Christophe Pélissier : «l'objectif, à terme, c'est d'amener Lorient plus haut en Ligue 1»

Par Lucas Billard
22 min.
Christophe Pélissier donne des consigne à ses joueurs du FC Lorient @Maxppp

Entraîneur du FC Lorient depuis l'été 2019, Christophe Pélissier s'est fait un nom dans l'élite du football français. Le technicien de 56 ans, grand artisan de l'incroyable épopée de Luzenac du monde amateur à la Ligue 2 en 2014, s'est longuement confié à Foot Mercato avant le déplacement des Merlus au Parc des Princes, ce dimanche (20h45, J30 de L1). Au menu : la mission maintien, le sprint final, le PSG, sa tactique, son management ou encore ses ambitions et son avenir.

C'est en pleine période de trêve internationale que Christophe Pélissier a pris le temps de répondre à Foot Mercato. Et ce juste avant un déplacement périlleux à Paris, ce dimanche (20h45, 30ème journée de Ligue 1), point de départ d'un sprint final irrespirable pour le FC Lorient dans sa quête de maintien. Passé par le banc de Muret, de Luzenac, où il rappelle avoir « réussi un exploit qui ne sera jamais atteint », à savoir « un village de 600 habitants qui accède à la Ligue 2 », prenant le pari que « ça ne se verra plus » (même s'il a encore le goût amer provoqué par la décision de la LFP de leur interdire cette montée), puis d'Amiens, avant de débarquer en Bretagne à l'été 2019, le natif de Revel fait désormais partie des entraîneurs à la réputation solide dans l'Hexagone. Décontracté, sincère et modeste, celui qui n'a encore jamais connu l'échec n'a pas caché ses ambitions légitimes pour la suite de sa carrière. Avec notamment le rêve de jouer l'Europe, même s'il entend d'abord atteindre ses objectifs prioritaires avec les Merlus.

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Foot Mercato : quel regard portez-vous sur votre saison 2021-2022 jusqu'ici ? Vous avez d'abord connu des débuts encourageants (2 défaites sur les 10 premiers matchs), avant de connaître une période plus délicate, avec notamment une série de 8 défaites entre octobre et décembre...

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Christophe Pélissier : c'est vrai que c'est une saison un peu difficile à analyser. On fait 10 premiers matchs de très grosse qualité, où on bat Nice, Lille, Monaco, on va faire nul à Lyon et à Saint-Étienne. On avait des certitudes dans notre jeu, dans nos qualités. Et puis, malheureusement pour nous, on a eu beaucoup, beaucoup de blessés. Sur le XI type, il y a eu 6-7 blessés assez importants, notamment Fabien Lemoine (touché au mollet, NDLR), qui est le régulateur et le catalyseur de notre équipe. Il y a eu des matchs qui n'ont pas tourné à notre avantage sur des détails, qu'on perd 1-0, et qui ont entamé la confiance des joueurs. Beaucoup de jeunes joueurs étaient là en périphérie du groupe et se sont retrouvés presque titulaires, donc ça a été un enchaînement, et c'est parfois dur de relever la tête.

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FM : est-ce justement ce bon début de saison qui a pu en quelque sorte brûler les ailes de vos joueurs ?

CP : on a peut-être cru... (il réfléchit) je me mets aussi dedans, avec le staff, qu'on allait peut-être jouer autre chose que le maintien et qu'on allait pouvoir développer autre chose. Il y a beaucoup d'explications sur ce cas là. On a manqué de régularité mais on est en train de reprendre de la confiance avec les résultats. Il a fallu reprendre un peu les bases. J'espère qu'on va pouvoir finir la saison en boulet de canon comme on l'a commencée. Je trouve qu'on est bien mieux maintenant.

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FM : Lorient est 16ème de Ligue 1, reste sur 2 matchs sans défaite et sans encaisser de buts, avec 5 clean sheets sur les 7 derniers matchs. Ce qui frappe, c'est votre solidité défensive récente. Cela vous satisfait forcément, mais comment expliquer cela ? Votre gardien, Mathieu Dreyer, expliquait après le nul contre Strasbourg (0-0) avant la trêve que les joueurs se battaient « peut-être un peu plus sur les ballons » et que tout le monde défendait « super bien »...

