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L’UEC, une alternative proposée à l’ECA de Nasser al-Khelaïfi !

Association créée dans le but de défendre les intérêts des petits clubs du Vieux Continent, l’Union of European Clubs propose aujourd’hui une alternative à l’ECA, la European Club Association présidée par Nasser al-Khelaïfi. Dans la foulée des débats sur le nouveau format de la Ligue des Champions et de la répartition de ses revenus - et ce sans parler de la Super League - ce projet naissant vise à plus d’équité, de justice et d’équilibre à l’heure où une élite se dégage. L’un des instigateurs de ce mouvement inédit, William Martucci s’est longuement confié pour Foot Mercato. Présentation des constats, des ambitions mais également des enjeux soulevés par cette initiative.

Par Josué Cassé
10 min.
Nasser Al-Khelaïfi, le patron de QSI. @Maxppp

Bruxelles. Dans un hôtel à deux pas du Parlement européen, les fondateurs de l’Union of European Clubs, ou UEC, organisaient, le 24 avril dernier, une journée exceptionnelle. Celle d’une association prête à renverser la table. Plus justement, un projet visant à défendre l’intérêt des «petits clubs» et ainsi rééquilibrer la balance dans le dialogue social du football européen. Jusqu’alors peu médiatisés, les objectifs de l’UEC demeurent pourtant louables. À l’heure où une élite, défendue par l’ECA (European Club Association) de Nasser al-Khelaïfi, sort clairement du lot, la réaction est légitime. Quelques mois seulement après les débats sur le nouveau format de la Ligue des Champions et de la Super League, le défi est immense.

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Un système plus équitable et plus ouvert !

«Le projet est né il y a un peu plus de deux ans grâce à la rencontre de plusieurs personnes dans le cadre d’un forum organisé par European League. C’est une organisation qui a toujours représenté l’intérêt des petits et moyens clubs dans tous les débats concernant l’avenir du football européen. Il y a deux, trois ans, on était dans un contexte de débats sur le nouveau format de la Ligue des Champions qui allait arriver mais aussi les rumeurs de la Super League et des pressions faites par les gros clubs. L’idée était de contrer cette direction donnée et de se poser la question suivante. Qu’est ce qui existe aujourd’hui pour lutter contre ces forces où tout va dans le même sens ?», nous confiait, à ce titre, William Martucci, l’un des instigateurs du projet.

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Passé par TEAM Marketing, antenne chargée de gérer la commercialisation des trois compétitions de clubs de l’UEFA (Ligue des Champions, Ligue Europa, Ligue Europa Conférence), celui qui se bat désormais pour un modèle plus ouvert a ainsi travaillé pendant près de cinq ans au cœur de l’écosystème du football européen. Devant faire face à de multiples défis - lancement d’une troisième compétition de clubs, crise du covid, réforme du format de la Ligue des champions et tentative de création d’une Super League - au cours de cette expérience, Martucci est, aujourd’hui, convaincu de la nécessité de mieux réguler le sport afin de le protéger de certaines dérives. C’est d’ailleurs dans ce cadre que s’inscrit l’Union of European Clubs, association initiée par quatre figures publiques.

Un modèle démocratique face à l’élite existante !

Avocate exerçant par le passé dans le monde du tennis mais également du football et très intéressée par les questions liées à la Super League, Katarina Pijetlovic travaille, à ce titre, d’arrache-pied pour un modèle alternatif. À ses côtés, nous retrouvons par ailleurs Gareth Farrelly, avocat et ancien international irlandais, ou encore Dennis Gudasic, directeur exécutif du NK Lokomotiva Zagreb, club croate. Autant de personnalités préoccupées par la tendance actuellement observée où les clubs européens ne peuvent compter, aujourd’hui, que sur un seul représentant officiel auprès de l’UEFA et des autres corps constitués du football : l’ECA, la European Club Association présidée par Nasser al-Khelaïfi.

