Jonathan Biabiany : «le plus impressionnant, c'était Adriano, il avait une frappe, laisse tomber !»

Par Alexis Pereira
10 min.
Jonathan Biabiany sous le maillot de l'Inter @Maxppp

C'est en Espagne, en troisième division, que Foot Mercato a retrouvé la trace de Jonathan Biabiany (33 ans). L'attaquant nous raconte son aventure à San Fernando, ses ambitions pour la suite de sa carrière et son mercato alors que son contrat expire en juin 2022. Ce fan du Paris SG, vainqueur du Mondial des Clubs et de la Supercoupe d'Italie en 2010, est également revenu sur son passage marquant en Italie, ses souvenirs à l'Inter, où il avait signé à tout juste 16 ans, mais aussi son rendez-vous manqué avec l'équipe de France. Entretien.

Foot Mercato : Jonathan, on vous retrouve à San Fernando, en Tercera Division en Espagne, où vous jouez depuis l'automne 2020. Expliquez-nous ce choix de carrière ?

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Jonathan Biabiany : j’étais libre après mon départ de Trapani. Comme il y avait le problème du Covid, je n’ai pas vu ma famille pendant trois, quatre mois. Moi, je vis en Espagne. Ma priorité, c’était de rester proche de ma famille. Pour éviter d’être loin, je me suis dit que j’allais jouer en Espagne. Je connais bien le président de San Fernando, depuis de nombreuses années. Il m’a parlé de cette possibilité, d’un projet qu’ils ont de monter en 2e voire en 1ère division dans quelques années. J’ai accepté le projet et j’ai choisi de rester pour jouer près de chez moi.

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FM : et comment cette nouvelle aventure se passe-t-elle ?

JB : ça se passe bien ! On a raté la montée la saison passée lors des play-offs. Cette saison, on n’a pas bien commencé, mais on a enchaîné une bonne série qui nous a rapproché des play-offs. L’objectif, c’est de faire progresser le club, de monter.

FM : en 2021, vous avez été le joueur le plus utilisé. À 33 ans, quel est le secret de votre longévité ?

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JB : je dirais se tenir prêt, rester en forme, ne pas se blesser et être constant dans les prestations. Je fais beaucoup attention à l’alimentation. Je travaille aussi en salle avant et après les entraînements. Ça paie sur le terrain, ça paie physiquement.

FM : quel est le niveau de la Tercera, où vous affrontez principalement des réserves de clubs de Liga ?

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JB : j'ai été surpris du niveau, je pensais que ce serait plus bas, que ce serait tranquille. Le niveau de la troisième division ici est plus élevé qu’en Italie. Il y a beaucoup de réserves de clubs de Liga. Il y a beaucoup de qualité, des jeunes prometteurs, des pros qui redescendent. Ça élève le niveau. C’est un bon championnat, ça joue beaucoup au ballon, c’est rapide, franchement, je ne m’attendais pas à un niveau aussi élevé. Ça me plaît !

FM : sans vouloir être indiscret, le niveau de salaire doit être bien différent de ce que vous avez connu

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JB : c’est sûr que ce ne sont pas des salaires de première division, mais c’est un choix que j’ai fait avec ma famille. Et puis, j’ai quand même un salaire qui me permet de vivre bien. Je remercie Dieu. Je regarde toujours ce que j’ai plutôt que ce que je n’ai pas.

FM : vous êtes en fin de contrat en fin de saison. Comment voyez-vous la suite ?

JB : mon contrat se termine en juin. On est en période de renégociation, on verra ce qu’on va faire. J’ai déjà été contacté par plusieurs équipes, en Espagne, à l’étranger, un peu partout. On prend les choses en considération. On doit parler ensuite avec le président et on verra ce qui va se passer. Moi, j’ai envie de continuer à jouer, c’est sûr et certain.

FM : y a-t-il une chance de vous voir rentrer en France pour boucler la boucle, vous qui avez démarré au Blanc-Mesnil ?