CP : au mois de janvier, il y a eu un tournant dans notre dynamique, à savoir qu'on a joué en 3 jours Lille (1-3) et Nantes (2-4) à l'extérieur. Dans le jeu, on avait montré de très belles choses, tirant plus de 15 fois au but en 2 matchs. Mais on avait pris 7 buts. Il a fallu dire au groupe que si on voulait s'en sortir, il fallait reprendre les bases d'un collectif, qui sont d'être très solide défensivement et de faire les efforts les uns pour les autres. Peut-être qu'on l'avait oublié. Ou peut-être qu'on en faisait un peu moins. Au-delà du fait d'avoir changé de gardien (Mathieu Dreyer au détriment de Paul Nardi, NDLR), ça c'est un choix sportif, je crois que le groupe a entendu le message. On a su rectifier le tir.

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FM : il reste tout de même des aspects à améliorer...

CP : le football, c'est avant tout un équilibre. Ce qui me satisfait, c'est notre aspect défensif mais si on veut se maintenir, il faut qu'on améliore notre efficacité offensive. Si l'on regarde les expected goals (chances de buts, NDLR), on est 13èmes au niveau des attaques, mais on n'a pas cette efficacité par rapport aux datas. Il nous manque 8 buts, qui nous permettraient d'être plus à l'aise au classement en Ligue 1. Il faut toujours avoir une analyse assez précise de ce que l'on fait ou pas, de bien ou pas, il ne faut pas le lire qu'à travers les résultats. Entre le 1-0 pour nous ou pour l'adversaire, ça ne se joue pas à grand-chose. Il faut aller dans le détail de l'analyse pour essayer de faire progresser l'équipe.

FM : après la victoire à Clermont (2-0, le 13 mars), vous aviez dit : « le plaisir, on le prend aussi dans la solidarité. Il faut être un peu plus pragmatique. » Qu'est-ce qui a changé dans votre discours en interne par rapport à ça ? Vous avez toujours dit que vos exploits ou maintiens sont passés par le jeu... Faut-il aujourd'hui passer par autre chose pour y arriver ?

CP : c'est un groupe qui aime le jeu, qui a des qualités dans le jeu, et ça je sais qu'on est capables de le retrouver. Ce qui me mettait un peu en colère, c'est que j'entendais dire "Lorient c'est une belle équipe, ça joue au ballon, ça ouvre le jeu, mais à la fin, ils ont 0 point." J'ai dit aux joueurs "maintenant, il ne faut pas être plus bête que les autres, il ne faut pas foncer dans le mur." Oui, on joue bien, c'est le plaisir qu'on prend en Ligue 1. Mais à un moment donné, on est des professionnels, il faut des points. On ne peut pas se permettre d'uniquement défendre en L1, il faut aussi attaquer. Ce qui me conforte, c'est qu'on se crée des situations. Maintenant, il faut qu'on soit plus efficaces.

FM : comment tout cela se matérialise-t-il tous les jours à l'entraînement ? Mettez-vous l'accent sur un aspect nouveau ou particulier ?

CP : l'accent, il est important de le mettre sur plusieurs canaux. Bien sûr qu'il y a le terrain, mais il y a aussi le travail autour de la communication avec les joueurs, pour les maintenir en confiance. Il y a aussi la vidéo. Tout cela doit être utilisé pour faire performer le joueur, et surtout le faire performer dans un collectif. On accentue peut-être un peu plus sur le travail de finition en ce moment, c'est vrai. Mais ce qui est important, ce n'est pas la finition en elle-même, mais comment on amène le ballon dans la zone de finition.

« Je ne suis pas attaché à un système, mais à des principes de jeu »

FM : pourquoi avoir abandonné le 3-5-2, le système du maintien (Lorient a terminé 16ème de Ligue 1) de la saison passée ? Apporte-t-il plus d'équilibre ? Est-il plus adapté aux joueurs ?

CP : les deux. L'année dernière, j'ai changé à la trêve parce que j'estimais qu'on en avait besoin. Là, il y a eu des aléas qui ont fait que, notamment l'absence de Fabien (Lemoine), qui est préjudiciable dans ce système-là car c'était quelqu'un qui donnait le tempo à l'équipe, très propre dans la ressortie du ballon. On avait des difficultés à être performants offensivement, nos attaquants étaient très peu efficaces, contrairement à l'année dernière. On avait aussi très peu d'efficacité avec nos pistons. Ce système demande beaucoup de force et d'énergie. Ils avaient été très bons en début de saison, après ils ont marqué le pas. Il a donc fallu réfléchir à comment adapter le système.

FM : il y a aussi eu la montée en puissance des jeunes joueurs...