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«Le constat qui a été fait était de dire que les clubs, aujourd’hui, sont représentés avec l’ECA. Elle se dit représentative de tous les clubs mais si on regarde de plus près on s’aperçoit que la donne est bien différente. Il suffit de regarder les membres de cette organisation mais aussi les clubs qui ont réellement du pouvoir au sein même de l’ECA. Finalement, une élite se dégage. La réflexion était de se dire que si c’est l’élite qui façonne l’organisation des compétitions et la distribution des revenus, elle aura logiquement tendance à favoriser son système et donc on avait besoin d’autre chose. Une alternative. On veut aujourd’hui représenter les clubs qui ne sont pas représentés. On part d’une observation qu’il y a plus de 1400 clubs professionnels en Europe qui ne sont pas consultés dans les décisions à l’échelle européenne, à savoir les décisions qui concernent les compétitions de l’UEFA. C’est-à-dire le système d’accès, le format et la distribution des revenus», avançait William Martucci.

Préserver le futur du football européen !

Dès lors et pour défier ce système unilatéral, l’UEC propose désormais de représenter tous ces clubs «oubliés» et ainsi s’opposer au principe actuellement établi qui est de dire que les clubs qui participent à ces compétitions doivent décider pour ces compétitions. «On estime que les autres clubs sont impactés et subissent ces décisions car ils jouent contre cette élite dans leurs championnats nationaux. Ils sont concurrents de ces clubs et aspirent, eux aussi, à jouer ces compétitions. C’est le principe même du modèle européen où chacun peut grimper les échelons dans cette pyramide. On veut donc représenter ces 1400 clubs». Dans un contexte où le protocole d’entente entre l’ECA et l’UEFA arrive à son terme et où il sera donc temps de rebattre les cartes sur la gouvernance et l’organisation dans la défense des intérêts des clubs, l’UEC veut avoir son mot à dire.

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Réunis à Bruxelles le 24 avril dernier, une centaine de clubs européens se retrouvaient ainsi pour écouter le projet de l’Union of European Clubs. Si cette dernière n’a aucune intention de renverser le modèle existant, l’idée est plutôt de représenter tous les clubs laissés à la marge. «Aujourd’hui, l’ECA s’occupe de 130/140 clubs, nous on propose de compléter ça pour que tout le monde soit représenté. Il s’agit de participer à un débat et de faire comprendre à l’UEFA l’intérêt des clubs. Pour nous l’ECA existe, elle représente une élite, elle a fait ses choix de critères pour que les clubs deviennent membre. Nous on propose de représenter tous ceux qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas adhérer au modèle de l’ECA», confiait, à ce titre, William Martucci.

Un club, un vote !

Symbole de cette sélection actuellement mise en place par l’ECA, la Royale Union Saint-Gilloise, promue en D1 belge en 2021 avant de terminer, cette saison, à la deuxième place de la Jupiler League tout en atteignant les quarts de finale de l’Europa League, ne peut prétendre à l’organisation présidée par Nasser al-Khelaïfi. Consciente de ces injustices, l’UEC propose alors un modèle différent. «Sur ce qu’on propose de différent par rapport au système actuel, il y a premièrement la gouvernance. Pour nous, un point très important est de donner une voix et un vote à chaque club membre de l’UEC. Ça paraît évident mais c’est pas comme ça que ça fonctionne actuellement. A l’ECA, il y a aujourd’hui des systèmes de sous-division avec des quotas où certains clubs ont donc une voix qui porte plus que les autres. Nous on veut de la transparence et éviter ce déséquilibre», indiquait William Martucci avant de détailler son argumentaire.