JB : moi, franchement, je vis ici, en Espagne, donc je préfère finir ici. Je suis bien ici en Espagne, j’aime la vie ici. Je parlais déjà espagnol, depuis l’Inter. Mais la France, ça m’a toujours attiré, je viens de là-bas, mes parents sont là-bas, ma famille est là-bas. Je n’ai jamais fermé la porte à un retour en France. J’ai eu des offres pour pouvoir revenir par le passé, mais ça ne s’est jamais concrétisé. Ça ne s’était pas fait, je ne préfère pas dire les noms des clubs. Je suis bien ici, on verra. En tout cas, je ne ferme pas la porte à la France.

Un avenir à définir

FM : avez-vous déjà reçu des offres ?

JB : oui, j'ai des contacts en Espagne, en Italie, les pays où je suis le plus connu on va dire, et d'autres dans des pays exotiques.

FM : avec le recul, quel regard portez-vous sur votre carrière ?

JB : je suis satisfait de ma carrière, même si les dernières années ne se sont pas trop bien passées en raison du Covid et mes choix de clubs. Et puis, ce n’est pas fini, je peux encore faire de belles choses.

FM : pouvez-vous nous rappeler comment vous passez, à tout juste 16 ans, du Blanc-Mesnil à l'Inter ?

JB : on faisait un match avec mon équipe. Un observateur de l’Inter était là pour superviser des joueurs d’une autre équipe. Comme il était en avance, il a vu mon équipe et il a décidé de me recruter moi et de laisser de côté ceux qu’il était initialement venu voir jouer !

FM : une fois arrivé à l'Inter, le plus dur commence...

JB : quand tu arrives dans un grand club comme ça, il faut apprendre un maximum et travailler le plus possible. Je me suis concentré sur le travail. J’ai réussi à sortir de l’Inter. C’était un peu plus facile de démarrer ta carrière quand tu as la carte Inter.

FM : vous avez côtoyé des joueurs et des attaquants incroyables durant votre carrière, de Mario Balotelli à Hernan Crespo en passant par Samuel Eto'o, Diego Milito, Giampaolo Pazzini, Antonio Cassano, Amauri et tant d'autres. Quels souvenirs en gardez-vous ?

JB : j’ai aussi eu la chance de pouvoir m’entraîner avec Adriano, Zlatan Ibrahimovic. Je m’entraînais souvent avec eux quand j'étais jeune, puis je jouais avec la Primavera. J’ai débuté en Coupe d’Italie en jouant avec Luis Figo, Alvaro Recoba, Adriano… C’est incroyable. Au début, oui, on se dit qu’on a de la chance d’être avec de grands joueurs. Après, j’ai voulu montrer mes qualités et faire voir que j’avais envie de réussir.

FM : l'un d'eux vous a-t-il particulièrement impressionné ?

JB : ils m’ont tous marqué. Après, le plus impressionnant, il n’a pas fait la carrière qu’il aurait dû faire, car il a eu des problèmes ensuite, c’est Adriano. Il avait une force de la nature phénoménale, techniquement, il était trop fort. «Il avait une frappe, laisse tomber !» C’était un joueur vraiment complet, rapide, puissant. Après la mort de son père, il a eu des problèmes. Mais c’est l’attaquant le plus complet que j’ai vu dans ma carrière.

FM : à l'Inter, vous avez aussi beaucoup joué avec Mauro Icardi. Quel regard portez-vous sur ses difficultés actuelles au Paris SG ?

JB : j’ai joué avec Mauro, je peux vous dire que c’est l'un des meilleurs attaquants de surface, avec sa manière de se déplacer et son efficacité dans la zone de vérité. C’est vrai qu’il a des lacunes hors de la surface. Ce n'est pas lui qui va faire du jeu, se retourner et dribbler trois défenseurs. Il fait ce qu’il sait faire. Le PSG l’a acheté et connaissait son jeu. Après, il a des problèmes hors foot qui compliquent tout. Et puis, il joue au PSG avec Mbappé, Messi et Neymar devant lui, c’est normal qu’il soit derrière eux. C’est à lui d’être prêt quand on fait appel à lui. Il ne serait pas le seul à être sur le banc avec ces concurrents-là.

Adriano, Icardi, Mbappé et les Bleus...

FM : Kylian Mbappé, justement, qu'en pensez-vous ?

JB : j’ai toujours aimé les joueurs rapides, forts techniquement. Kylian Mbappé a surpris tout le monde, il est arrivé très jeune et il confirme ce qu’il est. Il va se battre pour le Ballon d’Or régulièrement maintenant, on va beaucoup entendre parler de lui dans les prochaines années.

