Le Progrès Niederkorn, l’étoile montante du football luxembourgeois

Par Aurélien Macedo
15 min.
tof-progres @Maxppp

Club émergent sur les dernières saisons au Luxembourg, le Progrès Niederkorn se fait doucement sa place parmi les formations du haut de la scène locale. La récompense d’un bon travail mené depuis près d’une décennie, s’axant sur l’émergence de jeunes talents et avec la Coupe d’Europe comme moyen de s’affirmer.

Une saison rondement menée. Si le Swift Hesperange a remporté le championnat luxembourgeois, le Progrès Niederkorn a réalisé un exercice solide également en terminant à la deuxième place devant Dudelange, la place forte locale (16 titres remportés depuis la saison 1999/2000). Une performance solide pour une équipe assez régulière sur la dernière décennie. Cinquième en 2021 et 2022, le Progrès Niederkorn s’est fixé dans le top 5 luxembourgeois depuis 2015 (seule exception, une sixième place en 2016. Arrivé cet hiver en provenance du Paris 13 Atlético, le défenseur central français Hamadou Karamoko (27 ans) tire un bilan satisfaisant de cette saison : «je suis arrivé en janvier en cours de saison, l’équipe était sur une dynamique positive depuis novembre avec des victoires et des matches nuls. Pour reprendre, on a battu le F91 Dudelange (4-1), ensuite on n’a pas perdu et enchaîné les bons résultats jusqu’à cette deuxième place. Le projet était d’aller en Europe, car ça faisait quelques saisons que le club gravitait autour. Il y avait toujours un couac comme des blessures qui ont porté préjudice, mais là, le contrat est rempli. Tout le monde est content et on va se tourner vers ce premier tour de Ligue Europa Conference. Ça aurait été bien qu’on gagne la Coupe du Luxembourg, mais cela n’a pas été le cas. L’année prochaine, je pense qu’il va falloir qu’on ramène un titre sinon le président ne va pas être content (rires).»

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Satisfait également d’un exercice rondement mené, le président du club, Thomas Gilgemann (39 ans) est sur la même longueur d’onde même s’il estime qu’il était possible de faire encore mieux : «on démarre avec deux défaites et un nul avec un changement de direction, un changement de coach et un changement de joueurs. Le temps que tout se mette en place, cela a mis du temps et en championnat on est resté invaincu depuis novembre avec 19 matches de suite sans défaite en championnat (17 victoires et 2 nuls, ndlr). C’est assez exceptionnel comme série et on espère la continuer sur la prochaine saison. On est deuxième, on s’inscrit sur quelque chose d’historique pour le club. La saison n’est pas exceptionnelle, car je pense qu’on aurait pu ramener un titre, notamment en Coupe du Luxembourg. Si on avait ramené ce titre avec la deuxième place, là j’aurais parlé de saison exceptionnelle, car on aurait ramené le premier trophée du club depuis 43 ans.» Une saison solide qui confirme que le projet du Progrès Niederkorn est solide au niveau local et bien ancré.

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La patte Jeff Strasser

Pour arriver à des résultats aussi intéressants cette saison, un groupe s’est vite mis en place et Jeff Strasser n’y est pas étranger. Arrivé cet été, l’ancien joueur du Racing Club de Strasbourg et du FC Metz s’est vite fait un nom sur la scène locale du côté du Fola Esch où il a remporté deux fois le championnat. En 32 matches avec le Progrès Niederkorn, il compte 24 victoires pour 4 nuls et 4 défaites et a su rapidement faire l’unanimité. «Il a cette mentalité allemande avec une rigueur, une discipline. Il a eu une expérience en 2. Bundesliga avec Kaiserslautern. C’est quelqu’un qui sait ce qu’il veut sur les séances d’entraînement ou sur la vidéo, c’est très tactique et très physique. Le premier match que j’ai joué face à Dudelange, il a fait un changement de système en veille de match, on ne s’y attendait pas et on a gagné 4-1. Il sait modifier son système pour faire mal à une équipe et cela marche» n’a pas manqué de souligner Hamadou Karamoko.

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Collaborant avec lui depuis un an, le président Thomas Gilgemann apprécie un mariage idéal entre un coach référence au pays et un club qui veut s’installer au sommet : «Jeff autant en tant que joueur qu’entraîneur, ça reste un passionné et quelqu’un qui a le souci du détail. On a trouvé un entraîneur qui nous ressemble. Jeff c’est le bon entraîneur pour le bon club, mais le Progrès c’est aussi le bon club pour le bon entraîneur. C’est très plaisant. Il a du vécu et il nous apporte beaucoup. On reprend le 13 juin le chemin des entraînements pour se préparer pour la Coupe d’Europe et le début de saison. Quand le coach sait gérer ce genre de préparation très rapide, c’est très bien.», Car oui, alors que la saison s’est achevée, il va falloir vite préparer ses crampons en vue de la saison prochaine. Qualifié pour le premier tour de la Ligue Europa Conference, le Progrès Niederkorn tentera d’écrire une nouvelle belle page de son histoire en Europe.

