Qualifications Euro 2024 : à quoi doit s’attendre l’équipe de France contre Gibraltar ?

Par Maxime Barbaud
5 min.
Les joueurs de Gibraltar à l'entrainement @Maxppp

201e nation au classement FIFA, Gibraltar ne semble pas être en mesure de bousculer l’équipe de France demain soir dans le cadre des éliminatoires de l’Euro 2024. L’important est ailleurs pour ce bout de terre britannique coincé entre l’Andalousie et la Méditerranée. Si son équipe nationale progresse, il s’agit surtout de jouer un rôle d’ambassadeur afin de maintenir le statut singulier de cette presqu’île située au milieu des tensions entre l’Espagne et l’Angleterre.

C’est un affrontement inédit qui attend les Bleus ce vendredi (coup d’envoi 20h45). En presque 120 ans d’histoire, jamais l’équipe de France n’avait défié Gibraltar. Une incongruité qui n’en est pas une en réalité. L’équipe nationale locale a certes été créée il y a un siècle tout rond, c’est seulement depuis 2013 qu’elle est autorisée par l’UEFA à participer à ses compétitions, et 2016 même par la FIFA. Son premier match officiel a donc eu lieu en 2014 à l’occasion des éliminatoires pour l’Euro 2016 et abouti à une cinglante défaite 7-0 contre la Pologne. Même score pour la seconde rencontre à l’Irlande, avant une nouvelle correction 3-0 face à la Géorgie, puis un 4-0 contre l’Allemagne.

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Il faut bien le dire, la sélection de Gibraltar a plus une valeur symbolique que sportive. Elle est 201e au classement FIFA sur 211 nations enregistrées. Au mieux, elle a grimpé à la 194e place en 2018 suite à sa victoire surprise en Arménie 1-0, confirmée trois jours plus tard contre le Liechtenstein, autre équipe mineure. Le grand fait d’armes de sa courte histoire (officielle du moins) aura tout de même été de se hisser en Ligue C en Ligue des Nations en 2020, avant de redescendre aussi vite. En mars pour le lancement de cette campagne de qualifications, Gibraltar a essuyé deux défaites 3-0 face à la Grèce et les Pays-Bas. Jouer les Bleus, vice-champions du monde, est en quelque sorte la cerise sur le gâteau, reconnaît Julio Ribas, le sélectionneur.

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Gibraltar-France, le parfait grand écart des nations

«Jouer contre la France, les Pays-Bas, l’Irlande ou la Grèce, pour nous, est une très bonne expérience pour pouvoir continuer à progresser. Il y a (en France) des joueurs très bons avec de très bonnes caractéristiques génétiques, physiques et techniques mais aussi tactiques qui jouent ensemble depuis plusieurs années. Ce sont des sélections qui jouent depuis 50 ans ou plus au niveau de l’UEFA alors que nous ne sommes que depuis neuf et six ans dans l’UEFA et la FIFA. Nous sommes très heureux du chemin parcouru», s’exprimait-il à RMC au mois d’octobre après le tirage au sort. En poste depuis 2018, le sélectionneur de ce territoire d’outre-mer britannique (au même titre que Sainte-Hélène ou les Îles Caïman) n’a pas à rougir de son travail.

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Le père de Sebastian Ribas, buteur prolifique de Dijon entre 2008 et 2011, compte désormais plusieurs éléments à potentiel, là où il y a quelques années, il n’y avait que trois joueurs professionnels. L’Uruguayen de 66 ans est un peu celui qui est parvenu à faire gagner 10 ans d’un seul coup au football à Gibraltar. Avant de prendre la sélection en main, il avait réussi l’exploit de qualifier Lincoln Imps Reds, le grand club de cette minuscule presqu’île, au 2e tour préliminaire de Ligue des Champions. En 2016, le club est éliminé par le Celtic Glasgow, non sans avoir remporté le match aller. Et preuve que les Imps conservent leur bonne dynamique, ils ont accédé pour la première fois de leur histoire à la phase de groupes de C4 cette saison.

Une sélection qui se professionnalise à vitesse grand V

C’est tout le football qui progresse à Gibraltar. Les anciens Roy Chipolina (40 ans) ou Liam Walker (35 ans) sont toujours là mais désormais aidés par une jeune génération bigarrée avec des professionnels, semi-professionnels ou en centre de formation qui vivent de leur sport, comme Tjay De Barr (23 ans, Wycombe en League One), Louie Annesley (23 ans, Dundalk en première division irlandaise) ou encore Nicholas Pozzo (18 ans, chez les jeunes de Cadix). Le reste du groupe joue essentiellement dans le championnat local et professionnel, la Gibraltar Football League, 51e au classement UEFA. Pour la petite histoire, les 11 équipes jouent toutes au Victoria Stadium, minuscule enceinte de 5000 places que les Bleus n’auront pas le loisir de découvrir en raison de travaux (la rencontre a lieu à 400 km de Gibraltar, à Faro au Portugal).

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Inutile de préciser que l’équipe de France est l’immense favorite de ce match. Il s’agit plutôt de deviner le nombre de buts d’écart indiqué sur le tableau d’affichage au coup de sifflet final. Qu’importe pour les Diablotins. Exister est déjà une victoire en soi car c’est être reconnu à l’international. Quoi de mieux que la caisse de résonance du football pour affirmer son identité ? Depuis son rattachement officiel à la couronne britannique en 1713, cette langue de terre de 7 km² (3e plus petit état du monde avec le Vatican et Monaco) située au bout de l’Andalousie est revendiquée par l’Espagne. Décennie après décennie, le grand voisin essaye de faire valoir sa souveraineté par le biais de guerre, de pression politique, de jeu d’alliance, de son prolongement géographique naturel, puis du contexte de décolonisation durant la seconde partie du XXe sicle.

L’équipe nationale comme symbole de l’identité de Gibraltar

Cette dernière tentative est même portée devant le Comité des Nations Unies. Mais jamais l’Angleterre n’a cédé. Les Gibraltariens non plus. En 1967 lors d’un referendum d’autodétermination, ils affirment à la quasi-unanimité (99,64%) leur attachement au Royaume-Uni. En répercussion, le dictateur Franco fait fermer la frontière qui ne sera rouverte qu’en 1985. Entre-temps, la donne a changé. L’Angleterre est entrée dans l’Union Européenne en 1973, suivie de l’Espagne en 1986. L’heure est au rapprochement des peuples néanmoins le "Caillou" est toujours source de discorde entre Londres et Madrid, à tel point que les matchs entre l’Espagne et Gibraltar sont interdits par l’UEFA. Il y a 20 ans, le gouvernement espagnol militait pour un condominium (une co-gestion) des deux pays. Le contexte s’est même compliqué depuis le Brexit puisque 96% de la population locale a voté en faveur du maintien dans l’UE. Une nouvelle pierre dans le jardin de ceux qui voudraient normaliser les relations entre chaque partie.

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