Mercato : les limites de la méthode Monchi à Séville

Par Max Franco Sanchez
7 min.
FC Séville @Maxppp

Cet été encore, Séville va être l'un des principaux agitateurs du mercato. Mais, alors que le club a terminé en dehors des positions donnant accès à la Ligue des Champions pour deux saisons de suite, on peut se poser une question : la politique de recrutement du club est-elle toujours efficace ?

Un été encore, une petite révolution s'annonce à Séville. D'autant plus que Monchi a repris les commandes de la direction sportive et qu'il compte bien prouver qu'il n'a rien perdu de sa superbe après un passage plutôt mitigé du côté de Rome. Et la formation andalouse sort d'une saison plutôt moyenne, avec une triste élimination en huitièmes de la Ligue Europa face au Slavia de Prague, et une sixième place en championnat. Une saison encore une fois marquée par une certaine instabilité sur le banc de touche, puisque Pablo Machín n'a pas terminé la saison et c'est encore Joaquín Caparrós qui a dû assurer l'intérim. L'état-major sévillan a décidé de confier les clés du camion à Julen Lopetegui pour la saison à venir, et l'ancien sélectionneur va devoir composer avec un effectif bien retouché.

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Jules Koundé (25M€), Lucas Ocampos (16M€), Munas Dabbur (15M€), Diego Carlos (15M€), Joan Jordan (14M€) et Luuk de Jong (12,5M€) sont les nouvelles faces de l'équipe andalouse pour le moment, et d'autres vont suivre. Au niveau des départs, Pablo Sarabia (18M€), Quincy Promes (15M€) et Luis Muriel (15M€), prêté la saison dernière, ont fait leurs valises. Là aussi, il va falloir s'attendre à d'autres départs, à commencer par celui de Wissam Ben Yedder, mais aussi de Franco Vazquez, de Roque Mesa ou d'Ever Banega, qui vont donc permettre à la formation andalouse de faire venir de nouveaux éléments.

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Financièrement, le modèle est une réussite

Rien de nouveau au sein d'une équipe habituée à se reconstruire tous les étés en somme, mais une question commence à se poser : le modèle du club et de Monchi est-il toujours viable ? D'un point de vue business, la réponse est plutôt positive, sur le papier du moins. S'il est vrai que la stratégie visant à mettre des clauses libératoires plutôt abordables aux joueurs ne fait pas les affaires du club cet été, avec des joueurs comme Pablo Sarabia et Wissam Ben Yedder qui vont partir ou sont partis pour des montants inférieurs à leur vraie valeur, les plus-values sont bien là. Ces dernières années, le club a fait de belles affaires avec des joueurs recrutés à prix relativement bas et revendus pour des sommes intéressantes, à l'image de Vitolo (recruté pour 3M€ et vendu 40M€), ou Grzegorz Krychowiak (recruté pour 5M€ et vendu 30M€). Même lors du court erasmus de Monchi à Rome, le club a continué d'appliquer cette même philosophie.

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Aujourd'hui, Séville est l'un des clubs en meilleure santé financière de l'autre côté des Pyrénées. Les chiffres de la saison écoulée ne sont pas encore connus, mais les Andalous ont clôturé leur exercice 2017/2018 avec des bénéfices de 25 millions d'euros et un chiffre d'affaire qui a dépassé les 200 millions d'euros pour la première fois de l'histoire du club. Le club du sud de l'Espagne n'est d'ailleurs pas endetté, sa dette nette étant même négative. Les dirigeants étudient actuellement la possibilité d'agrandir le stade de façon considérable. Aujourd'hui, Séville n'a donc aucun besoin de se séparer de joueurs pour renflouer ses comptes. Si ses meilleurs éléments partent, ce n'est en tout cas pas par nécessité financière...

Un modèle voué à faire stagner le club sportivement ?

Dès lors, on peut une deuxième question : pourquoi continuer à vendre plutôt que de tenter de conserver ses meilleurs éléments ? La réponse peut sembler évidente, à l'époque du foot-business où l'argent engendré par les clubs va souvent terminer dans les poches des actionnaires... Les joueurs eux, considèrent souvent le club comme un tremplin pour leur carrière, c'est d'ailleurs ce qui est présenté comme atout par les dirigeants sévillans pour les convaincre de signer. Des chamboulements annuels qui empêchent l'équipe de progresser et qui obligent à tout recommencer à zéro tout les étés. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui expliquent les premières parties de saison compliquées du club ces derniers temps, et qui ont coûté leur poste à Eduardo Berizzo et Pablo Machín.

