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Landry Chauvin : « la priorité, ce serait de retrouver un projet L2 ou National »

Après 5 années passées à la DTN et à la tête des équipes de France U18, U19 et U20, Landry Chauvin quittera officiellement ses fonctions au 30 juin. Aujourd’hui, l’ancien entraîneur de Sedan ou de Nantes affirme ses ambitions pour la suite de sa carrière, qu’il aimerait poursuivre en Ligue 2 ou en National.

Par Jordan Pardon
11 min.
Landry Chauvin @Maxppp

À 56 ans, Landry Chauvin rêve encore «comme un petit jeune». Homme aux multiples casquettes, l’ancien directeur du centre de formation de Rennes verra son contrat à la DTN prendre fin au 30 juin. Après des expériences comme sélectionneur des U18, U19, et U20 de l’équipe de France, le natif de Château-Gontier ambitionne désormais de retrouver un club. À date, plusieurs centres de formation prestigieux lui ont manifesté leur intérêt, mais la priorité de l’ex-entraîneur de Sedan et Nantes est aujourd’hui ailleurs. Le terrain l’anime, et retrouver un poste de numéro un aussi, même s’il ne veut rien s’interdire.

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Foot Mercato : après 5 ans en tant que sélectionneur des U18, U19 puis U20 de l’équipe de France, votre aventure à la DTN se termine cet été, pourquoi ?

Landry Chauvin : j’étais en fin de contrat au 30 juin. Partir n’était pas forcément dans un coin de ma tête, mais ce qui m’anime, c’est le partage d’émotions avec des joueurs et un staff. Parfois, le quotidien me manquait, donc quelque part, c’est le moment parfait pour passer à autre chose.

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FM : quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ?

LC : juste avant, j’ai eu l’opportunité d’aller avec l’équipe A du Maroc (en tant qu’adjoint de Vahid Halilhodzic en 2019), et ça a été une magnifique expérience pendant un an, puis j’ai pu rejoindre la DTN. J’ai beaucoup aimé chaque rassemblement, parce que j’avais avec moi les meilleurs joueurs français de leur âge, notamment la génération 2003 que j’ai eue durant trois ans. On a participé à l’Euro U19 (demi-finale contre Israël en 2022) et la Coupe du Monde U20, qui était malheureusement hors des dates FIFA (il avait été privé de plusieurs cadres suite aux refus des clubs de libérer leurs joueurs). Ce sont des moments plus que sympas à vivre, et aujourd’hui, on fait ce métier pour ça. Revivre des émotions en groupe, c’est ce que je veux retrouver aujourd’hui.

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FM : quel type de projet recherchez-vous ? Et visez-vous uniquement un poste de numéro 1 ?

LC : la priorité, ce serait de retrouver un projet L2 ou National comme entraîneur principal, je n’ai pas la prétention de la L1 aujourd’hui. Redevenir adjoint… Je n’exclus rien, parce que mon profil peut intéresser. On sait que les staffs sont de plus en plus étoffés. La nouvelle génération d’entraîneurs s’entoure de compétences aujourd’hui, et c’est ce qui fait la grande différence avec ce que j’ai connu dans les années 90/2000. On n’en avait pas, parce qu’on avait peur que la compétence prenne notre place. C’est complètement l’inverse aujourd’hui, il faut s’entourer de compétences pour être performant. Ce sera le projet dans son ensemble qui va commander mon envie : les hommes avec qui je vais travailler au quotidien, les infrastructures parce que sur le long terme, c’est dur de travailler sans infrastructures. Si tout ça est réuni, il y a tout pour bien travailler.

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«Les clubs avec un entraîneur s’appuyant sur leur centre de formation sortiront vainqueurs de cette passe»

FM : le contexte économique du football vous fait-il peur aujourd’hui dans votre recherche d’emploi ?

LC : je sais que le contexte économique est particulier en ce moment, mais je reste convaincu que les clubs qui auront un entraîneur s’appuyant sur leur centre de formation, sortiront vainqueurs de cette passe un peu délicate. J’espère que cette double casquette "formateur entraîneur" pourra intéresser bon nombre de présidents, je le souhaite. Quand on sait que 90% du temps de jeu d’une équipe première, ce sont 16 joueurs qui le composent aujourd’hui, à quoi bon avoir des effectifs pléthoriques de 24/26 pros, surtout si on a un centre de formation à côté ? Les jeunes sont capables de faire les 10% du temps de jeu restant, largement.

