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Michel Montana, speaker du PSG : « je ne pensais pas durer aussi longtemps»

Par Aurélien Léger-Moëc
16 min.
PSG @Maxppp

C'est une voix que les supporters du Paris Saint-Germain pourraient reconnaître entre mille. Michel Montana, speaker officiel depuis 1998, est une véritable légende pour les amoureux du club francilien. Foot Mercato l'a rencontré, pour en savoir plus sur son métier, mais aussi savourer quelques anecdotes.

Foot Mercato : comment devient-on speaker ?

Michel Montana : au départ, c'est une fonction, et non pas un métier. Il doit y avoir dans tous les clubs professionnels un speaker, chargé les soirs de match de rendre compte des infos liées au club, mais aussi de remplir un cahier des charges. Il faut annoncer les équipes, annoncer les changements, les buts. Ça, c'est pour la partie officielle, liée à la Ligue. Mais chaque club a sa propre animation on va dire et là c'est un peu particulier. J'évoluais dans le milieu des médias, de la radio, de la télé. C'est une rencontre qui m'a permis d'intégrer le club. À la fois je suis dans une fonction informative, mais aussi d'animation. La fonction de speaker est différente dans chaque stade. Par exemple, il n'y a pas d'école de speaker. Donc ils sont issus de tous les milieux. Il y avait encore des bénévoles il y a quelques années. Mais depuis ça s'est professionnalisé. Avec un cahier des charges très précis.

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FM : comment êtes-vous devenu le speaker du PSG ?

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MM : c'est une rencontre qui m'a permis d'intégrer le club. J'étais la voix de Canal Jimmy, une chaîne qui a disparu aujourd'hui. J'écrivais pour eux, j'avais la responsabilité d'une émission qui résumait tous leurs programmes. En discutant avec le programmateur musical de la chaîne, on s'est mis à parler foot, car il m'a expliqué qu'il était aussi le programmateur musical du Parc des Princes. Il était chargé de l'animation musicale. C'est lui qui avait imposé certains morceaux à l'époque. Je me souviens de certains morceaux qui ont porté le Parc, un morceau de Bob Marley, un morceau de Billy Paul (your song). Une version particulière que le Parc reprenait à l'unisson. De cette discussion rock, puisqu'on avait un goût commun pour le rock, à la fin, il m'a dit : "si on a besoin d'un deuxième speaker au Parc, est-ce que t'es partant ?" Je lui ai dit : "attends, c'est mon club, je suis francilien, j'ai l'amour du club rivé à mes chevilles." C'est comme ça que c'est venu. J'ai rencontré le directeur marketing et responsable de l'animation. Il m'a intégré en son équipe et c'était parti. C'était en avril 1994 et mon premier match, c'était contre Monaco.

FM : vous n'avez pas été testé au préalable ?

MM : oui, il y a eu des tests, mais informels dans la mesure où j'étais déjà un spécialiste du micro. À l'époque, j'étais à la fois animateur radio, à la fois voix d'une chaîne et aussi voix off, ce qui est mon vrai métier à la base. Je fais des voix pour des pubs, des documentaires, des films d'entreprises et d'autres choses comme ça.

FM : et votre attachement au PSG, il a été vérifié ?

MM : dans la discussion, il a vite vu que j'adorais le club, que je connaissais bien le foot et le PSG ! Ça s'est fait naturellement, ça a accroché, ça a collé. Et donc j'ai commencé mes premiers matches comme deuxième speaker en 1994. J'ai eu la chance, une énorme chance, que le speaker de l'époque, qui après a disparu un peu du milieu, a eu beaucoup de préparatifs à assurer pour la Coupe du Monde 98. À chaque fois qu' il n'était pas là , on me disait : "Michel, tu t'y colles." Moi, c'était avec grand plaisir. J'ai pu faire des matches de Ligue des Champions, face au Barça notamment. J'étais deuxième speaker, mais avec la possibilité de faire de gros matches.

### Je suis dans le match deux jours avant

FM : à propos de deuxième speaker, vous avez un joker ? On a l'impression que vous êtes tout le temps là !

MM : c'est propre à tous les clubs et toutes les entreprises. On doit s'assurer qu'il y a quelqu'un en remplacement. Ils ont prévu quelqu'un, si je suis malade ou autre. Mais je touche du bois, je n’ai jamais loupé un match ! À partir de 1998, quand le club m'a demandé de devenir le speaker officiel, je n'ai loupé aucun match de Ligue 1. Au début, il y avait un deuxième speaker, qui lui faisait les Coupes. Mais en L1, je n'ai jamais loupé le moindre match depuis 1998.

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FM : comment un speaker prépare un match ?