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Il ne s'agit évidemment pas de remettre en doute le travail de Monchi, qui excelle dans ce qu'il fait, mais plutôt de se demander si ce modèle ne contraint pas le club à la stagnation. Une politique mercato basée sur la théorie du "zéro risque", où on reste très prudent sur les sommes dépensées (Koundé devient la recrue la plus chère de l'histoire du club avec un prix de "seulement" 25 millions d'euros). Dans ces conditions, compliqué d'attirer des joueurs de classe mondiale en mesure de faire franchir un nouveau palier au club. A Séville, on préfère qu'ils deviennent des grands joueurs à la maison. Seulement, une fois qu'ils arrivent à un niveau intéressant, ils quittent le Sanchez Pizjuan. Plutôt que de débourser 50 millions d'euros sur un ou deux joueurs capables de faire la différence, on préfère ne pas prendre de risque et recruter, par exemple, cinq joueurs à 15 millions d'euros moins bons mais avec la possibilité de faire des plus-value et limiter la casse en cas d'échec. Mais l'équipe ne progresse pas forcément, comme le prouvent les résultats des deux dernières saisons.

Valence, le contre-exemple

Il convient de rappeler que l'on parle d'un club qui n'est pas dans le dur financièrement, très soutenu dans sa ville par un public fidèle et exigeant. Pas de doutes, Séville est un monument du football ibérique. La qualification en Ligue des Champions devrait ainsi être l'objectif du club tous les ans, mais s'il ne change pas de politique sportive, il sera compliqué de terminer dans le top 4 de la Liga à l'avenir. Le Real Madrid, le FC Barcelone et même l'Atlético de Madrid sont bien trop loin, et Valence a su dépasser les Andalous alors qu'ils avaient un retard colossal il y a encore trois ans... Il est d'ailleurs intéressant de comparer les deux modèles, totalement aux antipodes l'un de l'autre, et de voir comment les Ches ont raflé la quatrième place du championnat lors de ces deux dernières saisons au nez et à la barbe de Séville. En plus d'avoir gagné une Copa del Rey.

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Du côté de Valence, on aime le risque. Dans une situation déjà instable financièrement bien que meilleure qu'il y a encore quelques années, les Murciélagos n'hésitent eux pas à mettre la main à la poche. L'achat de Gonçalo Guedes pour un montant dépassant les 40 millions d'euros en est la preuve. Cet été encore, on s'apprête à faire quelques gros coups, et Maxi Gomez ou Hirving Lozano devraient aussi coûter un joli pactole au club. Les Ches offrent aussi des salaires supérieurs à leurs joueurs. L'effectif est moins fourni qualitativement, le club n'est pas dans une situation financière optimale, mais au final, les meilleurs joueurs (Dani Parejo, José Luis Gaya, Rodrigo, Carlos Soler etc) restent et les résultats sont là.

Faut-il changer de politique ?

Prendre de gros risques pour être compétitif à tous les niveaux et espérer être dans une bonne situation d'ici peu, grâce à l'argent récolté en Ligue des Champions notamment, ou se montrer prudent et continuer d'être dans le vert, quitte à avoir une marge de progression existante mais plus limitée. On en revient donc au même débat, aussi existant au sein de bon nombre de clubs français : faut-il privilégier les ambitions sportives ou la pérennité financière ? Quoi qu'il en soit, le modèle sévillan a le mérite d'être plus que viable financièrement, d'autant plus que les revenus liés à la vente des droits TV de Liga vont exploser à partir de la saison prochaine. L'inflation des prix, en Angleterre notamment mais aussi en Italie avec la nouvelle fiscalité pour les étrangers, laisse penser qu'il y aura encore des ventes intéressantes dans les années à venir.

Il serait également injuste d'estimer que le club n'a pas d'ambition sportive. Contrairement à d'autres clubs adeptes du trading, les recrues sévillanes restent des joueurs confirmés. Le côté spéculatif existe, mais les risques sont moindres qu'à Monaco par exemple, les joueurs recrutés par Séville ayant souvent déjà une bonne petite expérience dans des championnats de l'ouest européen. L'équipe reste aussi capable de rivaliser avec n'importe qui sur la scène nationale, et n'a d'ailleurs pas terminé si loin que ça de Valence malgré sa sixième position. L'arrivée d'un coach comme Julen Lopetegui prouve qu'il y a la volonté de faire quelque chose l'an prochain. Les résultats sur la scène européenne sous les ordres d'Unai Emery - dans un contexte différent tant en Europe qu'en Espagne ceci dit - confirment également qu'il y a tout de même une culture du résultat. Il sera donc intéressant de voir si cette saison, Séville peut obtenir un ticket pour la Ligue des Champions et reprendre cette place symbolique dans le Top 4 espagnol. Ou si au contraire, si l'équipe rentrera peu à peu dans le rang et aura Getafe ou l'Espanyol comme principaux rivaux...

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