Serie B

L’Italie réagit à la polémique des saluts fascistes sur le but de Romano Floriani Mussolini

Saluts fascistes ou hallucination collective ? Le but de Romano Floriani Mussolini, arrière petit-fils du dictateur italien Benito Mussolini, a fait couler beaucoup d’encre dans la presse italienne et internationale après qu’une vidéo montrant des supporters célébrer le but de son joueur en faisant des supposés saluts romains a circulé sur la toile.

Par Valentin Feuillette
8 min.
Romano Floriani Mussolini @Maxppp

La signature de Romano Floriani Mussolini avait déjà été largement médiatisée l’été dernier, lors du dernier mercato estival, quand la Lazio Rome avait annoncé son départ en prêt à la Juve Stabia : «La SS Lazio annonce avoir transféré temporairement avec droit de rachat et contre rachat le droit aux performances sportives du footballeur Romano Floriani Mussolini à la SS Juve Stabia», était écrit dans le communiqué publié le 5 juillet dernier. Toujours sous contrat avec les Biancocelesti où il a été formé, le natif de Rome souhaitait donc poursuivre son développement à la Juve Stabia, après un prêt réussi la saison dernière sous le maillot de Pescara. En Serie B, le latéral droit a réalisé une bonne première partie de campagne. Le weekend dernier, il a fait les gros titres lorsqu’il a fêté son premier but chez les professionnels, lors de la 18ème journée de championnat contre Cesena, sur la pelouse du Stade Romeo-Menti. Mais ce qui aurait pu être un jour magnifique pour le jeune joueur s’est transformé en scandale national après qu’une vidéo montrant des supporters de la Juve Stabia célébrer le but en faisant des supposés saluts romains a circulé sur la toile.

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Depuis le 18 janvier 2024, le salut romain constitue désormais un délit d’apologie du fascisme, comme l’a statué la Cour suprême de cassation italienne. La Juve Stabia s’est défendue : «La S.S. Juve Stabia 1907 a pris acte de la volonté délibérée d’une partie de la presse nationale de voir, dans une simple exultation du public stabiese qui a suivi le but d’un garçon exemplaire et d’un footballeur qui défend les couleurs du club au mieux sur le terrain de football - le sport le plus suivi du pays et au-delà, des attaques sur la place publique et sur le joueur lui-même. Le club précise que sa position est d’une tranquillité absolue parce que cela fait 117 ans que Castellammare di Stabia exulte pour un but de l’équipe de sa ville. Le stade dispose d’un speaker et d’un système audio qui, suite à un but de la Juve Stabia, annonce le nom du joueur qui a marqué et le public crie ce nom avec emphase et en levant les bras vers le ciel en signe de célébration sportive pour leur équipe favorite et qui représente leur ville. Le but marqué par Romano Floriani Mussolini contre Cesena était le dixième du championnat à domicile, le neuvième à Menti, et comme toujours, le processus après le but était le même», a précisé le club de la Juve Stabia.

Des réactions diverses en Italie

Au lendemain de cette victoire de la Juve Stabia contre Cesena (1-0), les journaux italiens nationaux mais aussi français et plus largement internationaux se sont emparés de cette affaire après que de nombreux tweets ont explosé sur le réseau social X. Les réactions ont donc été multiples bien que différentes : «les réactions ont été diverses : ceux qui sont indignés, ceux qui ne la voient qu’en termes sportifs commencent à apprécier le profil du joueur. Il est clair que c’est un sujet qui fait parler, mais en Italie on donne souvent de l’espace à des arguments qui ne mènent à rien concrètement», nous a précisé Giacomo Morandin, journaliste italien. D’ailleurs, la Fédération italienne de football (FIGC) a lancé lundi une procédure sur le comportement de supporters du club de 2e division de la Juve Stabia qui ont célébré dimanche avec des saluts fascistes. «Les employés du parquet fédéral (de la FIGC) enverront un rapport sur l’incident, accompagné de documents vidéo, au juge sportif de la Ligue Serie B pour qu’il se prononcé», a indiqué la FIGC à l’AFP. Depuis le début de sa carrière, Romano Floriani Mussolini est sans cesse relié à son patronyme.

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Porter le nom de son arrière grand-père, dictateur italien et figure du fascisme, n’a rien de simple et il avait déjà fait couler beaucoup d’encre, lorsqu’il se trouvait dans le centre de formation de la Lazio. Un début de carrière loin d’être simple, de surcroît depuis qu’il a décidé de l’afficher sur son maillot, passant de "Floriani M." à "F.Mussolini" : «Malheureusement, on a tendance à parler de lui uniquement par son nom. Je dis malheureusement parce que dans ces cas-là on a tendance à généraliser : il est clair que ses descendants font discuter, mais nous parlons d’un garçon de 21 ans qui essaie de se faire une place dans le monde du football. Nous sommes en 2024, le monde a changé et heureusement la Juve Stabia lui donne une chance importante parce qu’elle croit au garçon, quel que soit son nom», explique Giacomo Morandin. Surtout que la mère de Romano n’est autre qu’Alessandra Mussolini, député et sénatrice italienne proche de Silvio Berlusconi et de l’extrême droite italienne. Son père, Mauro Floriani, a fait l’objet d’une enquête pour prostitution de mineures à Rome en 2014.