L’Europe, un moyen de grandir

Disputant pour la onzième fois de son histoire les tours préliminaires d’une compétition européenne, le Progrès Niederkorn tentera de faire mieux que son meilleur parcours, un troisième tour préliminaire de Ligue Europa lors de la saison 2018/2019. Ce ticket européen confirme également un travail de fond sur la dernière décennie puisque c’est la sixième fois sur les neuf dernières saisons que le club va voir l’Europe. Les 5 autres fois ? C’était entre 1977 et 1983, lors du dernier âge d’or de l’équipe luxembourgeoise. Une nouvelle habitude qui a mis du temps à être assimilée. «Quand on s’est qualifié la première fois, on a joué les Shamrock Rovers, on fait 0-0, on a touché le poteau et ils ont souffert de la chaleur. C’était notre première expérience européenne depuis 33 ans donc on ne savait pas comment faire. Ce n’était pas évident à gérer et on a perdu 3-0 au retour. J’étais alors directeur sportif et le président de l’époque m’avait dit dans l’avion du retour : "Thomas, c’est quand même dur l’Europe". Je lui ai dit "Fabio oui, mais on n’y était pas préparé". J’ai sorti une liste d’une vingtaine de choses qu’on avait mal faites. Que ce soit les conférences de presse, l’organisation, les repas. Aujourd’hui, tout est anticipé deux semaines avant avec un programme très précis. Si vous n’avez pas cette structure et cette organisation, sportivement vous avez zéro chance de gagner un match et de se qualifier» se remémore Thomas Gilgemann. Et l’évolution s’est vite fait ressentir : «hasard des choses, on revient en Europe deux ans plus tard et on élimine les Glasgow Rangers. Je ne savais pas que ce serait comme ça face aux Rangers, mais on a gagné, car on était organisé et on n’était pas là pour juste regarder les spectateurs d’Ibrox Park. Cela aurait été prétentieux pour un club qui n’avait jamais gagné de match de Coupe d’Europe de se dire qu’on allait battre les Rangers.»

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«Si c’est pour rien faire, je n’y vais pas. J’avais dit ça au coach de l’époque, il avait dû me prendre pour un fou. J’avais sorti toute la préparation pour qu’ils regardent, corrigent et me disent si c’était bon. À la fin de la réunion, il m’avait dit "tu penses vraiment qu’on va faire quelque chose". Je lui ai dit "on va faire quelque chose". Si on n’y croit pas en arrivant, comment les joueurs vont y croire ? Ils avaient été choqués de cette réunion. Si c’est pour faire du tourisme en Écosse, prendre un 7-0 et les regarder jouer, je n’y vais pas. L’histoire a été belle et on est passé. Il ne faut pas laisser de place au hasard. Si on est bien préparé, on peut s’avancer l’esprit tranquille et ensuite il se passera ce qu’il se passera sur le terrain. Aujourd’hui quand je vais dans les tribunes je suis serein, car la préparation invisible est bien faite. Tout autour est fait pour que l’équipe performe sur le terrain.» Des références européennes qui s’ajoutent à des performances sur le plan national et qui permettent aujourd’hui au Progrès Niederkorn de poursuivre sa croissance. «L’Europe permet au club d’évoluer dans le bon sens, c’est une vitrine à la fois pour le club et les joueurs. J’ai eu l’écho de plusieurs joueurs qui sont partis en ayant eu ces quelques tours de Coupe d’Europe avec le club. Aujourd’hui, le projet du Progrès Niederkorn est concret. Il y a de très bonnes infrastructures, il y a des joueurs de bon niveau comme Mayron de Almeida, Antoine Mazure, Bilal Hend, Brian Amofa … Il y a aussi quelques anciens comme Metin Karayer le capitaine. Ce sont des joueurs qui apportent à un groupe, à une équipe, certains joueurs ont encore l’objectif de toucher au monde professionnel et en passant par ces tours préliminaires cela est possible. C’est quelque chose qui peut attirer des possibles recrues.» note Hamadou Karamoko.

