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Info FM, Steve Savidan : «le traitement qui a été réservé à Giroud a été inacceptable»

Par Matthieu Margueritte
12 min.
Steve Savidan s'est livré à FM @Maxppp

Retiré des terrains, Steve Savidan a depuis embrassé une carrière d'entraîneur. Coach du FC Bassin d'Arcachon, l'ancien joueur de VA et de Caen s'est confié à FM sur son nouveau métier ainsi que sur différents sujets de l'actualité du ballon rond.

Foot Mercato : vous êtes à la tête du FC Bassin d’Arcachon. Votre équipe est leader de son championnat régional. Vos débuts d’entraîneur se passent à merveille on dirait.

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Steve Savidan : Ca commence plutôt bien. c’est ma première expérience en tant que numéro un dans une équipe senior, fanion d’un club. Ca fait pratiquement dix ans que je suis revenu tranquillement dans le milieu du foot en entraînant différentes catégories, des U6 jusqu’aux U19. J’ai fait ça à Beaucouzé, à côté d’Angers. Après j’ai été entraîneur adjoint du Stade bordelais et des U16. Cette année, après avoir obtenu mon DES, je trouvais ça intéressant de me confronter à une équipe fanion d’un club. J’ai rencontré les dirigeants d’Arcachon et on a trouvé que nos projets respectifs collaient.

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La restauration, un coup de pouce

FM : en tant qu’ancien joueur, comment avez-vous abordé ce métier ?

SS : au début j’étais réfractaire à cette idée (de devenir coach). Pourquoi pas être entraîneur des attaquants, mais je ne voyais pas du tout entraîneur principal. Mais j’ai eu une activité professionnelle dans la restauration pendant huit ans. Ca m’a donné certaines compétences au niveau du management. En parallèle, comme j’entraînais (les équipes de jeunes), j’avais du coup quelques clés grâce à la restauration. J’ai découvert que je pouvais les appliquer au niveau du football. Comme j’aime bien être dans la difficulté et que j’aime apprendre, je me suis dit : « allez, vas t’inscrire (au DES), parce que tu es réfractaire, mais tu ne sais pas pourquoi. » Je suis allé à Nantes, j’ai été à la Ligue des Pays de Loire et j’ai été agréablement surpris du contenu, de l’approche et là je me suis dit : « c’est mon truc ». Après ça, j’a enclenché un processus pour vendre mon entreprise dans un laps de temps de trois ans. Aujourd’hui, je eux vraiment dire que c’est mon métier.

FM : vous dites que la restauration vous a donné des clés de management pour le football. Expliquez-nous.

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SS : c’était surtout psychologique. En cuisine, vous avez la partie cuisine, la salle, et le bar. Ce que j’ai trouvé d’intéressant c’est d’être confronté à tout type de personne de tous âges, de tous milieux. Je me suis dit que le football est un copié collé. Il y a des objectifs individuels et d’autres par secteurs de lieu (cuisine, bar, etc…). Donc comment faire pour que tous ces secteurs de jeu ayant objectifs individuels transforment tout ça en objectifs collectifs pour une entreprise.

FM : le fait d’être aujourd’hui entraîneur a-t-il modifié la perception que vous aviez de ce métier lorsque vous étiez joueur ?

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SS : je ne comprenais pas qu’un entraîneur n’ait pas de nouveauté à apporter dans ses exercices, dans ses séances d’entraînement. ce que j’ai découvert au travers des différentes formations et grâce à des recherches personnelles, c’est qu’il faut cultiver le joueur. Qu’il s’approprie chaque exercice, chaque situation. Ne pas avoir quelque chose de descendant. Dans ma méthode, j’implique énormément mes joueurs à la résolution de certaines séances d’entraînement. Par exemple, je mets mes séances à disposition. je suis ouvert à toute amélioration. Pas de criques pour critiquer. ce n’est pas ça qui m’intéresse. L’amélioration doit être positive pour tout le monde. Ils comprennent ce qu’on doit faire à l’entraînement pour gagner du temps en match.

