Dans les coulisses du San Diego FC, la nouvelle franchise de MLS
Le championnat américain de soccer, ou de football, s’apprête à reprendre, et pour marquer son 30e anniversaire, la MLS accueille un nouveau pensionnaire: le San Diego FC. Cette franchise débutera sa toute première saison cette année. Ce qui suscite de nombreuses interrogations, en particulier sur sa stratégie sportive et économique.

Pour ses 30 ans, la Major League Soccer (MLS), le championnat étasunien de football, s’offre un beau cadeau : l’arrivée d’une nouvelle franchise. Le San Diego FC rejoindra ainsi officiellement la ligue pour la saison 2025. Contrairement aux championnats européens, où la montée et la descente se jouent sur le terrain, la MLS repose sur un système de ligue fermée. Ici, pas de relégation ni de promotion : les équipes, appelées « franchises », doivent acheter leur place pour intégrer la compétition. Peu importe les résultats, chaque club conserve ainsi sa place dans l’élite.
Mais pour s’octroyer le droit de participer à la MLS, le San Diego FC et son propriétaire, l’homme d’affaires anglo-égyptien Mohamed Mansour, ont dû lâcher une belle somme d’argent. Selon les différentes estimations de la presse spécialisée, la place du San Diego FC s’estimerait à 500 millions de dollars. À titre de comparaison, la ville de Charlotte, qui a fait son entrée en MLS en 2022 a eu un droit d’accès dans la ligue à 300 millions de dollars. Le club de Saint-Louis, dans le Missouri, s’est quant à lui acquitté d’une somme de 200 millions en 2019.
Une entrée à 500 millions de dollars
Des sommes importantes, même en comparaison au football européen, qui ne sont pourtant pas si exceptionnelles aux Etats-Unis. « Don Garber, le commissaire de la ligue, en quelque sorte son président-directeur général, a affirmé qu’il y aurait un maximum de 30 à 32 équipes, relève Antoine Latran, journaliste spécialiste de la MLS. Aujourd’hui, on est à 30, donc les dernières places seront très chères. C’est un investissement sur l’avenir, et acheter le San Diego FC à 500 millions reste dans cette logique ».
Un placement qui se fait donc à long terme. « De nos jours, la rentabilité sur l’achat d’un club de foot ne se fait pas au quotidien. Toutes les équipes de football perdent de l’argent. Si on achète un club pour gagner de l’argent, c’est compliqué. Par contre, on sait qu’effectivement, avec le temps, on va pouvoir le valoriser et gagner beaucoup plus avec une revente », estime, de son côté, Thomas Filhol, spécialiste de l’économie du sport et fondateur de Sportune. Pour ce faire, le club compte notamment sur la nouveauté pour attirer les foules, et surtout les investisseurs. « L’avantage de la nouvelle franchise est que, justement, il va y avoir cet enjeu de curiosité. Quand elle arrive, forcément tout le monde va se dire, tiens, qu’est-ce que ça vaut ? Est-ce qu’il faut s’y intéresser ? Est-ce qu’ils ont des chances ? Pour un sponsor, c’est bénéfique dans un sens où il va y avoir une couverture de presse importante, du moins au début », analyse Thomas Filhol.
L’arrivée de la franchise s’inscrit aussi dans une dynamique plus large avec la Coupe du Monde 2026 organisée aux États-Unis, au Canada et au Mexique. Cette exposition accrue devrait favoriser l’essor du club, attirer de nouveaux sponsors et renforcer l’intérêt du public pour le soccer. « Cette franchise est née dans l’énorme business qu’est la MLS. Avec une discipline qui se développe aux États-Unis, et avec la perspective d’une Coupe du monde, qui va bientôt mettre un accent sur le football étasunien. On sait très bien que les Américains, quand ils font les choses, en général, ce n’est pas à moitié, en tout cas pendant le sport, développe Thomas Filhol. En termes de couverture médiatique, de marketing, etc… C’est évidemment un contexte favorable ».
Une stratégie sportive jeune et offensive
Fort de leviers financiers prometteurs, le club est prêt à tirer parti de ses investissements dans les années à venir, ce qui lui permettra de se concentrer sur une vision sportive ambitieuse. Le San Diego FC mise ainsi sur une stratégie axée sur les jeunes talents et les liens locaux, comme en témoigne la signature de Luca de la Torre. Le milieu de terrain de 26 ans, formé dans des équipes de la région avant de s’illustrer en Angleterre, aux Pays-Bas et en Espagne, a rejoint le club sous forme de prêt du Celta Vigo. En parallèle, San Diego, qui discute actuellement avec un certain Serge Aurier comme nous vous le révélions dernièrement, a renforcé son milieu avec l’arrivée du Finlandais Onni Valakari (25 ans), et s’appuie sur deux autres joueurs de renom, Hirving Lozano et Anders Dreyer, pour compléter un effectif ambitieux.
Ce focus sur de jeunes profils talentueux, combiné à un ancrage fort dans la communauté, souligne la volonté du SDFC de bâtir une équipe compétitive tout en s’inscrivant dans la dynamique culturelle et sportive de la région. Mais au-delà des joueurs, la clé du succès de San Diego FC résidera également dans la capacité de son entraîneur à modeler cette toute nouvelle équipe. Et le défi sera donc de taille pour le technicien du club, Mikey Varas. « J’ai pris en charge une équipe nationale U-20 qui n’avait pas joué depuis deux ans à cause de la pandémie. J’ai donc déjà l’expérience d’une équipe qui part de zéro. En équipe nationale, vous avez très peu de temps pour faire passer vos idées, explique le coach, qui a fait ses classes au Sacramento Republic et au FC Dallas, dans les colonnes du San Diego Union Tribune. Cette saison, nous partons de zéro. Il n’y a pas d’antécédents sur notre façon de travailler. Je vais donc pouvoir m’en servir, être capable de faire passer rapidement et de manière concise les idées que j’ai eues en équipe nationale ».
Une forte « culture foot » locale
Le nouveau club de San Diego s’intègre parfaitement dans une ville et une région, la Californie, où le soccer est profondément enraciné. Avec sa forte culture footballistique, San Diego est un terreau idéal pour développer ce sport. Ce qui n’a sans doute pas échappé aux grands pontes de la ligue au moment de valider le projet. « La ville de San Diego est une terre de soccer, c’est une ville qui est très proche de ce sport. Il y a la proximité avec le Mexique et le club de Tijuana en Liga MX. Puis, la Californie en général est une région où le foot prend bien depuis des années », lâche Antoine Latran.
San Diego a, par ailleurs, déjà été le théâtre de plusieurs projets de clubs de soccer, bien que certains aient connu des destins variés. Le San Diego Loyal ou le San Diego 1904, soutenu par Demba Ba et Eden Hazard, ont laissé leur empreinte dans l’histoire locale, bien que ce dernier ait rapidement disparu en raison de l’instabilité économique de sa ligue. La ville a également vu passer des équipes éphémères comme les Toros en 1968 et les Jaws en 1976. « Il y avait également un projet de club à Sacramento, mais le Covid a fait du mal aux finances de son investisseur principal. San Diego a donc sûrement bénéficié de ce retrait-là », lâche Antoine Latran. Ainsi, avec un riche héritage footballistique et un environnement favorable, San Diego semble prêt à démarrer son aventure. Première étape face au Los Angeles Galaxy, tenant du titre du du Championnat nord-américain, le 24 février prochain.