Oswald Tanchot, FC Sochaux : «on se posait même la question de jouer la Coupe de France»

Par Maxime Barbaud
11 min.
Oswald Tanchot en conférence de presse à Sochaux @Maxppp

Sochaux est de retour en grâce, le temps d’un 16e de Coupe de France au moins. Et pourquoi pas plus. Rétrogradé administrativement en National 1 puis au bord du dépôt de bilan l’été dernier, le club emmené par Oswald Tanchot s’est complètement relancé en championnat et s’offre une belle aventure en coupe. Après avoir sorti Lorient il y a deux semaines, c’est le Stade de Reims qui se présente ce dimanche dans un stade Bonal qui fait corps avec la jeunesse et l’enthousiasme de son équipe.

Ce n’est pas un phénix mais bien un lion qui renaît de ses cendres. Il est peu de dire que le FC Sochaux est un genre de miraculé. À la lutte pour la montée en Ligue 1 jusqu’au printemps, les Doubistes ont fini par craquer, sportivement d’abord. La suite fut bien pire. À la mi-juillet, à l’heure où les joueurs sont en phase de reprise, la DNCG confirme en appel la rétrogradation administrative en National 1. Le dépôt de bilan du club, qui a toujours connu le monde professionnel depuis 1932, est tout proche. La dégringolade en National 3 est pressentie. Il faut 12 M€ et le propriétaire chinois Nenking, lui-même en difficultés, ne veut pas remettre au pot. Un premier projet de reprise mené par Romain Peugeot, arrière-petit-fils du fondateur du FC Sochaux-Montbéliard, est rejeté par le tribunal administratif. C’est alors qu’un groupe de 40 acteurs économiques locaux emmené par le duo Jean-Claude Plessis-Pierre Wantiez et l’association Sociochaux (les 11 000 supporters-propriétaires ont permis une levée de fonds de 780 000 euros), et réuni sous la bannière "FCSM 2028", parvient à racheter le club le 10 août, veille de la 1ère journée de National 1. Six jours plus tard, le match est gagné.

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La DNCG donne son feu vert et le club repart en National 1 avec deux matchs de retard sur ses concurrents. Mais tout est à reconstruire, à commencer par l’effectif complètement décimé par cet été meurtrier. Oswald Tanchot est resté. Alors qu’il avait signé en Ligue 2, le voilà à l’étage inférieur avec un retard considérable. Les débuts sont évidemment difficiles mais le travail quotidien donne raison à un groupe très jeune, heureux d’être là. 5 mois plus tard, on peut presque parler de miracle puisque Sochaux est 5e, à deux points de la 2e place, possède la 2e attaque et s’apprête à disputer un 16e de finale de la Coupe de France face à Reims au stade Bonal (ce dimanche, 17h30), après avoir éliminé Lorient au tour précédent. Une nouvelle rencontre de gala et une belle récompense pour le coach sochalien et l’ensemble des composantes du club.

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Foot Mercato : après tout ce que vous avez vécu cet été, c’est peu de dire que cette période fait du bien ?

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Oswald Tanchot : le contexte autour de l’équipe est bien plus agréable et léger que cet été oui. On a su dans un contexte difficile trouver de l’énergie et de l’enthousiasme pour se lancer à fond dans ce championnat, mais avec beaucoup de craintes car nous n’avions pas de préparation. On a su compenser tous ces obstacles par encore plus de générosité et de cœur. On n’a pas trop calculé ce qu’on faisait puis on se retrouve à être encore qualifié en Coupe de France et on est remonté en National, c’est très sympa.

FM : les premiers mois avaient pourtant de quoi donner quelques sueurs froides…

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OT : c’était prévisible entre un recrutement en décalé, pas de préparation, pas de matchs amicaux. On a eu des joueurs qui arrivaient soit en étant au chômage, donc qui s’entraînaient seuls mais qui devaient jouer tout de suite, soit des joueurs qui étaient dans des lofts, et d’autres qui avaient des projets à l’étranger. Ça arrivait de tous les horizons avec des états de forme disparate. Sans avoir l’occasion de se préparer, il a fallu faire une équipe et se lancer dans le championnat. Et avec une attente forte quand même. On fait deux défaites pour démarrer mais avec des matchs plutôt intéressants pour une équipe qui a été faite comme ça, puis on a gagné le 3e match.

«Le premier match, on a joué devant 15 000 spectateurs. On a été acclamés alors qu’on a pris 3-0»

FM : quel a été votre discours pour mobiliser vos joueurs ?