FM : quels sont tes prochains défis avec le FC Bassin d’Arcachon ?

SS : je fonctionne par objectif à court terme vraiment atteignables. On se rend compte que si c’est trop haut, en plus avec un groupe qu’on ne connait pas encore très bien, vous serez déjà dans la déception. Alors que si vus mettez des objectifs à court terme et atteignable, vous pouvez les arrondir. Dans mes objectifs collectifs c’est de garder cette avance au classement et de haïr la défaite, je suis exigeant là dessus. J’insiste aussi sur tout le travail défensif de mon équipe.

Avoir une carrière comme Gourvennec

FM : depuis que vous avez pris cette équipe en main, vous êtes-vous fixé un plan de carrière ?

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SS : j’aimerais que ma carrière soit similaire à celle de Jocelyn Gourvennec. C’a été un très grand joueur. Il s’est posé face à la même problématique que la mienne. Au sortir de sa carrière, il n’a pas forcément eu la proposition d’intégrer tout de suite une équipe professionnelle. Sa réflexion a été de se dire : « j’ai envie d’entraîner donc je vais aller dans un modèle où il y a de la compétition, où je pourrai me confronter à certaines problématiques de management, d’organisation, de logistique. Et après, je verrai ». Jocelyn, quand il a entraîné en DH, son approche a été celle-ci. Ça ne l’a pas empêché d’entraîner à Guingamp, à Bordeaux.

FM : en parlant de Bordeaux, vous qui êtes dans la région, avez-vous suivi l’arrivée des nouveaux investisseurs ?

SS : bien sûr. Que ça soit étrangers ou local, je pense qu’à Bordeaux, M6 a fait un bien énorme aux Girondins. Mais en plus d’être un grand club, Bordeaux c’est aussi une marque. Donc pour rester compétitif, il fallait peut-être un coup de neuf. Quand vous faites un tour d’horizon des potentiels investisseurs français, ils sont déjà dans les clubs français, que ce soit à Rennes, Toulouse, Nice. Forcément, ça doit venir de l’étranger.

FM : en France, les réactions ne sont pas toujours positives vis-à-vis de ces nouveaux investisseurs étrangers…

SS : on n’est pas habitué à ça en France. On veut quelque chose de compétitif, mais aussi attractif. On veut être dans de beaux stades et vivre de belles choses. mais tout ça a un coût. Donc on arrive tout simplement dans du business. Et ce business a un facteur X incroyable, c’est que tout est basé sur le résultat sportif. On attend des investisseurs qu’ils investissent et eux veulent une certaine rentabilité. Donc je pense qu’on est un peu perdu en France parce qu’on était surtout basé sur la formation. On se disait que nos jeunes joueurs allaient faire de bons résultats avant d’intégrer l’équipe première. Sauf qu’aujourd’hui, nos meilleurs jeunes se barrent. Donc qu’est-ce qu’il nous reste ? On est obligé d’amener des joueurs de l’étranger pour avoir cette valeur ajoutée et d’intégrer à petite touche nos jeunes joueurs. C’est complexe.

FM : grâce à ces nouveaux investisseurs, la Ligue 1 jouit d’une meilleure image et peut s’offrir le luxe d’enrôler plusieurs stars internationales, notamment en attaque. Comment perçoit-on ce changement quand on est un attaquant français lambda ?

SS : mon analyse dix ans après n’est forcément pas la même que celle que j’aurais eu avant. Mais aujourd’hui, il faut savoir qu’on ne fait pas le même métier quand on joue à Guingamp par exemple. Les équipes classées entre la huitième et la dernière place ne font pas le même métier que le top 5. Ça n’a rien à voir, déjà en termes de conditions de travail. En haut, il y a des paramètres presque imperceptibles qui entrent en jeu. Quand tu joues à Valenciennes ou à Paris qui se bat pour être toujours premier, ce n’est pas la même compétitivité, le même rythme et surtout les mêmes compétences. C’est surtout ça. Tu peux me faire travailler autant que Neymar ou que Mbappé, je n’aurai jamais pas le même rendement qu’eux.