CP : oui, il y a des jeunes qui se sont révélés, comme Dango Ouattara, Stéphane Diarra. Ils aiment bien être sur le poste d'excentré. Donc pour rentrer dans un nouveau système il a fallu étudier tout ça. C'est un ensemble. Je ne suis pas attaché à un système, mais à des principes de jeu. Je regarde par rapport surtout à ce que sont capables de faire les joueurs dans le système qui leur va le mieux. On a toujours des envies, mais après, il faut bien analyser l'effectif, le moment de la saison où l'on est, et prendre des décisions. Quand on fait comme nous 15 matchs sans gagner, il faut prendre des décisions. J'ai pris une décision avec le gardien (exit Paul Nardi, remplacé par Mathieu Dreyer, NDLR), avec le système. Il faut montrer qu'on veut faire bouger les lignes pour ne pas foncer dans un mûr.

FM : le mot maître, c'est donc l'adaptation.

CP : oui, je pense. Il faut toujours d'adapter, parce que le foot évolue, une saison n'est jamais linéaire. On pouvait avoir des certitudes l'année dernière, et sur nos 10 premiers matchs de cette saison. On en avait beaucoup moins à la trêve. Est-ce que les décisions sont les bonnes ? On verra ça à la fin de la saison. Mais on s'aperçoit qu'on a gagné en stabilité et en équilibre.

FM : la mission maintien passera peut-être à domicile, au Moustoir, avec les réceptions de l'ASSE, de Metz, de Reims, puis de Troyes pour finir la saison. Vous êtes pourtant la 6ème pire équipe à la maison (17 points pris). Et si vous êtes plus à l'aise en transition, en contre, dans l'animation, notamment à domicile, vous avez récemment expliqué que vous devrez vous améliorer...

CP : je crois qu'on a été capables de faire de très bons matchs à la maison. J'ai en tête le match de Nantes, on perd 1-0 à la 85ème mais on se crée énormément de situations, ou celui de Bordeaux (1-1). On doit gagner ces matchs-là. Ce qui m'importe le plus dans l'animation offensive, c'est qu'on soit capables de se créer des situations. Après, il doit y avoir bien plus d'efficacité. Il ne faut pas oublier qu'on a des jeunes joueurs offensivement. On a 23 ans de moyenne d'âge avec des joueurs qui ont très peu joué en Ligue 1. C'est important dans cette zone du terrain. Il faut qu'on arrive à les faire progresser, même si on n'a plus beaucoup de temps. Mais oui, les matchs au Moustoir seront importants dans ce nouvel élan.

FM : en octobre dernier, vous disiez justement à nos confrères de So Foot « attendre de voir sur la durée comment les jeunes vont pouvoir se mettre à niveau. » Quel regard portez-vous sur eux désormais ?

CP : on a vu certains qui se sont rapidement mis au niveau, à l'image de Dango Ouattara. Il faut accepter, quand on a des jeunes joueurs, que leur progression ne soit pas linéaire. On connaît l'environnement de la Ligue 1, il faut les protéger par rapport à ça. Léo Pétrot est arrivé à gagner sa place de titulaire dans le XI alors qu'il était en N2 (à Andrézieux, NDLR) l'année dernière. Sambou Soumano (Châteaubriant) aussi. On a des jeunes qui pointent le bout de leur nez, comme Théo Le Bris. Enzo Le Fée est aussi un jeune joueur. Ils se développent, mais il ne faut pas non plus attendre monts et merveilles tout de suite. Ils sont là pour amener leur pierre à l'édifice mais aussi pour progresser, et ça ne se fait pas du jour au lendemain. L'expérience, ce n'est pas l'âge mais le nombre de matchs en Ligue 1. C'est ça qui est important.

Sambou Soumano

FM : parmi vos hommes en forme, il y a Ibrahima Koné, votre recrue hivernale (Sarpsborg 08 FF) en attaque. Comment s'est passé son recrutement ?

CP : vu la saison de Terem Moffi l'année dernière, il y a eu des prétendants pour lui. Le club a très bien travaillé dans l'anticipation. Ils avaient observé ce joueur en Norvège, il avait été ciblé par la cellule de recrutement. Il a été observé en vidéo et sur place, par le directeur sportif. On pouvait le faire, mais on a préféré attendre car on avait à l'époque 4 attaquants (Grbic, Bozok, Hamel et Moffi). On ne voulait pas empiler les attaquants. Quand les trois sont partis en prêt, on a pu anticiper et ça s'est fait cet hiver en anticipant déjà pour l'année prochaine.

