De l'exploit face au Real Madrid à la guerre en Ukraine : l'incroyable témoignage de Yuriy Vernydub, coach du Sheriff

Par Matthieu Margueritte
4 min.
Yuriy Vernydub, le coach du Sheriff, lors du match face au Real Madrid @Maxppp

Coach du petit poucet de la dernière phase de poules de la Ligue des Champions, Yuriy Vernydub a troqué ses habits de technicien du football avec ceux de militaire pour aller défendre l'Ukraine. Il raconte son périple.

Yuriy Vernydub. Son nom ne vous dit sans doute plus grand-chose, mais l’histoire de l’entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol est surréaliste et infiniment triste à la fois. Pour ceux qui ne s’en rappelleraient plus, Vernydub c’est l’homme qui a réussi l’incroyable exploit d’aller gagner le premier match de l’histoire du Sheriff en phase de poules de Ligue des Champions sur la pelouse du Real Madrid (2-1). C’était le 28 septembre dernier.

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Depuis, le Sheriff a été reversé puis éliminé de la Ligue Europa par le Sporting Braga (le futur adversaire de l’AS Monaco, ndlr). Mais Vernydub a refait parler de lui. Dans des circonstances nettement moins joyeuses. Tout est parti d’une photo postée sur Twitter où il apparait en tenue militaire. Quelques heures plus tard, l’information était confirmée : le coach du Sheriff est bien allé prendre les armes pour aller défendre son pays en guerre contre la Russie. Le contraste est saisissant. Son témoignage accordé à la BBC l’est encore plus.

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Sa famille a tenté de le retenir

Avant de troquer son costume d’entraîneur pour celui de soldat, Vernydub a confié qu’il s’attendait au pire quelques jours avant l’assaut russe. « Quand nous avons battu le Real Madrid, je ne pouvais pas imaginer cela. J'ai commencé à avoir des doutes début février. C'est alors que les nouvelles se sont intensifiées à ce sujet. Le 14 février, j'ai commencé à m'inquiéter. Les joueurs n'arrêtaient pas de me demander pourquoi j’étais si triste tout le temps. Je n'arrêtais pas de dire que tout allait bien, mais que quelque chose allait bientôt se passer. Ils n'arrêtaient pas de dire que non, mais j'ai ressenti quelque chose ».

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Et quand la guerre a été déclarée, le technicien ukrainien n’a pas hésité une seconde. « Mon fils m'a appelé à 4h30 du matin et il m'a dit que les Russes nous avaient attaqués. Je savais alors que je retournerais en Ukraine pour combattre. Nous sommes rentrés chez nous et avons atterri à Lasi, en Roumanie. Je suis ensuite allé en bus à Tiraspol, en Transnistrie, avec le reste de l'équipe le vendredi soir et je suis parti pour l'Ukraine le samedi matin à la première heure. Je me suis inscrit (à l’armée) le dimanche. Je ne veux pas vous mentir. En rentrant chez moi, j'ai vu beaucoup d'hommes forts quitter le pays. S'ils reviennent, je serai heureux. Je comprends qu'ils soient partis avec leurs familles en Moldavie, en Roumanie, etc. Mais j’ai compris à ce moment-là que je ne pouvais pas faire la même chose. Je me suis dit que dès que je rentrerais chez moi, j'irais m'inscrire. Mes proches ont essayé de m'arrêter. Ma femme, mes enfants, mes petits-enfants. Je suis resté fort et je remercie ma femme de m'avoir soutenu. Elle connaît mon caractère. Si je prends une décision, je ne la changerai pas. »

Un espoir de retrouver le football après la guerre

Embarqué dans cette guerre, Vernydub a eu la « chance » de ne pas encore avoir à sortir son arme. Toutefois, lui et son équipe ne sont pas très loin des zones de combat. Et tout peut changer à tout moment. « En ce moment, je pense que je ne suis pas très loin du conflit. Les batailles les plus dures sont probablement à 120 km d'où nous sommes. Mais j'ai pris ma décision donc tout va bien. Je n'ai pas peur. (…) Je n'ai pas le droit de divulguer quel est mon rôle dans l'armée. Maintenant, nous sommes instruits. À chaque minute, nous sommes prêts à aller là où ils nous disent. Je n'ai pas encore utilisé mon arme, mais je suis prêt, toujours. À tout moment. »

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Prêt à défendre son pays, Vernydub n’a pas peur, comme beaucoup de ses compatriotes, de traiter Vladimir Poutine et les médias russes de « menteurs ». Acerbe sur le chef d’État russe, l’Ukrainien échappera-t-il à la folie de ce conflit armé ? Lui ne veut pas voir son pays faire des compromis… et espère bien retrouver le ballon rond. « Je pense que la paix n'arrivera que lorsque nous gagnerons. Je pense que les exigences de la Russie sont impossibles à atteindre. Nous ne nous retirerons pas. Il y a un besoin de dialogue, mais nous ne satisferons pas leurs ultimatums. Nous voyons des négociations se dérouler et j'espère qu'ils auront assez d'intelligence pour arrêter cette guerre. Tout d'abord, j'espère que les enfants et les femmes ne mourront plus. C'est la chose la plus importante. (…) Penser au football me motive. Le football c'est ma vie. J'espère que cette guerre ne durera pas longtemps. Nous gagnerons et je retournerai à mon travail bien-aimé. » C’est tout ce que l’on peut lui souhaiter.

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