Les liens entre la politique et le sport ont toujours été présents, de surcroît en Italie où le football est un moteur social, faisant partie à part entière de la société italienne. On ne compte plus les présidents et propriétaires italiens qui sont également des hommes politiques : «La politique influence le football dans n’importe quel pays, il est inutile de nier cette chose comme il est inutile de nier les terribles événements historiques qui se sont produits dans le passé. Les liens entre la politique et le football existeront toujours : celui de Mussolini est revenu à la mode pour Romano. Je suis d’avis que si nous devions regarder tous les problèmes qui se posent en politique avec le football (mais avec le sport en général), on ne vivrait plus», a précisé Giacomo Morandin. Mais si la scène sur le but de Romano Floriani Mussolini contre Cesena a fait couler beaucoup d’encre, il n’y a pas eu de l’indignation en Italie, certains ont pris la défense du joueur, du club et de ses supporters.

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Beaucoup de bruit pour rien ?

Et à Castellammare di Stabia, ville où est basé le club de la Juve Stabia, cette médiatisation est jugée comme excessive et seulement expliquée par le patronyme du jeune buteur : «La réaction sur le but de Romano a suscité un intérêt inattendu des médias nationaux. On a parlé de "bras levés", en les reliant au salut romain, comme apologie du fascisme. Cela a provoqué une polémique sans fondement. Sur les réseaux sociaux, certains supporters locaux ont déjà pris leurs distances : l’exultation du public n’a rien à voir avec le fascisme et il salue, comme toujours, l’auteur du but qui, dans ce cas, porte le nom d’un personnage historique controversé. J’étais moi-même présent au stade et je peux dire que je n’ai rien vu de différent de ce qui se passe quand le speaker annonce l’auteur d’un but», nous explique Davide Soccavo, journaliste qui couvre la Juve Stabia pour le média Stabia Channel depuis plus de dix ans. Difficile de parler de saluts fascistes quand dans tous les stades du monde, les supporters célèbrent un but en criant le nom du joueur en chœur et en levant les bras, telle est la version de la Juve Stabia et ses supporters. Pour mieux comprendre les réactions enragées des habitants de cette petite ville de Campanie près de Naples, il faut regarder l’histoire de cette cité non loin de Pompei.

En effet, la ville de Castellammare di Stabia, réputée pour ses vestiges romains et ses aspects cosmopolites, a une histoire très prolétaire et industrielle qui a subi les ravages de la politique fasciste des années 40, avant de devenir l’un des bastions du communisme et du socialisme italiens. : «Le joueur ne doit pas être jugé pour le nom "incommode" qu’il porte, comme il l’a lui-même demandé et répété à la presse. Je ne peux pas vous dire quel traitement il a en Italie, mais je peux vous dire qu’à Castellammare, surtout après ses premiers buts, il a gagné l’affection des fans et donne un grand coup de main à l’équipe qui est aux premières places du classement du championnat de deuxième division. Le nom qu’il porte devant est plus important que celui derrière», a conclu le journaliste italien. D’ailleurs, les groupes ultras de la Juve Stabia sont résolument de gauche, voire d’extrême gauche. Les groupes de tifosi arborent souvent des drapeaux soviétiques et à l’effigie de Che Guevara dans le stade. Ils entretiennent également des amitiés avec des groupes d’ultras de gauche du Paris Saint-Germain et du Napoli.

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Le président Andrea Langella, surpris par la médiatisation du but qui a permis à son équipe de grimper à la 4ème place du classement, a déclaré dans la suite du communiqué officiel de la Juve Stabia : «Nos valeurs sont toujours les mêmes, ils se basent sur l’équité et le respect du prochain, une saine compétition liée au sport et ils ne changent pas en fonction du nom de nos membres qui sont des garçons exemplaires. Nous avons des fans qui nous rendent fiers parce qu’ils sont parmi les plus corrects du monde du football, étant toujours très proches de nous. Nous n’acceptons pas l’instrumentalisation d’un garçon d’or comme Romano Floriani Mussolini et la même chose vaut pour nos fans qui ont exulté comme ils ont toujours fait dans le passé avec tout autre joueur. L’équipe est déjà prête et concentrée sur le prochain défi en poursuivant notre objectif». A voir ce que dira l’enquête de la FIGC.

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