FM : vous n’êtes pas friands des groupes à rallonge…

LC : on n’a pas besoin de 50 joueurs pour faire une saison. Plus le groupe est resserré, plus il sera concerné, et ça laissera la place aux jeunes du centre de formation, ou du groupe réserve, si le club n’a pas de centre. Il faut trouver le bon équilibre. Aujourd’hui, la mise en avant de jeunes est indispensable pour la santé économique d’un club. Le trading et la "bankabilité" des joueurs, c’est ce qui va être le plus important dans les 3 ou 4 années à venir, tant que le contexte des droits TV sera fragile.

FM : ce qui vous singularise, c’est justement ce côté formateur-entraîneur que beaucoup n’ont pas forcément aujourd’hui. Est-ce que de devenir recruteur ou directeur sportif pourrait éventuellement vous plaire ?

LC : je n’ai jamais eu de sollicitation pour des postes de directeur sportif, ni pour des postes dans le football féminin. Mais si j’en avais, je les étudierais vraiment. Je suis ouvert à tout. J’ai pas mal de cordes à mon arc, mais il m’en manque encore quelques-unes (rires).

«Ma meilleure saison, c’est quand on a failli monter en L1 avec 18 joueurs, gardien compris»

FM : au regard de votre parcours, lancer des jeunes dans le grand bain, ça ne vous fait donc toujours pas peur ?

LC : sur mes 7 années passées sur les bancs professionnels, j’ai eu l’occasion de lancer 16 jeunes, surtout à Sedan, parce qu’à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de moyens. On donnait donc une seconde chance à des garçons qui ne signaient pas leur premier contrat professionnel dans de grands centres de formation français. Je peux citer Yoann Court, Pierrick Valdivia, Lossémy Karaboué, et Benoît Costil, devenu international français et qu’on a relancé. On faisait attention à des jeunes qui émergeaient dans les divisions inférieures : Wesley Lautoa, Ismaël Traoré, Alexis Allart… D’ailleurs, ma meilleure saison, c’est quand on a failli monter avec 18 joueurs (5e de Ligue 2 en 2010/2011), gardien compris. Ça nous avait permis de lancer des jeunes comme Naïm Sliti, Mickaël Le Bihan, Florentin Pogba, Kassim Abdallah. Puis à Nantes, j’ai eu l’occasion de voir éclore des joueurs comme Jordan Veretout.

FM : et que retenez-vous de votre passage à Rennes ? Parce qu’en interrogeant plusieurs joueurs formés au club, vous avez aussi eu un rôle très central dans la réussite du centre de formation ces dernières saisons…

LC : j’ai un parcours un peu particulier : je n’ai pas été joueur professionnel, j’ai été 15 ans formateur à Rennes où j’ai eu la chance de gagner tous les titres, et puis je suis devenu entraîneur professionnel. J’ai dirigé 220 matchs en tant qu’entraîneur principal sur des bancs, et puis à un moment donné, l’occasion est venue de revenir à Rennes pour créer l’Académie (2015-2019). Ça a été super intéressant à vivre.

J’ai commencé avec la génération 1976/1977 d’Ousmane Dabo, puis j’ai fini avec les 1990 : Yann M’Vila, Damien Le Tallec… Quand je suis revenu, j’ai récupéré les générations 1998/1999 des Maxime Bernauer, Nicolas Janvier, Lillian Brassier… Jusqu’aux 2005 de Désiré Doué, Mathys Tel, Jeanuël Belocian, Jérémy Jacquet. Entre-temps, il y a eu les Sacha Boey, Sofiane Diop, Adrien Truffert, Eduardo Camavinga, Georginio Rutter, Andy Diouf, Mathis Abline, Lesley Ugochukwu…

FM : et vous en avez d’ailleurs retrouvé certains en équipe de France, qui ont explosé aujourd’hui…

LC : chez les 2003, il y en a pas mal qui sont aujourd’hui titulaires dans le Calcio ou dans la rotation de gros clubs : Loum Tchaouna (Lazio), que j’ai eu à Rennes, Lucas Gourna-Douath (AS Rome), Arthur Atta (Udinese), Isaak Touré (Udinese), Warren Bondo (AC Milan), Ange-Yoan Bonny (Parme). Tous ceux-là étaient avec moi au Championnat d’Europe, comme Abline et Andy Diouf, qui n’étaient pas aussi en avance que les 2005 physiquement. Puis il y a aussi Lucas Da Cunha chez les 2001, capitaine à Côme désormais.