Mbappé maîtrise tout

FM : même en ce qui concerne les jeunes joueurs considérés comme de grands talents en devenir ?

SS : j’appelle à une grande vigilance. Tous les centres de formation ou les clubs qui ont des U17 ou des U19 nationaux, doivent être vigilants et réalistes. On va dire qu’il y a un prodige tous les dix ans. Ce gamin-là, on se dit qu’il est au-dessus dès l’âge de 13 ans. A 15 ans, il est prêt à joueur dans une catégorie supérieure. Après, il faut durer. A l’inverse, un gamin qui est considéré comme un bon joueur ne percera pas forcément. Il y a beaucoup de « bons joueurs », mais souvent ce ne sont pas les meilleurs qui passent. pourquoi ? Parce qu’ils ont développé autre chose, peut-être trop de sérénité, de confort pendant leurs années et de formation et il leur a manqué quelque chose pour passer le cut. C’est pour ça que j’appelle à la vigilance. Une carrière professionnelle est plus compliquée à bâtir aujourd’hui qu’à mon époque. Je ne suis pas sûr que j’aurais eu la même carrière si j’avais démarré aujourd’hui. Ou alors il aurait fallu que j’aie une autre approche. Quand j’ai commencé le foot, c’était à la fin des années 90. A l’époque, le foot était un peu rock’n roll. C’était un sport de haut niveau pas forcément pratiqué par des sportifs de haut niveau. On avait une vie à côté. On entend souvent les mecs comme moi qui ont 40 ans dire qu’ils sont de bons vivants, des épicuriens. Aujourd’hui, c’est impossible. Si mes mecs d’aujourd’hui faisaient le dixième de ce qu’on faisait à notre époque, ça ne passerait pas.

FM : on parle de vigilance chez les jeunes, mais que pensez-vous d’un Mbappé ?

SS : je suis sur Bordeaux et je connais les éducateurs qui font Cap Girondins. Mbappé este vu trois ans de suite à Cap Girondins. il était en U12 ou en U13. Ils l’avaient noté à chaque fois en potentielle recrue. Depuis très jeune, il est au-dessus des autres. En plus, il maîtrise tout si jeune : le sportif et l’extra sportif. Mais beaucoup sont étonnés. Je ne le suis pas. Depuis une dizaine d’années, il y a du média training dans les clubs, grâce en partie à l’UNFP. Il y a des familles qui construisent des carrières sportives. Au niveau des agents, il y en a de plus en plus mais les meilleurs travaillent. Donc ceux qui étaient mauvais ne travaillent plus. Aujourd’hui, c’est devenu un professionnel dans tous les compartiments. Pourquoi croyez-vous qu’ils ont fait cette année un Ballon d’Or pour les moins de 21 ans ? Ils savent qu’un cas comme Mbappé va se reproduire, de plus en plus souvent. Aujourd’hui, il y a des moyennes d’âge de 22 ans chez certaines équipes et on ne trouve pas ça choquant.

FM : toujours chez les jeunes, l’AS Monaco n’a-t-elle pas justement tombé dans l’excès de jeunisme ?

SS : critiquer une entreprise qui fonctionne, c’est compliqué. On vise le sportif, alors oui cette année il y a eu un gadin. Mais ce genre de chose arrivera de plus en plus souvent. Aujourd’hui, beaucoup de clubs sont compétitifs, donc à un moment donné, c’est compliqué d’exister en Ligue 1. Quand vous enlevez la première place et les coupes d’Europe, il reste le championnat et les coupes nationales. Et encore le PSG veut tout gagner parce que ce sont des compétiteurs. Donc il ne reste lus grand-chose. Aujourd’hui, je me pose parfois la question : est-il plus intéressant d'évoluer en Ligue 1 ou en National ou en Ligue 2, sportivement parlant ? Là-bas, il y a des choses à jouer.