«Sur le système en tant que tel, nous on défend le modèle de promotion/relégation au sein des Ligues nationales et la qualification entièrement ouverte aux compétitions de l’UEFA, basée sur les résultats acquis en championnat. Un modèle qui s’oppose à la Super League qui souhaite également introduire un système de promotion/relégation à l’échelle européenne, ce qui pour nous aurait une très forte conséquence sur les inégalités et la mobilité au sein de la pyramide. Nous on a pas de critères pour être membre de l’UEC, excepté le fait d’être un club professionnel et d’être en première ou deuxième division. Il n’y a pas de critères de résultats historiques sur la scène européenne. On veut être une organisation démocratique et laisser aux clubs le soin de choisir pour eux. Ce qu’on constate aujourd’hui est que les trois piliers (système d’accès, format et distribution des revenus) ont tendance à faire baisser la mobilité au sein de la pyramide du football européen. Année après année, c’est de plus en plus dur pour un club de milieu de tableau d’atteindre les quarts de finale de la Ligue des Champions, ce qui était rendu possible dans les années 1980 notamment (Aston Villa, ndlr) par le modèle mis en place».

Des mesures concrètes pour rebattre les règles du jeu !

Pour retrouver cette équité et cet intérêt au niveau des fans, l’UEC défend également certaines positions, nécessaires pour réinstaurer une forme d’incertitude. Tout ça passe alors par un système où les revenus seraient moins concentrés qu’actuellement. Comment faire ? «Jouer sur la distribution des revenus des compétitions de l’UEFA et donc augmenter les « paiements de solidarité » qui correspondent à la part des revenus qui sont versés aux clubs qui ne jouent pas les compétitions de l’UEFA. Aujourd’hui, ces parts correspondent à 7 % du total. Nous à l’UEC, on propose de les faire grimper. On souhaite un système plus équilibré. L’équilibre parfait est impossible mais on souhaite revenir vers quelque chose de plus sensé». Si 33 nations étaient présentes à l’appel des fondateurs de l’Union of European Clubs, la Ligue 1 était quant à elle absente des débats.

«On parle à des clubs de Ligue 1 comme on parle à des clubs de tous les pays, aucun n’a souhaité venir à Bruxelles mais ce n’était pas la seule ligue absente. 55 nations sont représentées à l’UEFA. Il n’y a pas de lien direct à faire entre la présence de Nasser al-Khelaïfi dans le championnat de France et l’absence de clubs français à l’UEC. La majorité des clubs français n’est pas représentée à l’ECA donc j’ai bon espoir de voir des clubs français rejoindre l’UEC», assurait pourtant William Martucci. Une chose est sûre, l’UEC compte bien se développer au cours des prochaines semaines et la sensibilisation demeure le maître mot. «Notre approche n’est pas de mettre la pression, on veut laisser le choix à chacun. Du côté des clubs, il y a une réaction normale qui est toujours de savoir si le projet est bien accueilli par les instances ou non. La commission européenne était présente d’ailleurs à l’événement de lancement car pour nous c’était très important de montrer qu’on a le soutien de la commission et du Parlement et que ce n’est pas un projet dissident comme les projets qu’on a eu plus récemment dans le football européen», avouait, dans cette optique Martucci avant de présenter l’ambition de l’UEC au cours des prochaines semaines.

«On entre désormais dans un démarchage plus direct où on propose de manière formelle aux clubs de nous rejoindre. On ne communique pas de chiffres sur l’adhésion pour l’heure. On va annoncer un premier executive board, le 1er juin prochain, qui sera formé par une partie des clubs qui ont décidé de nous rejoindre, ça permettra déjà une certaine officialisation. Les noms de clubs qui ont fuité dans la presse sont des noms de clubs qui étaient présents à l’événement mais ils ne nous ont pas forcément rejoint. Ce qu’on se fixe aussi est de faire une assemblée générale avant la fin de l’année où on pourra cette fois-ci communiquer un nombre de clubs qu’on espère le plus haut possible. On est encore à la naissance du projet, plusieurs clubs nous rejoignent chaque jour mais ça prend évidemment plusieurs semaines. On va maintenant aller pays par pays organiser des événements pour toucher le plus de clubs possibles. Pour l’heure, l’UEFA reconnaît l’ECA comme seule organisation habilitée à représenter les clubs, c’est un point qu’on conteste évidemment.» Et beaucoup de clubs doivent, aujourd’hui, s’en satisfaire…

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