FM : que vous apporte Bonke Innocent, votre autre recrue de l'hiver, au milieu de terrain en sentinelle, où il s'est immédiatement installé ?

CP : son recrutement n'était pas prévu en début de saison. La blessure de Fabien nous a obligé à regarder à ce poste-là. J'avais donné comme cahier des charges à la cellule de recrutement, de trouver un joueur qu'on n'avait pas, qui nous amènerait beaucoup d'impact au milieu. C'est un joueur qui est ressorti très rapidement. Il a aussi été observé. Il apporte beaucoup de stabilité défensive. Si on prend moins de buts, il fait partie des multiples raisons à cela. Il est présent devant la défense. C'est un très bon apport défensif. Le plus important, c'est que comme Ibrahima Koné, ce sont deux joueurs avec un superbe état d'esprit. Ils apportent de la fraîcheur mentale au vestiaire, ce qui est important après les moments compliqués qu'on a vécus.

FM : êtes-vous surpris par l'adaptation express d'Innocent et de Koné ?

CP : c'est surtout difficile quand on arrive de l'étranger. L'avantage avec Ibra, c'est qu'il parle français. Innocent est Nigérien, comme Terem Moffi, donc ça crée des connexions rapides dans un vestiaire. Peu importe qui recrute, il y a toujours un temps d'adaptation qui est un peu une pièce en l'air. S'adapter dans un club et un vestiaire comme Lorient, je ne dis pas que c'est facile, mais ce n'est pas difficile.

« On ne se rend pas compte d'avoir à la fois Messi et Mbappé en Ligue 1 : on a l'actuel et le futur meilleur joueur au monde ! »

FM : vous allez affronter le PSG ce dimanche (20h45), en Ligue 1. On avait vu Lorient bousculer cette équipe au Moustoir (1-1) avant la trêve hivernale, Icardi arrachant l'égalisation en fin de match. Croyez-vous à un exploit au Parc des Princes ? D'autant plus que c'est peut-être le meilleur moment de les jouer...

CP : je dirais le contraire, ce n'est surtout pas le moment pour les prendre. Quand un club comme Paris vient de faire une lourde défaite à l'extérieur (à Monaco, 3-0), ils vont vouloir de suite remettre les pendules à l'heure. Deuxième chose : je dis toujours qu'il y a un PSG sans Mbappé, et un PSG avec Mbappé. On avait la chance qu'il soit suspendu à l'aller. Le match du PSG va être le départ de notre sprint final. J'attends surtout qu'on envoie un signal sur le sprint final. Oui, ça sera très dur, aussi bien ce match que d'atteindre notre objectif. Mais je veux qu'on montre nos qualités au Parc, nos valeurs. De dire qu'on a un groupe qui ne va rien lâcher. On sait qu'on va souffrir à Paris, comme sur les 9 derniers matchs. Le premier va conditionner les 8 autres !

FM : que pensez-vous des nombreuses critiques qui s'abattent sur le PSG ?

CP : je trouve qu'elles sont très très très sévères. Les critiques par rapport aux résultats sont là, mais quand on regarde les 2 matchs du Real Madrid, ça dure 180 minutes. Pendant 150 ou 160 minutes, le PSG est largement au dessus du Real. Ça m'a un peu fait penser au quart d'heure de la France contre la Suisse à l'Euro 2020. On retient ça parce que c'est le résultat. Le match aller, je me suis régalé. La première mi-temps à Madrid, il n'y a pas photo entre les deux équipes. Il y a eu la classe d'un joueur en face (Benzema). Si on analyse bien le match, je trouve les critiques sévères.

FM : trouvez-vous également les critiques à l'encontre de Lionel Messi injustes ?

CP : je ne peux pas avoir de critiques sur Messi (rire). C'est un joueur que j'ai toujours adoré. J'ai eu la chance d'aller voir des matchs à Barcelone avec mes filles. J'ai toujours cette image en tête. Avoir Messi dans le championnat de France, c'est exceptionnel. Il faut que les gens se rendent compte de ça aussi. Les critiques sont pour moi trop dures. On parlait de l'adaptation pour mes joueurs. Pour lui, encore plus. Il a passé 20 ans dans un club. Les gens ont la mémoire très courte. On ne se rend pas compte d'avoir à la fois Messi et Mbappé en Ligue 1 : on a l'actuel et le futur meilleur joueur au monde !

FM : quel est le plan de bataille pour la fin de saison, qui s'annonce extrêmement chargée, avec le PSG, Nice, l'OM, Rennes encore à affronter, mais aussi Saint-Étienne, Metz, Bordeaux et Troyes, tous adversaires directs pour le maintien ?

