposés. Plus il aura de revenus, plus on va diversifier. L’adage est toujours le même : ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier. Plus on a de capacité d’investissement et de capitaux, plus il faut diversifier. L’approche est surtout sur la diversification. Il y a aussi des accès différents sur des solutions qui nécessitent un certain seuil d’investissement », explique Jaubert. Enfin, quel pourcentage représente par mois ces investissements sur les finances d'un joueur ? Cela va dépendre de plusieurs facteurs. Tout d'abord, de sa situation familiale. Si c’est une personne qui vit seule ou une personne qui vit en couple avec une personne qui ne travaille pas. Les charges seront différentes. Une fois que le joueur a payé toutes ses charges fixes, il faut également prendre en compte son rythme de vie. Pour les joueurs au salaire modeste, 20% peuvent être consacrés à des investissements. Un pourcentage qui augmente forcément avec des revenus plus conséquents.

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Un travail de sensibilisation sur les joueurs

Enfin, l'autre grande mission du conseiller en patrimoine, c'est aussi informer. Car s'ils ont toute latitude pour gérer l'argent de leur client, leur objectif c'est aussi d'expliquer le choix d'un investissement. «On ne dit pas au joueur : “c’est moi le professionnel, t’as tant à mettre sur la table, j’investis et ne t’inquiète pas.”  On veut être le plus transparent possible, faire une éducation financière au joueur : comment gérer un budget, pourquoi on va investir dans telle solution (avantages et inconvénients, objectifs). On essaie de le sensibiliser pour qu’il soit actif de sa gestion», explique Jaubert. Un accompagnement qui se fait aussi dès le début des carrières. C'est le cas pour Mehdi Hadjali, dont la société l'agence travaille en collaboration avec le Paris FC. Un accord entre entités qui permet de sensibiliser les joueurs (et leur entourage) à ce sujet dès le plus jeune âge, mais pas seulement. « On intervient auprès des écoles de foot, de la PFC Academy. On apprend aux jeunes qui ont des contrats aspirants ou pros et on sensibilise surtout leurs parents à la gestion du patrimoine. On sensibilise les joueurs pour qu’ils mettent de l’argent de côté pour leur retraite. On leur dit que leur carrière est courte, il faut essayer de les mettre face à leurs responsabilités. On essaie de les projeter dans le futur. On les aide sur toute leur fiscalité, leur déclaration des impôts, l'optimisation fiscale, décrypter leurs fiches de paie. »

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