FM : vous qui avez joué à Valenciennes, ça doit vous faire plaisir de voir le football nordiste en haut de l’affiche quand même ?

SS : oui ça fait plaisir. je souhaite que Lens remonte en Ligue 1, même si je n’y ai jamais joué. C’est quand même la meilleure affluence de Ligue 2. Priver l’élite de ce potentiel supporter, c’est incroyable. Lille, de par les investissements réalisés, c’est extraordinaire, il faut que ça débouche sur quelque chose. La coupe d’Europe par exemple.

Dur d'intégrer les Espoirs chez les Bleus

FM : parlons désormais des Bleus. Honnêtement, vous attendiez-vous à les voir remporter la Coupe du Monde en Russie ?

SS : si on prend le début du Mondial, tu te dis qu’il peuvent le faire. En tout cas qu’ils ont le potentiel pour atteindre le dernier carré. Mais il y avait du monde. Si l’équipe de France est au rendez-vous du dernier carré et que leurs top players sont là, ça va être compliqué de les bouger. On a loué tous ces joueurs offensif, mais il faut rappeler que Deschamps est très pragmatique.

FM : justement, le jeu du sélectionneur n’a pas été épargné par les critiques.

SS : c’est quand même incroyable ce sport. On attend la victoire, mais parfois pour gagner il ne faut pas forcément produire le plus beau jeu. Mais ça veut dire quoi « de la plus belle des manières » ? Si on avait proposé que la manière, mais qu’on aurait perdu… c’est bien de bien jouer, mais on aurait perdu. C’est facile de critiquer. Ce qui marche, c’est la critique de « déconstruction ». Si on faisait que des émissions pour dire que des compliments, ça durerait deux minutes. C’est comme ça. Mais il faut savoir aussi reconnaître qu’un tournoi ça se gagne. S’il y a la manière, c’est bien, mais il faut d’abord gagner.

FM : toujours dans la critique, un joueur comme Olivier Giroud a souvent pris cher lui aussi. Comment, en tant qu’ancien attaquant, jugez-vous le traitement qui lui a été réservé ?

SS : ce traitement qui lui a été réservé a été inacceptable. Je l’adore ce joueur. C’est quelqu’un que j’apprécie dans son comportement et c’est un joueur qui fait ce qu’il sait faire. Il sait ce qu’on lui demande de faire, il ne s’invente pas des qualités. Et il est rentable ! Quand il a dépassé Zinedine Zidane au nombre de buts marqués (pour les Bleus), on les a tout de suite mis en comparaison. Mais il faut comparer quelque chose qui est comparable. j’entendais des choses hallucinantes. En tant que numéro 9, je ne suis pas sur qu’on ait mieux que lui en France, avec ses caractéristiques. On a un panel de joueurs performants avec différents profils. c’est quand même bien ! L’équipe de France a plusieurs schémas de jeu. Quand il y a Giroud, c’est une possibilité. Quand il n’est pas là, il y en a une autre. On ne savoure pas ce qu’on a. Et quand on l’a, il faut qu’on casse.

FM : Didier Deschamps a indiqué qu’il pourrait faire appel de nouveaux joueurs en 2019. Avez-vous des joueurs en tête que vous aimeriez voir en équipe de France ?

SS : non, je n’ai pas de noms qui arrivent comme ça. On a cette chance d’avoir beaucoup de jeunes joueurs. C’est énorme d’avoir un potentiel aussi fort, notamment en Espoirs. Mais est-ce que ce potentiel joueurs va pouvoir tout de suite intégrer les Bleus. C’est compliqué. Quand vous regardez l’équipe de France, il y a déjà beaucoup de jeunes. Si en plus de ça elle continue d’être performante, ce sera compliqué d’y intégrer des Espoirs. Le cas Ndombélé est différent. il joue à Lyon et il est titulaire. Il est opérationnel dans un très grand club.

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