CP : il faut montrer nos qualités à chaque match. Montrer que, quelque soit l'adversaire, on doit faire une grosse performance pour marquer des points. Nos matchs à la maison contre les concurrents directs pour le maintien seront très importants. Ce qui est important, c'est de voir nos performances et de continuer à montrer nos valeurs. Les matchs seront difficiles pour tout le monde. Je veux que nous finissions la saison sans regret.

FM : on se demande souvent, de l'extérieur, comment le vestiaire vit une mission maintien. Voyez-vous des différences ou des similitudes, dans votre vestiaire, par rapport à la saison dernière ?

CP : chaque saison a sa particularité. La seule similitude que je voie c'est que ce groupe-là ne lâchera jamais. Même dans la tempête, même dans les moments difficiles, le vestiaire a toujours répondu présent, à nos attentes. Le plus important dans cette opération maintien, c'est qu'il y ait une unité, du club entier, et on ressent ça. C'est ce qui doit nous permettre d'être performants sur la fin de saison. Au mois de janvier, on en avait parlé, on s'était dit que ce serait un exploit de se maintenir, on ne se faisait pas d'illusions par rapport à notre classement. Notre objectif était d'être encore en course pour le sprint final, puisqu'on était presque décrochés en janvier. On y est, et on va s'accrocher jusqu'au bout.

« Si on n'a pas l'adhésion des joueurs, on n'est rien »

FM : ce qui frappe, en regardant votre parcours, c'est que vous n'avez jamais connu l'échec. Quel est le secret de la réussite ?

CP : il ne faut pas le dire ça (rire). Ça arrivera bien un jour... il n'y a pas de secret. Il y a ce que je représente, les valeurs que je défends. Le travail, l'humilité, le respect, l'ambition. Ce sont des choses qui doivent transpirer naturellement, tous les jours, dans ce qu'on veut faire. Les joueurs, le groupe, doivent le ressentir. J'ai eu la chance d'atteindre tout le temps mes objectifs, voire de les dépasser, car ma manière de manager un groupe est identique. Il y a d'abord le sportif de haut niveau face à vous, mais il y aussi l'homme. Tant que l'homme se sent en confiance, le sportif donne peut-être un peu plus encore. J'espère continuer à atteindre mes objectifs au fil des saisons.

FM : parlons de votre vision peu commune des titulaires et des remplaçants, qui sont "ceux qui débutent et ceux qui terminent" à vos yeux. Cela renforce la cohésion de groupe et l'implication des joueurs ?

CP : oui. Quand on est coach, le plus dur est déjà de faire un groupe. Les joueurs travaillent bien et dur toute la semaine. Malheureusement, j'en mets au chômage toutes les semaines. C'est dur pour un entraîneur, car c'est difficile de bien travailler et de ne pas être récompensé. Un match, ça se construit, encore plus avec les 5 changements, qui nous donnent l'opportunité de changer la moitié de l'équipe et de maintenir plus de monde dans le groupe. On retient souvent les héros, ceux qui font gagner en fin de match. On a parlé d'Ibrahima Koné tout à l'heure, c'est rigolo. Leur rôle est hyper important. Ceux qui débutent font le travail de sape, les remplaçants en profitent et sont récompensés. J'ai 2O titulaires. Il y en a qui vont débuter le match, d'autres qui vont le finir. Tout le monde est important.

FM : vous avez confié ne jamais parler de classement à vos joueurs, « mais simplement de progression dans le contenu. » Pourquoi ?

CP : les joueurs en parlent entre eux. L'environnement extérieur (médias, réseaux sociaux) ne vit qu'à travers ça. Ce n'est pas la peine que moi je rajoute du stress au stress, surtout quand on joue le maintien. La seule chose que je martèle, c'est de savoir ce qu'on fait pour être performants. Quand on met tous les ingrédients pour être performants, cela amène des victoires, et automatiquement, cela améliore notre classement.

FM : vos joueurs peuvent-ils vous définir comme un 2ème père, vous qui êtes attaché aux relations humaines, à comprendre l'homme pour mieux cerner le joueur ?

CP : je ne pense pas... (il réfléchit) je pourrais être le père de certains, par rapport à l'âge (rire). J'aime discuter, avec les jeunes joueurs, de leur évolution, sur le terrain et en dehors du terrain. Je ne sais pas, eux, ce qu'ils en pensent. Je ne cherche pas à savoir. J'essaye d'être le plus naturel possible. Surtout pas me comparer, à quelqu'un, encore moins à Arsène Wenger (rire), là, on touche le summum. Je leur dis la vérité quand ça va bien, quand ça ne va pas bien, sur et en dehors du terrain. J'aime bien discuter de tout, de leur ressenti. S'il faut recadrer, je suis capable de le faire aussi. Mais tout passe par la communication.

