Droits TV, Ligue 1 : la Ligue de Football Professionnel à la croisée des chemins tortueux !

Par Josué Cassé
7 min.
Le micro de Canal + @Maxppp

À l’automne prochain, la Ligue de Football Professionnel présentera un nouvel appel d’offres pour les droits de diffusion du championnat de France sur la période 2024-2028. Avant cela, l’instance présidée par Vincent Labrune multiplie les pistes pour atteindre ses objectifs XXL annoncés en septembre dernier. Une tâche ardue à l’heure où la Ligue 1 voit son attractivité fragilisée…

«La Ligue 1 est une marque qu’il faudra dépoussiérer et rebaptiser. L’objectif est d’injecter des liquidités, mais surtout de nous maintenir dans la compétitivité. L’idée est de nous professionnaliser en tant qu’entreprise à tous les niveaux, grâce au soutien d’un partenaire référent qui, au-delà de l’apport de liquidités, doit nous permettre de passer un cap et d’accélérer la croissance de nos revenus en mettant en place des méthodes nouvelles qui doivent mieux valoriser nos atouts dans le futur… Par ailleurs, c’est en boostant sensiblement nos revenus internationaux que nous serons en capacité d’attirer plus de talents et de conserver les nôtres plus longtemps chez nous». Voici ce que déclarait Vincent Labrune, patron de la Ligue de Football Professionnel, à l’occasion du festival "Demain le sport" organisé, en septembre dernier, à la Maison de la Radio.

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Les droits TV, entre rêves et réalité !

Ambitieux et prêt à tout pour placer - d’ici cinq ans - le football français sur le podium européen, aussi bien en termes de résultats sportifs que de revenus, l’ancien président de l’Olympique de Marseille fait cependant face à un chantier colossal à quelques semaines d’un nouvel appel d’offres pour les droits de diffusion du championnat de France sur la période 2024-2028. Après le fiasco de Mediapro, fin 2020, Amazon, Canal+ et Free se sont, en effet, approprié les droits du championnat de France jusqu’en 2024. Trois diffuseurs permettant à la LFP de récupérer 663 millions d’euros par saison (contre 1,153 milliard d’euros par an avec le contrat de 2018, ndlr). Un montant, par ailleurs, très éloigné des ambitions annoncées par le dirigeant français de 52 ans, chargé de sortir la Ligue 1 du marasme économique dans lequel s’enlisent les clubs de football depuis plusieurs mois.

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Intronisé à la tête de la LFP le 10 septembre 2020, Vincent Labrune revêt, aujourd’hui, le costume de bâtisseur, mais les tumultes passés résonnent encore avec force. De la crise sanitaire aux déboires incarnés par le magnat trotskiste Jaume Roures, l’ex-boss des Phocéens voit ainsi ses plus beaux rêves confrontés à une réalité bien plus contrastée. À l’aube de remettre en jeu les droits TV de la Ligue 1, le milliard d’euros souhaité par saison pour les droits nationaux et internationaux - 1,8 milliard d’euros espéré en 2028 - apparaît alors comme une vieille chimère, et ce malgré l’accord trouvé avec CVC, fonds d’investissement qui détient désormais 13% des parts de la filiale commerciale de l’instance contre 1,5 milliard d’euros. Sur cette somme, le PSG devrait d’ailleurs toucher la plus grosse part, 200 millions d’euros, alors que l’OL, l’OM, l’OGC Nice, Lille, le Stade Rennais ou encore l’AS Monaco pourraient se voir verser au moins 80 millions.

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Canal + prêt à jeter l’éponge ?

Bien décidé à faire taire ses détracteurs et rallier, à sa cause, les incrédules, Vincent Labrune continue malgré tout d’explorer de nombreuses pistes pour les droits TV du football français. Avec une seule et même ambition : gonfler les montants alloués. Confronté à une perte d’attractivité certaine, expliquée notamment par la cinquième place de la France à l’indice UEFA liée au parcours raté des clubs français en Coupes d’Europe cette saison, mais également les possibles départs des stars du PSG comme Lionel Messi, Neymar voire Kylian Mbappé, le nouvel homme fort de la Ligue aimerait ainsi tenter sa chance avec de nouveaux acteurs. Entouré de Benjamin Morel, directeur général à la tête de la société commerciale après avoir géré le business du Tournoi des Six Nations, et Martin Aurenche, chargé de la revente des droits de la L1 à l’étranger, le successeur de Nathalie Boy de la Tour s’active avant une échéance primordiale pour le football français. Qui plus est au regard du tableau actuel.