MM : pour être très franc, mon match commence dès que se finit le précédent. Je commence à lire les comptes-rendus et je prépare le suivant. Quand je dis prépare, je m'approvisionne, je lis toutes les infos que je peux trouver sur les sites, un peu comme le vôtre. Dans la préparation proprement dite, je commence vraiment à être dans le match deux jours avant. Ce sont des petites superstitions, notamment le jour même. On a nos petites habitudes. J'ai besoin de les reproduire pour être bien. Le matin je lis tout ce qui concerne le match. Ça peut passer par la façon dont je vais m'habiller, de petits trucs, mais je ne vais pas tout vous dire. J'arrive 3 heures avant le match au Parc, on a une réunion avec la régie, qui est véritablement une régie TV. On déroule le conducteur. Je descends une heure avant le début du match sur la pelouse. Pour l'après-match, je rentre chez moi. Je suis incapable de dormir. Il faut que je revoie les buts, que je grignote et que je lise les réseaux sociaux.

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FM : vous avez des avantages en tant que speaker, par exemple en connaissant la composition d'équipe un peu avant ?

MM : non. Comme tout le monde. Ce sont les délégués qui nous transmettent la compo. On n'a pas plus d'infos que ça. D'ailleurs, c'est marrant. En général c'est immuable, il n'y a jamais de souci. Il n'y a pratiquement jamais de changement. Sauf une fois. À l'époque, il y avait Mario Yepes. Sa femme était enceinte et sur le point d'accoucher. Mais il était prévu pour jouer. Il sort des vestiaires, il était dans la compo. Et à un moment donné, je le vois partir au pas de course. Pris par le boulot, je n'ai pas suivi ce qu'il se passait exactement. En fait il avait appris que sa femme était en période de travail à la clinique. Il a demandé l'autorisation, il s'est rechangé et il est parti. Mais j'ai appris ça après. À la mi-temps, du coup, j'ai pu annoncer à l'ensemble du Parc le pourquoi du changement. C'est sûrement le plus grand faire-part qu'il n'y a jamais eu ! J'ai annoncé aux 40 000 personnes que la femme de Yepes avait accouché, que le bébé et la maman se portaient bien. Mario était content que je l'aie annoncé au Parc.

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FM : est-ce que vous avez justement une liberté d'action, une possibilité d'improviser un peu ?

MM : pour être franc, aujourd'hui, c'est très calibré. Je suis avec une grande rigueur le conducteur. Et je le comprends. Il y a toute une équipe derrière, les écrans géants, les réseaux sociaux. Je me dois de respecter à la lettre le conducteur. C'est vrai qu'à une époque j'étais beaucoup plus libre, j'étais plus animateur que présentateur. Ça pouvait amener parfois des moments un peu cocasses. La fonction s'est professionnalisée, ce qui est normal. Il y a aussi d'autres raisons, notamment sécuritaires. Je suis parfois un peu nostalgique de l'époque où j'avais plus de liberté, notamment quand je pouvais aller au milieu du terrain, sur la pelouse. Aujourd'hui on a un billard, je respecte le travail de Jonathan (Calderwood, le jardinier du PSG, ndlr). C'est normal. On me demande d'être très précis et rigoureux, je l'accepte. Les moments de liberté, je m'en empare avec délectation. Par exemple quand j'annonce l'équipe, à ma façon, mon type de voix, mon phrasé. L'annonce des buts, etc. J'ai amené des petites choses, des gimmicks, comme le « ici c'est Paris ».Le club me laisse faire, mais c'est dans un cadre très précis.

### Je prépare quelque chose pour Edinson...

FM : est-ce que ce travail constitue votre principale source de revenus ?

MM : c'est une partie seulement. Je fais pas mal de voix. Mais j'ai levé le pied depuis quelque temps. Le Parc c'est une bonne partie de mes revenus. Même si, je ne vais pas faire fantasmer tout le monde, je suis vacataire. Je suis payé au match.

FM : est-ce qu'il existe un mercato des speakers ? Avez-vous déjà été approché par d'autres clubs ?

MM : honnêtement non ! Ça m'interpelle votre question, je n'y avais jamais pensé. Les joueurs peuvent changer de club. Mais les speakers non. Je réalise qu'on est très attaché à un club même si maintenant c'est aussi une fonction donc pourquoi pas effectivement travailler pour un autre club de votre ville. Je suis en train de réaliser que j'ai un pote speaker originaire d'une autre ville que l'équipe pour laquelle il officie ! J'en connais un deuxième aussi. Comme quoi ça peut arriver. Mais moi pas question. Non non ! C'est ma ville. Je suis né à Ivry, j'ai vécu à Pantin, à Drancy, à Courbevoie, actuellement à Cergy. Je ne me vois vraiment pas officier ailleurs.