Une attraction plus importante

Au club depuis janvier, le défenseur français est passé d’une saison compliquée où il jouait le maintien en National 1 avec le Paris 13 Atlético à une saison où il jouait le haut du classement. Un changement d’environnement qu’il a vite assimilé avec l’Europe dans un coin de la tête : «j’ai évolué avec Mayron de Almeida au Red Star par le passé donc il m’a conseillé de venir. Passer d’une saison où je joue le maintien à une saison où je joue le titre et l’Europe c’est bien différent et il faut vite se mettre dans la dynamique. C’est très stimulant pour un footballeur. En France cela aurait pu être compliqué de toucher à ces objectifs, mais à l’étranger il faut y aller. Le Luxembourg, c’est pas très loin, c’est comme la Suisse, c’est un championnat limitrophe à la France donc je suis à l’étranger sans vraiment y être. C’est galvanisant pour un joueur. Tout le monde joue pour toucher un jour à l’Europe que ce soit la Conference League, l’Europa League ou le Graal, la Ligue des Champions. Donc si je peux le faire tout en étant proche de la France c’est parfait. Après ce n’est pas encore fait, car on doit passer par plusieurs tours préliminaires. Aller loin c’est compliqué, mais cela reste réalisable de viser la phase de poules, on a une belle équipe. Au fond de nous en tant que joueur on ne se dit pas "on va passer un ou deux tours et rentrer chez nous, ce sera très bien", non on croit en cet objectif de phase de poules, mais on va y aller crescendo. De toute manière, on a un coach qui va nous le faire comprendre à la reprise […] Tout se joue sur deux matches à chaque tour donc à nous d’être performants et d’avoir cette part de chance pour aller en phase de poules.»

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Un attrait important pour les joueurs, un moyen d’attirer des éléments et grandir pour le club. «Pour nous l’Europe c’est important en termes d’image et financier. Depuis qu’on est qualifié, on a de plus en plus de sollicitations d’agents pour des profils de joueurs. On voit d’ailleurs que les profils sont de plus en plus intéressants pour nous. On cherche un box-to-box actuellement, on a reçu 4/5 profils intéressants, on va voir dans le détail avec les coachs, mais typiquement on pourrait les prendre tous sur le plan qualitatif. Cela devient très intéressant» évoque Thomas Gilgemann. Cette perspective permet ainsi au Progrès Niederkorn, mais aussi aux formations du haut de tableau luxembourgeois de concurrencer des équipes français de niveau National 1 sur le marché des transferts comme le poursuit le président : «aujourd’hui l’avantage est Européen. Quel joueur professionnel en France va jouer la Coupe d’Europe dans sa carrière ? Quand vous jouez à Metz, à Strasbourg, en Ligue 2 ou en National 1, vous aurez peu, voire aucune chance de toucher à l’Europe. Même en tour préliminaire, on reste sur une sphère hors-norme et je peux vous dire via notre expérience passée que cela vous marque à vie. On a vraiment cet attrait-là. On a des infrastructures de qualité qu’on fait évoluer tous les ans, on a des moyens financiers qui sont comparables à ce qu’il se fait en National 1 en France. Quand on a moins de moyens financiers que d’autres, il faut innover et avoir un projet tremplin. C’est ce que l’on a pour avoir une équipe cohérente.»

«Aujourd’hui une équipe du top 5 au Luxembourg peut regarder une équipe de National 1 les yeux dans les yeux. On a un club professionnel et familial, on veut le rester. On a quatre entraîneurs, deux kinés, un staff médical, un staff de musculation, vous vous entraînez avec le GPS, avec calcul masse/graisse, vous avez un terrain d’entraînement gazonné et synthétique, tout le monde à sa place attitré au vestiaire. On a mis ce genre de choses en place au fil des années, ce qui fait qu’on peut rivaliser avec d’autres clubs. Aujourd’hui j’ai des joueurs qui ne veulent pas partir pour aller à Nancy ou dans d’autres clubs de National, car il y a tout un contexte pour s’épanouir ici. Après quand un joueur peut taper de la Ligue 2 comme Bastia ou autres c’est une autre discussion et on entre dans une autre sphère financière pour ces joueurs. Ces arguments de nos propres joueurs montrent les améliorations du Progrès, mais aussi plus globalement du championnat du Luxembourg qui était pris avant comme un championnat mineur et secondaire.» Mettant en place un partenariat avec Sochaux, le Progrès Niederkorn s’est aussi distingué sur les dernières années par le niveau de sa formation comme la rappelle bien Thomas Gilgemann : «on a sorti 14 joueurs en professionnel sur les quatre dernières saisons. Cette saison, il y en a eu 4 avec Lamine Ba qui est parti à Varazdin en D1 Croate cet été tandis que cet hiver Florian Bohnert est allé à Bastia en Ligue 2, Sofiane Ikene est allé à Nuremberg (D2 Allemande) et Oluwatobiloba Alagbe est allé à l’Asteras Tripoli en première division grecque. On a perdu quatre bons joueurs sur la saison certes, mais on a toujours cette volonté d’être un club tremplin au Luxembourg à l’image d’Elias Filet de Sochaux qui a été prêté cette saison et qui va aller plus haut. Il le mérite puisque cette saison, il a marqué 20 buts en 29 matches.»