Partenaire historique du championnat de France, Canal + - qui dépense actuellement 332 M€ pour deux matches par journée de L1 - confirme progressivement son indépendance vis-à-vis de l’instance. Avec la diffusion en exclusivité de la Premier League jusqu’en 2025, les droits obtenus sur la F1 et la moto jusqu’en 2029, l’acquisition de toutes les Coupes d’Europe, dont la nouvelle formule de la Ligue des champions à partir de 2024, ou encore de nombreux accords trouvés avec le cinéma français et les studios américains, la chaîne cryptée conserve un contenu attractif pour ses abonnés. Au point de se retirer définitivement de la course à la Ligue 1 ? Le risque est bien réel, notamment après les nombreuses procédures judiciaires opposant la LFP et Maxime Saada, patron de C+. «Canal + a longtemps espéré obtenir une forme de compensation… qui n’est jamais venue. Si on ne peut affirmer totalement que la chaîne cryptée ne sera pas de la partie à l’automne prochain, on peut néanmoins dire que sa présence sonnerait pour la première fois comme une véritable petite surprise», précise, à ce titre, Sacha Nokovitch au sein du quotidien L’Équipe.

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Une situation concurrentielle préoccupante !

Média fort de l’élite du football français, Amazon - qui a déboursé 250 M€ pour huit matches par journée, dont le top 10 de la saison - devrait, de son côté, bien répondre à l’appel d’offres pour la période 2024-2028, mais pas à n’importe quel prix. Si le géant américain pourrait même formuler une offre globale pour les droits nationaux et internationaux, la LFP n’atteindra, très certainement, pas le milliard escompté. Une tendance valable pour tous les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Dans cette optique, Apple - davantage intéressé par la Premier League - ne semble pas disposer d’un modèle attractif, tout du moins pour le consommateur, obligé d’empiler les abonnements afin de suivre ses compétitions préférées. Dernièrement, la société créée par Steve Jobs, Steve Wozniak et Ronald Wayne a d’ailleurs lancé son pass sur la MLS (le Championnat nord-américain, ndlr) pour un montant de 13,99 € par mois en France… De quoi refroidir les plus passionnés. Enfin, si la plateforme suédoise ViaPlay apparaît également comme un possible candidat à l’automne prochain, la LFP se doit d’intégrer les acteurs traditionnels pour espérer faire monter les prix. Malheureusement pour la Ligue, là aussi, le bât blesse.

Acteurs majeurs au cours des années 2010, les opérateurs télécoms quittent, en effet, progressivement «l’industrie des contenus pour concentrer leurs investissements sur le développement de la fibre et de la 5G». Ainsi, si Free, diffuseur de 100 % du championnat de France de football en quasi-direct, semble prêt à poursuivre l’aventure, tout en revoyant le tarif à la baisse (42 M€ par saison actuellement), SFR (Altice), beIN Sports, rentable depuis son accord de distribution trouvé avec Canal +, et Eurosport (Discovery) ne devraient, quant à eux, occuper qu’une place mineure lors du prochain appel d’offres. Une situation concurrentielle d’autant plus préoccupante pour la LFP et Vincent Labrune qui visaient les 860 M€ par saison pour les droits domestiques 2024-2028, soit une augmentation de 30% par rapport au montant actuel. Si le flou semble donc être à son paroxysme à quelques semaines d’appel d’offres déterminant, la situation autour de la nouvelle société commerciale, chargée d’atteindre de tels objectifs, demeure également nébuleuse.

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Approuvé par la LFP en décembre dernier, le nom LFP Media pour la société commerciale n’a ainsi toujours pas été officialisé. Et que dire des ambitions souhaitées pour les droits internationaux… Alors que le contrat actuel ne rapporte que 80 M€ par an à la Ligue - à titre de comparaison la Liga touche dix fois plus et la Premier League encaisse 1,6 milliard d’euros par an - le duo LFP/CVC envisagerait, à ce titre, de récupérer 500 M€ en 2030, soit une hausse de 525 % d’ici 7 ans ! Si l’objectif est louable, la forme, elle, questionne. Pour atteindre ces sommes folles, l’instance a en effet décidé de nommer Martin Aurenche. Ancien responsable des acquisitions de droits pour beIN Media Group, ce dernier avait notamment suscité de nombreuses critiques des présidents français pour cette même gestion des droits à l’étranger… À la croisée des chemins, la LFP va donc devoir trouver la meilleure formule et ainsi préserver la compétitivité de la Ligue 1. Pour Vincent Labrune, le défi est immense.

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