FM : vous comptez quelques sélections avec l'équipe de France Espoirs. Que vous a-t-il manqué pour goûter aux A ?

JB : j'ai été appelé en Espoirs, oui, j’ai même marqué, mais je ne me souviens plus contre qui ! À l’époque, j'étais avec Mamadou Sakho, David N’Gog, Emmanuel Rivière, Maxime Gonalons... Pour les A, je ne sais pas. Je me suis toujours posé la question. Quand j’avais 21-22 ans, j’étais titulaire à l’Inter. Mais les Bleus ne m’ont jamais appelé. Après, il y a 1000 joueurs qui sont forts en France ! Ce n'est pas comme dans d'autres sélections. Il y a vraiment de la concurrence, les entraîneurs qui préfèrent certains joueurs à d’autres. C’est comme ça.

FM : en parlant de choix d'entraîneurs, en 2010/11, alors que vous êtes titulaire, l'Inter change de coach. Leonardo, aujourd'hui directeur sportif au Paris SG, succède à Rafael Benitez. Vous disparaissez des écrans. Lui en voulez-vous ?

JB : je n’ai pas de mauvais souvenirs de lui. Il est arrivé, il a parlé avec les vétérans de l'équipe, il a fait ses choix. Quand Benitez est parti, les joueurs de Benitez ont été mis de côté. J'étais dedans. Leonardo a fait ses choix. Chaque entraîneur a ses préférences, son style de jeu. Moi, je jouais sur le côté, il ne voyait pas de place pour moi dans son système, avec un numéro et deux attaquants axiaux. Il m’a dit : "si tu restes, c’est sur le banc". Alors je suis parti en prêt à la Sampdoria. J'ai toujours privilégié le temps de jeu.

FM : pourquoi la Serie A est-elle si compliquée pour les attaquants ?

JB : j’adore l’Italie, c'est là où j'ai grandi, où j'ai été formé. Pour moi, c'est le meilleur championnat défensivement du monde. Tous les attaquants ont du mal. Cristiano Ronaldo arrivait et marquait 40-50 buts en Espagne. Sa première saison ici, c’est 20 buts seulement. C’est très difficile ici. Même le dernier au classement, ici, pour marquer contre lui, tu dois suer. En Italie, c’est plus dur physiquement, il y a également beaucoup de travail tactique, surtout défensivement. Il n'y a pas trop ce travail défensif en Espagne en comparaison.

FM : vous êtes passé par le Sparta Prague en 2017/18. Comment s'est passée cette saison en République Tchèque ?

JB : j'ai suivi là-bas un entraîneur italien que je connaissais, qui a recruté 13 joueurs étrangers. Cela n’a pas beaucoup plu aux supporters du Sparta. Quand le coach a été viré, les joueurs étrangers ont été mis de côté. Il y a eu des pressions pour nous faire partir du club, pour que l'on laisse les sous. Ç'a été une bataille pour récupérer les sous. Ç'a été une bonne expérience au niveau de la ville, on a bien aimé avec ma famille. Niveau football, ça n’a pas donné ce qu’on voulait, mais, grâce à Dieu, ça n’a duré qu’un an et on est revenu en Italie.

FM : en 2014, vous aviez été arrêté pour un problème cardiaque. L'Italie est très stricte avec ce sujet, comme on l'a vu pour Christian Eriksen. Comment aviez-vous vécu cet épisode délicat ?

JB : on m'avait détecté un petit problème lors d'un contrôle. Je devais m’arrêter trois-quatre mois et repartir. Finalement, le club de Parme, où je jouais à l'époque, a disparu et je suis resté un an sans jouer. J’ai pu retourner à l’Inter heureusement. L’Italie, ils sont vraiment stricts sur ce sujet-là. Chaque pays a ses règles. J'ai vu qu'Eriksen pouvait jouer au Danemark ou aux Pays-Bas. C’est sûr qu’au début, tu as peur, tu te rassures et, quand tu reviens, tu as une petite appréhension mais tu passes vite à autre chose.

FM : pensez-vous déjà à l'après-carrière ?

JB : pour le moment, je joue et je regarde ce que je pourrai faire dans le futur. Pour l'instant, je pense plus à des trucs hors football.

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