OT : on s’est laissé porter par l’enthousiasme de voir la joie des gens qui ont vu leur club sauvé. C’est un paradoxe car c’est un club qui descendait de division via une rétrogradation administrative et non pas sportive. Le club a été tellement proche de disparaître que les gens étaient heureux. Le premier match, on a joué devant 15 000 spectateurs. On a été acclamés alors qu’on a pris 3-0 (rires). Je pense que cet enthousiasme a dépeint sur les joueurs. Moi, comme entraîneur, je suis allé à l’essentiel : donner des repères à l’équipe dans l’aspect collectif. Ça demande du temps mais on a réussi à faire des choses rapidement en définissant les 3-4 premières idées de jeu à mettre en place. On a hiérarchisé ça. Et puis, on a travaillé là où les autres équipes digèrent leur préparation. On a doublé les entraînements quasiment tout le temps. On faisait tout en décalé mais on n’avait pas le choix. On passait beaucoup de temps sur le terrain, le matin et l’après-midi. Il fallait tout faire en un minimum de temps, une somme de travail folle : les coups de pied arrêtés, le pressing, les sorties de balle, le jeu dans les couloirs, le jeu dans la profondeur, comment on défend, comment on récupère la balle, quelles règles dans le vestiaire, quel capitaine… tout ! Et en un rien de temps.

FM : où est-ce que vous êtes allé chercher ce temps qui vous manquait ?

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OT : on doublait tout le début de semaine. En plus, les semaines sont courtes en National parce qu’on joue le vendredi… On faisait 4 entraînements entre le lundi et le mardi puis après on passait à une séance quotidienne. Souvent, on travaillait les coups de pied arrêtés le matin du match. On essayait de rattraper. On s’est appuyé sur le travail vidéo aussi. Il y a eu beaucoup d’échanges individuels parce que dans le foot il faut connaître les hommes. Et puis comment on peut utiliser les joueurs, comment les associer pour trouver de la complémentarité sur le terrain. Autre élément indispensable, la condition physique. Il fallait travailler ça sans que les joueurs ne se blessent. Après on a beaucoup de jeunes, la charge de travail a su être digérée et assimilée.

FM : dans ce genre de situation, c’est un avantage d’avoir de jeunes joueurs au capital santé élevé ?

OT : ils digèrent mieux c’est sûr. Après l’expérience ne s’achète pas et elle a pu nous faire défaut par moment mais j’ai la chance d’avoir des jeunes qui sont à l’écoute, qui apprennent vite et qui ont du plaisir à jouer ensemble, à vivre et à passer du temps ensemble. Ils sont bien entourés par quelques plus anciens dans l’effectif comme Thomas Fontaine, Roli Pereira de Sa, Julien Dacosta et Kevin Hoggas. Et puis Dimitri Liénard, on pourra évaluer son apport sur la seconde partie de saison.

«Il y a eu 14 arrivées, la plupart des jeunes, et 26 départs»

FM : est-ce vous mesurer le chemin parcouru depuis le début de la saison ?

OT : je ne me suis pas posé la question. Si je me l’étais posé, je pense que je ne me serais pas lancé bille en tête. Déjà, c’est fou de démarrer après tout le monde. Je pense que c’est une première dans un championnat de voir une équipe commencer avec deux matchs de retard. Et puis il n’y avait pas d’équipe. Cet été, j’ai eu des départs tous les jours. Il y avait des joueurs qui étaient là puis d’un coup ils n’étaient plus là. On a complètement asséché, vidé l’effectif pour le reconstituer. Il y a eu 14 arrivées, la plupart des jeunes, et 26 départs. D’expérience, je sais que le championnat de National n’est pas fait pour les jeunes. Ce lundi (15 janvier, victoire 1-0 contre Nîmes, 17e journée de National), on a joué avec une équipe de 22 ans de moyenne d’âge. Trois joueurs avaient plus de 25 ans. Ce genre d’équipe ne fait pas long feu normalement en National, un championnat avec des joueurs matures, expérimentés. Notre défi, c’est de réussir à être performant avec une équipe jeune et sans préparation. C’est la singularité de notre saison, notre signature. On s’appuie beaucoup sur ça pour avancer.

FM : est-ce que les événements de cet été ont pu vous servir ?

OT : ça a solidarisé tout le monde au club. Quand tu affrontes autant d’éléments contraires, tu es obligé de mettre encore plus de solidarité dans ce que tu fais. La nature est bien faite à ce niveau-là. Tu peux soulever des montagnes. Au début, on ne marquait pas de but. On n’avait pas d’occasion, pas d’automatisme. Et puis on a trouvé des choses dans le jeu. On s’est mis à beaucoup marquer. Maintenant, on est la 2e attaque du championnat. L’envie de travailler ensemble nous a permis d’être efficaces.