FM : comment vous expliquez que les profils comme le vôtre peinent à émerger en France, quand on voit qu’en Allemagne, les clubs n’ont pas peur de faire confiance à des Julian Nagelsmann, Sebastian Hoeness, Ole Werner, Fabian Hürzeler, qui n’ont pas eu ce cursus "classique" d’ancien joueur professionnel ?

LC : oui, en Allemagne et même au Portugal. C’est dans leur culture, mais c’est ce qui fait aussi la particularité de chaque pays. Il faut savoir que les entraîneurs, et les joueurs, sont de mieux en mieux formés, donc tout le monde ne peut pas passer professionnel. C’est pour ça qu’aujourd’hui, il y a 0 réserve française en N2. Tu joues des équipes semi-amateurs, et tu retrouves en face de toi 3 ou 4 joueurs que tu as eus à un moment dans ton centre de formation, mais donc avec 3 ou 4 ans de plus que les joueurs que tu leur opposes.

«Je ne me considère pas comme un éducateur formateur, mais comme un formateur - entraîneur»

FM : la DTN peut être un accélérateur de carrière vers le niveau professionnel selon vous ? Ou ça peut au contraire pousser les clubs à vous mettre cette étiquette d’"éducateur - formateur" ?

LC : il faut aujourd’hui connaitre les personnes. Moi, je ne me considère pas comme un éducateur - formateur, mais comme un formateur - entraîneur, la nuance est importante. J’ai eu la chance lors de mes missions de faire au moins trois fois les différents centres de formation français, et européens, et ça m’a donné une vue plus globale de ce qu’est la compétitivité en Europe.

FM : dans le profil et les qualités, qu’est-ce qui fait aujourd’hui votre force selon vous ? Et comment vous définiriez-vous en tant qu’entraîneur ?

LC : c’est ma connaissance de tous les publics. Sincèrement, à côté du savoir-faire, c’est le savoir-être, je crois beaucoup en ça. Mais sur le projet de jeu, il faut toujours rester prudent. Ce que je veux, c’est un projet de jeu réaliste. Il faut savoir s’adapter à ses joueurs, à leurs qualités. Si j’ai la chance d’arriver quelque part, je ne vais pas choisir les 20 joueurs qui vont composer mon groupe, donc je vais devoir leur proposer un cadre qui va leur permettre de s’exprimer au mieux pour récolter collectivement les meilleurs résultats. Être capable de jouer par moment en possession, par moment en transition… Aujourd’hui, toutes les équipes le font. Ceux qui affirment que leur projet de jeu est uniquement axé vers une orientation, c’est faux, parce que l’histoire d’un match, c’est un rapport d’opposition, et c’est de l’adaptation.

FM : pensez-vous avoir changé, ou évolué dans votre approche depuis votre dernière expérience en tant que coach ?

LC : oui, j’ai appris que ce sont les relations humaines qui font le socle de tout. Si tu ne connais pas l’homme derrière le footballeur, tu auras du mal à en tirer la quintessence. Ce qui me plaît dans ce métier, c’est de faire adhérer les joueurs à un projet de vie, de groupe, et un projet de jeu. Quand tu es plus jeune, tu te mets aussi une pression pas toujours bonne par rapport aux résultats, alors qu’aujourd’hui, je prends plus de hauteur et de distance. La notion de plaisir est primordiale, on est compétiteur, mais il faut désacraliser le résultat sur le court terme, et ce n’est pourtant pas toujours le cas. J’ai eu la chance qu’on me laisse travailler dans les clubs où je suis passé. Je suis devenu plus tranquille : je ne m’enflamme pas quand on gagne, et je ne remets pas tout en question non plus dans l’autre sens. En tant qu’entraîneur, il faut savoir être juste. Le joueur a besoin d’honnêteté et de courage en face, et souvent quand on est plus jeune dans la fonction, on attend le tout dernier moment. Aujourd’hui, ça ne me pose aucun problème d’annoncer une décision, qu’elle plaise ou pas, tant que je vois le joueur en tête-à-tête.

FM : vous aviez déclaré en 2019 à Ouest-France que vous étiez loin de la retraite, vous l’êtes toujours ?

LC : oui, j’ai l’impression d’être très jeune, de débuter la fonction alors que ça fait déjà un petit moment que j’y suis. J’ai encore beaucoup de choses à donner et à partager. Je suis comme un petit jeune, je rêve. Aujourd’hui, j’ai envie de relever un challenge sportif qui correspond à ma fraicheur du moment. J’ai eu des sollicitations de centres de formation, mais aujourd’hui, ce n’est pas ma priorité donc j’ai préféré être honnête.

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