FM : y a-t-il une confrérie des speakers ?

MM : je lance un appel à la Ligue. À l'époque il y avait des réunions entre speakers. On échangeait sur la sécurité, l'animation, sur tout ce qui faisait la particularité de nos stades. C'était l'occasion de se réunir. On adorait ça, je trouvais ça génial. Pas pour se foutre dessus, mais pour se chambrer et surtout faire avancer le métier. Mais la Ligue ne l'a plus refait depuis un bon moment. On est un peu des saltimbanques, pour certains des artistes. On a tous notre façon de faire. On ne va pas dire à l'autre comment faire. Mais il faut reconnaître qu'il y a pas mal de gens qui s'inspirent d'autres speakers. J'ai pu faire certaines choses au Parc qui ont été reprises. Je ne leur en veux pas, c'est de bonne guerre. Même le « ici c'est » ça a été repris. Je me disais que c'était propre à Paris... D'ailleurs, j'en profite au passage, parce que certains me disent que j'ai copié le speaker de Naples qui répète 7 ou 9 fois le nom du buteur, alors que je ne l'avais jamais vu. Je suis allé voir sur YouTube. Je ne le connaissais pas. Je suis admiratif d'ailleurs. Mais comme moi j'ai un autre boulot, je fais des voix, quand j'ai un match le dimanche, si j'annonce à chaque fois 9 fois le nom du buteur, je vais me flinguer la voix ! Je ne peux pas. Mais je pense le faire une fois, si un joueur, je prie pour qu'il puisse atteindre un certain nombre de buts, vous devez deviner de qui je parle, je réfléchis à quelque chose. J'espère pouvoir l'honorer comme il se doit, à l'image du numéro qu'il porte sur le maillot...

### Certains noms claquent plus, comme Zlatan

FM : comment vous est venue l'idée de répéter trois fois le nom du buteur au Parc des Princes ?

MM : j'y ai pensé comme ça, sans m'inspirer de qui que ce soit. Je voulais me démarquer. Je savais que certains, à l'étranger, annonçaient plusieurs fois, mais je n'avais jamais vu quelqu'un en particulier le faire. J'avais envie de le faire, mais je voulais trouver une originalité. C'est là que j'ai pensé à cette façon de faire. C'est-à-dire annoncer le prénom du buteur une première fois dans les graves, une deuxième fois dans les médiums et la troisième dans les aigus. Mais je n'avais pas pensé, à l'époque, à une certaine problématique. Notamment les noms des Brésiliens, où il y a le prénom du cousin de la tante du père, des trucs à rallonge. À chaque début de saison, il fallait que je fasse valider le nom du joueur brésilien. Notamment pour Neymar j'ai fait valider par Maxwell : Da Silva Santos Junior. Je continue dans ce style, avec grave, médium et aigu. Certains noms claquent plus, comme Zlatan. C'est un prénom qui vous prend aux tripes. Je n'ai pas de contact particulier avec les joueurs. Les soirs de match, ils sont pris par leur échauffement, moi par mon boulot. Je les vois plus les soirs de commémoration par exemple. Je sais qu'ils sont très conscients de tout ce qu'il se passe. Je sais qu'Edinson, un soir de remise de l'Hexagoal, j'avais fait un petit film avec lui, et lui même a repris avec moi, c'était sympa. Ils y sont sensibles. Zlatan pareil. Ils entendent ce qu'on dit. Pendant une remise de l'Hexagoal, Zlatan m'avait demandé le micro pour lancer, et il ne parlait pas bien français, « Ici ci ». On n'est pas là pour rien. Ils sont contents qu'on les célèbre au micro.

FM : d'autres joueurs vous manifestaient leur plaisir par rapport à votre manière de célébrer leurs buts ?

MM : oui, il y a eu Pauleta, Raï. Lui aussi, Souza de Oliveira Raï. Rien que dans la façon de dire leur prénom. Ils m'ont fait sentir qu'ils étaient contents de l'entendre, mais on n’en parle pas pendant des heures.

FM : avez-vous connu des moments de solitude au micro ?