FM : ce parcours en Coupe de France permet aussi de remettre le FC Sochaux sur le devant de la scène, et en bien…

OT : il y a un effet loupe avec la Coupe de France. Ça met la lumière sur un club qui le mérite, et sur des gens qui ont œuvré pour le sauver. Et puis, c’est un peu notre cadeau pour tous nos supporters qui ont mis de l’argent, aux gens qui viennent au stade. Ils étaient encore 8 000 lundi pour la réception de Nîmes, dans le froid de Franche-Comté, et entre deux confrontations contre des Ligue 1. C’est fou ! La coupe, c’est vraiment le petit plaisir pour tout le monde.

«Nous sommes les héritiers de ce palmarès-là »

FM : avez-vous peur d’un contrecoup en championnat en raison de la Coupe de France ?

OT : on a construit notre saison et notre identité de groupe sur le fait de ne pas calculer. Au début, on se posait même la question de jouer la Coupe de France. On est tellement content d’être là. Des matchs comme ça, c’est que du plaisir, il n’y a pas de calcul à avoir. Ce n’est pas parce qu’on lève le pied sur un match de coupe qu’on sera meilleur au match d’après, ou l’inverse. Quand on est jeune, en pleine santé et qu’on aime le foot, il ne faut pas choisir, prendre tout ce qui se présente. C’est le message qu’on passe et que les joueurs réceptionnent.

FM : être la figure de ce projet n’est pas quelque chose de trop lourd à porter ?

OT : on est à la tête du sportif avec Julien Cordonnier (le directeur sportif, ndlr). On est un peu le repaire pour les jeunes, pour les supporters. Avoir beaucoup d’affection de ces gens-là, ça donne encore plus de force pour le rendre sur le terrain. La dernière fois contre Lorient, il y a eu un vrai plaisir à venir voir le match. Il y a eu des gens qui ont retrouvé de la fierté. Ce club a une histoire très riche, qui a gagné la Coupe de France, la Coupe de la Ligue, la Gambardella. Nous sommes les héritiers de ce palmarès-là. On ne calcule pas. La montée, on n’en parle pas, le président en parle, les gens aussi mais on ne peut pas les empêcher. En-tout-cas, ce n’est pas comme ça qu’on construit nos semaines. Je me répète mais ce sont des jeunes. Ils ne se posent même pas de question. Ils jouent les matchs. Là, c’est un match de Coupe de France où on va faire le maximum. La marche est très haute, face à une grosse équipe, qui a vraiment beaucoup de qualités et des caractéristiques qui ne sont pas celles du National. Il y a de la vitesse, de la performance partout. On va essayer de rivaliser avec nos moyens puis le jour où la coupe s’arrêtera, il restera le championnat. Nous, notre objectif, c’est de faire plaisir et de se faire plaisir.

FM : à titre personnel, vous étiez venu pour entraîneur en Ligue 2… (il coupe)

(rires) oui tout a fait, avec pour objectif de construite sur deux à trois ans quelque chose pour monter en Ligue 1. Bon, on n’est plus sur le même format, les mêmes objectifs et les mêmes moyens surtout.

«Ce n’était pas un projet pour moi»

FM : vous n’éprouvez pas de regrets de vous être lancé dans un tel projet ?

OT : je ne peux pas dire que je n’ai pas de regret. Pour être honnête, des projets de National, j’en ai refusé beaucoup. Ce n’était pas un projet pour moi. Je n’avais pas comme optique de replonger en National, un championnat que j’avais déjà connu. Mais de fil en aiguille et sans y réfléchir, on s’y retrouve. Et on s’y retrouve à Sochaux avec un groupe qui me donne beaucoup de satisfaction, qui sent le football. Il y a plein d’endroits, des clubs pros, moins bien que Sochaux pour faire son métier. Maintenant, c’est vrai qu’en tant qu’entraîneur et quand on a envie d’exercer au plus haut niveau… Retomber en National alors qu’on a signé en Ligue 2, ce n’est pas simple. Mais j’ai fait comme les joueurs en réalité. On s’est retroussé les manches pour donner le meilleur de nous-mêmes. Et puis Bonal un soir de match, ça ne ressemble en rien au National.

FM : participer à la renaissance du club, est-ce pour vous une manière de passer cette frustration ?

OT : ça restera une fierté d’avoir été là sur une année de reconstruction. Je ne sais pas combien de temps je ferais partie de ce projet-là. Mais avoir été là l’année 1, si je peux aider à ma façon, remettre des bases et voir repartir le club, ça sera déjà un plaisir et une fierté d’avoir entraîné ici. C’est un club mythique.

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