FM : y compris la remobilisation de vos troupes, pour tirer le meilleur d'un collectif en difficulté en temps de crise, comme l'an passé ?

CP : c'est indispensable. La pire chose qui puisse arriver à un coach, c'est de se couper de son vestiaire. On peut raconter ce qu'on veut, on est là pour les accompagner, mais les acteurs principaux, ce sont les joueurs. Si on n'a pas l'adhésion des joueurs, on n'est rien. Il faut avoir beaucoup d'humilité par rapport à ça. La communication est très importante. Sans de bons joueurs, sans un collectif fort, le coach n'est personne. Si le joueur n'a pas envie de travailler, de se surpasser, de faire mieux, tout le monde est alors perdant.

« Je pense être le seul entraîneur de Ligue 1 qui a fait toutes les montées depuis la DH »

FM : votre faculté à faire progresser les joueurs, comme Le Fée, Laurienté, Moffi, Wissa, Abergel (qui est d'ailleurs le joueur que vous utilisez le plus depuis votre arrivée), vous remplit forcément de fierté ?

CP : oui, c'est toujours une satisfaction de voir des joueurs qu'on a entraînés, qui développent leurs qualités, et qui jouent. Comme Yoann Wissa qui joue en Premier League, comme Tanguy Ndombele, qui a joué en Angleterre (à Tottenham, NDLR) aussi, que j'ai eu à Amiens. Ce n'est pas nous qui avons fait ça, mais on se dit qu'on a un peu participé, et ça c'est toujours important d'avoir ce regard sur les joueurs. On reste souvent en contact avec eux. C'est qu'ils ont dû apprécier la façon de travailler avec nous.

FM : vous figuriez parmi les 5 meilleurs entraîneurs aux Trophées UNFP en 2020-2021, en jouant le maintien. Vous êtes reconnu, en France, pour vos qualités d'entraîneurs. Aviez-vous pensé un jour atteindre un tel niveau ?

CP : non jamais. L'année dernière, avoir été nominé dans les cinq meilleurs entraîneurs par mes pairs, c'était une vraie satisfaction. Quand on joue le maintien, on n'est pas, normalement, dans ces sphères-là. C'est une énorme fierté. C'est quelque chose que je n'imaginais pas. Dans mes rêves, je n'avais jamais imaginé être en Ligue 1. Quand je suis en DH, je ne peux pas rêver d'être en L1. Je pense être le seul entraîneur de Ligue 1 qui a fait toutes les montées depuis la DH. C'est le travail qui paie. On va essayer d'y rester, et de progresser encore.

FM : vous êtes sous contrat jusqu'en 2024 avec Lorient. Au regard de votre progression et de vos qualités, on peut légitimement penser que vous pouvez aspirer à mieux, avec un club plus huppé. Est-ce quelque chose qui vous fait rêver ?

CP : oui, enfin, disons que quand on est entraîneur, on cherche toujours à progresser et à être au plus haut niveau possible. Je n'imaginais pas être en Ligue 1, cela fait 4 saisons que j'y suis. J'ai envie d'y rester et de progresser. Cela veut dire amener Lorient dans une sphère un peu plus tranquille pour le maintien, et essayer de flirter avec la première partie de tableau. Ensuite, on verra comment l'évolution se fera aussi. Si j'ai un objectif, c'est que plus tard je puisse coacher une équipe qui participe à l'Europe. Il ne faut pas se donner de barrière, de limite. Est-ce que ça arrivera ou pas, je ne sais pas. Pour le moment, je suis très bien à Lorient. L'objectif, à terme, c'est d'amener Lorient plus haut en Ligue 1.

FM : à 56 ans, pensez-vous avoir encore beaucoup d'années à entraîner devant vous ?

CP : ça je ne sais pas, je pense que des fois, ce n'est pas nous qui décidons (rire). On peut décider de stopper un moment donné. Mais tant que j'ai la flamme, l'envie, l'ambition, je souhaite continuer. Après, il faut avoir l'occasion de le faire. J'ai la chance d'être en contrat jusqu'en juin 2024 avec Lorient. Je ne peux pas parler de l'avenir, car je ne serai pas le seul décideur.

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