MM : les moments de solitude, il n'y a jamais eu de chose grave. Je n'ai pas le souvenir d'avoir fait une grosse connerie. Ce sont plus des clins d’œil, des choses rigolotes après coup. Par exemple, à une époque où il y avait les grèves des supporters, qui rentraient au bout de 5-10 minutes de match : quand je prenais la parole, il n'y avait pas grand-monde et ça ne répondait pas du tout. Mais il ne fallait pas que je le prenne pour moi. Ils me l'ont dit. Quoi qu'il se passe, je dois faire mon boulot, en m'adressant aux supporters, et il n'y a aucun problème. Ça peut aussi être une erreur de buteur. Mais je vais vous dire une chose. C'est volontaire que j'annonce, lors des buts contre son camp de l'adversaire, le nom du joueur parisien qui a initié l'action. Je ne vais pas crier le nom d'un joueur adverse. Forcément, c'est moins suivi ! De grands moments de solitude, non, je ne pense pas. Après coup, parfois. Après un match contre Saint-Étienne, le président de l'époque, Laurent Perpère, m'avait reproché de m'être trop enflammé. Et ce n’était pas faux. Quelque part, je suis supporter parisien, mais je me dois d'avoir un droit de réserve. Comme il était à côté du président stéphanois... J'en avais envoyé des caisses et il s'était senti mal à l'aise par rapport à ça. Je peux manifester ma joie, mais je dois aussi respecter l'équipe adverse.

FM : on ne vous a jamais demandé d'être une interface entre le PSG et les supporters, dans les moments chauds ?

MM : non je n'ai jamais été le porteur d'un message auprès de la direction. Par contre, si lors d'une discussion avec des ultras, ils me font part d'idées, par rapport à l'animation ou quelque chose qui pourrait apporter les soirs de match, j'en ferai l'écho. D'ailleurs, j'en profite pour m'adresser au football français : je ne comprends pas ces histoires de fumigènes. Ça fait des années que j'en parle. Il y a un ingénieur danois qui a expérimenté des fumigènes qui ne sont pas dangereux. Je ne comprends pas qu'on n'essaye pas. Pour moi, les fumigènes, je trouve ça beau. Je comprends, s'il y a danger, il y a danger. Mais s'il y a une façon de régler ce problème, pourquoi on n'expérimente pas ! Tout le monde serait content. Je lance le truc, il y a un système qui marche, parait-il.

FM : et comment vous suivez les matches du PSG à l'extérieur ?

MM : ah je n'en loupe jamais un. Et je vais être franc : souvent je regarde avec des potes, mais souvent ça me gonfle. Il y a toujours un mec en train de commenter à côté de moi et j'ai envie de lui dire tais toi ! J'aime bien être dans le match, donc j'aime bien suivre seul.

### Je ne sais pas combien de présidents j'ai connus

FM : si les joueurs ont des interdictions par peur de la blessure (comme l'interdiction de faire du ski dans certains contrats), est-ce que vous avez quelques recommandations en tant que speaker, par exemple l'interdiction de faire un karaoké la veille d'un match ? Oui, c'est une question bête.

MM : eh bien je vais vous donner quelques anecdotes. En premier lieu, je fais toujours attention à ma voix. Ce sont des choses simples, des trucs de grand-mère, le miel, le citron, etc. Ensuite, je dirais qu'il y a la façon de parler au micro, faire gaffe à ne pas se flinguer la voix dès le début. Effectivement, une année, j'avais été invité à une manifestation pour journalistes sportifs à la montagne et il y avait un match de Coupe de la Ligue ensuite. Et on m'avait refusé ça, au cas où il m'arrive quelque chose ! Je ne vais pas me mettre en danger s'il y a un match qui vient. Ce sont plein de petites choses comme ça, des superstitions aussi.

FM : après plus de 20 ans en tant que speaker, quel bilan faites-vous de cette expérience ?

MM : honnêtement, je suis impressionné, dans le sens où je ne pensais pas durer aussi longtemps. Par rapport aux supporters, je suis surpris, je pensais qu'ils allaient se lasser. Et en fait non, il y a un vrai lien avec eux, qui est visible. Et ça me touche vraiment. La première chose que je retiens c'est ça je suis surpris et touché de la confiance que les supporters me témoignent. Ensuite par rapport au club, je suis aussi surpris. Il y a eu des changements. Je ne sais pas combien de présidents j'ai connus ! Et j'ai toujours été renouvelé. Je n'ai jamais senti de défiance. Je suis un peu surpris à ce niveau-là, notamment quand ils ont amené les écrans géants. Tout est important en termes d'image. Je me suis dit que je n'étais qu'une voix. Je ne voulais pas être filmé. J'ai eu peur de ce retour. Je vieillis comme tout le monde, on va me le faire sentir et on prendra un plus jeune. L'avenir, honnêtement, je ne pense pas être là pour de nombreuses saisons encore, j'ai envie de faire l'année du cinquantenaire. Quoi qu'il se passe, j'aurais adoré, le contact avec le public, le club, les supporters. C'est une chance énorme, inestimable. Jamais je ne serai aigri si ça s'arrête.

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