Toujours chercher à s’améliorer

Accompagnant de jeunes talents locaux et misant sur des éléments de National 1, le tout en apportant un savoir-faire et une préparation de plus en plus proche du monde professionnel, le Progrès Niederkorn symbolise bien le progrès fait par le football luxembourgeois depuis 20 ans à l’image de sa sélection qui est de plus en plus compétitive. «J’y ai joué 8 ans comme joueur et c’est ma dixième année de dirigeant, je peux vous dire que l’équipe et le club dans lequel j’ai joué c’est totalement différent, il n’y a aucune comparaison possible avec aujourd’hui. C’est un travail de fond énorme au niveau des structures, de la communication, on est actif sur les réseaux sociaux, on crée des partenariats, on a un écran géant, on a des espaces interviews, c’est ce genre de choses qui font qu’on est cohérent dans ce qu’on fait et qu’on se donne les moyens d’être performants. Quand j’y jouais c’était un bon club du Luxembourg, mais dans l’organisation c’était niveau R1 en France dans l’organisation» constate le président Thomas Gilgemann qui a accompagné le club dans sa mutation. Arrivé depuis six mois, Hamadou Karamoko n’a pas été spécialement surpris par rapport à ce qu’il se faisait en France, lui qui est passé par le FC Lorient, le FC Nantes, les Lusitanos de Saint-Maur, le Red Star et le Paris 13 Atlético : «il y a une différence, tout est sur place. Le stade, le centre d’entraînement, la salle de musculation, le bain froid, tout est regroupé. C’est un petit cocon familial, les supporters sont proches de nous lors des séances, après les matches ils restent là. Le centre d’entraînement du Progrès Niederkorn, certains clubs de Ligue 2 ne l’ont pas. Il n’est pas extrêmement grand, mais il y a tout ce qu’il faut. Les infrastructures sont vraiment bonnes.»

Une autre différence existe aussi, la professionnalisation. À l’image de la National 1 et de la National 2 en France, les équipes ne sont pas intégralement composées de joueurs professionnels. «Certains travaillent à côté et c’est pour cela que les équipes s’entraînent souvent le soir. Des discussions sont en cours pour savoir si les choses sont modifiables ou pas. Le championnat n’est pas professionnel, mais certaines équipes se rapprochent du fonctionnement du monde professionnel. Dans notre équipe, certains travaillent à côté, mais on est une dizaine de joueurs professionnels. La journée on reste chez nous, on va à la salle de sport et le soir il y a l’entraînement avec le reste de l’équipe. On s’entraîne beaucoup pour garder un rythme. On sent parfois plus de fatigue pour ceux qui travaillent à côté, mais cela ne crée pas de différences au sein de l’équipe. Tout le monde comprend et le coach fait en sorte que tout le monde soit à l’aise au sein de l’équipe. Tout le monde va dans le même sens, on fait pas mal de repas entre joueurs» nous explique Hamadou Karamoko. Restant un club familial malgré des ambitions grandissantes, le Progrès Niederkorn n’entend pas s’arrêter en si bon chemin comme le martèle Thomas Gilgemann : «c’est magnifique, car le travail paie et on a fait des choses magnifiques en peu de temps. Nous en tant que Progrès Niederkorn, on reste un club avec une belle image au pays que ce soit au niveau de l’affluence, en termes de projet, sur les réseaux sociaux. On a d’ailleurs été critiqués au départ en mode "Ils se prennent pour qui ? Le Real Madrid ?" et aujourd’hui, beaucoup font comme nous.»

«Aujourd’hui, je veux qu’on continue à avancer. Lorsque vous vous contentez de ce que vous avez, c’est là que vous ne progressez plus. Il faut toujours réfléchir au petit truc qu’on peut améliorer chaque saison. On a deux ou trois joueurs qui sont là depuis 7 ou 8 ans et même pour eux c’est important d’avoir des nouveautés. Ce sont des petites choses au quotidien pour que tout le monde se sente bien dans ce qu’il fait. Je suis toujours parti du principe de contribuer à construire un club dans lequel j’aurais aimé jouer. C’est aussi simple que cela. Je pense qu’aujourd’hui on y est arrivé en grande partie et peut-être de manière plus rapide que prévu. Je veux continuer d’aller dans ce sens» a-t-il poursuivi. Bien dans ses objectifs et ses valeurs, le club luxembourgeois va vite devoir digérer une belle saison, car l’avenir continue de se cultiver au quotidien.

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