Wilfried Moimbé-Tahrat : «je me suis toujours dit que si j’ai un appel de la MLS, j’irai sans hésiter, même à vélo»

Par Aurélien Macedo
14 min.
Wilfried Moimbé-Tahrat sous le maillot de l'AS Nancy-Lorraine contre le FC Lorient @Maxppp

Libre depuis le mois de janvier, le latéral gauche Wilfried Moimbé-Tahrat est un visage familier du championnat de France. Le natif de Vichy compte 231 rencontres à son actif entre la Ligue 1 et la Ligue 2. Pour Footmercato, il est revenu sur ses différentes expériences dans l'Hexagone avec Bordeaux, Tours, Brest, Nantes et Nancy mis aussi sur sa découverte de la Major League Soccer. Parti six mois aux États-Unis avec Minnesota United, il en garde de très bons souvenirs. Il a également fait le point sur sa situation actuelle et sur la suite de sa carrière.

Footmercato : vous êtes libre depuis janvier et la fin de votre contrat avec Minnesota United, comment on gère ce genre de période ?

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Wilfried Moimbé-Tahrat : quand la fin de mon contrat est arrivée en janvier, bien sûr c'était le mercato hivernal en Europe et en fait j'avais tellement envie de retourner aux États-Unis. J'étais en pourparlers avec mon club de Minnesota et puis d'autres, je n'ai pas répondu positivement aux autres équipes européennes, car pour moi footballistisquement je voulais rester aux États-Unis et même au niveau familial. Je n'avais qu'une envie, retourner là-bas. J'ai donc refusé les appels européens. On gère comme on peut, dés que j'ai su que j'arriver en fin de contrat j'ai pris un préparateur physique que je connaissais en France, je suis rentré en France. Je m'entraînais aussi avec un petit club (Toul, ndlr), car rien ne remplace le ballon. Je pouvais m'entraîner avec la réserve de Nancy, mais vu que je voulais bien profiter de ma famille, j'ai fait ce choix. J'alternais entre un jour d'entraînement avec le club et un autre avec le préparateur physique comme ça je m'entraînais tous les jours.

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FM : en ce moment ça doit être plus compliqué avec le Coronavirus, comment vous le vivez ?

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WM : c'est compliqué, car on n’a pas de visibilité. En France ça s'est arrêté, dans les autres championnats ça continue. Il y en a qui ne savent pas quand ils vont reprendre ou pas. C'est pour ça qu'il faut continuer de s'entraîner, garder la forme parce qu'on ne sait jamais. En France, les préparations vont vite revenir et dans les autres clubs on peut demander si le joueur est fit. Et s'il faut venir signer et qu'on ne l'est pas, ce n'est pas bon. Donc voilà on continue, ce n'est pas facile, mais ça fait une à deux semaines que les négociations reprennent de plus belle.

FM : justement les clubs n'auront pas forcément beaucoup de moyens pour recruter. Ce statut d'agent libre peut-il vous servir ?

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WM : oui c'est ça. On sait qu'avec le Covid-19 et ce qu'il s'est passé, les clubs auront une moins grande manne financière et voudront sûrement dépenser un peu moins. Et c'est pour ça que des joueurs comme moi qui connaissent bien la Ligue 1, la Ligue 2 et qui ont de l'expérience peuvent venir à moindre coût. Sans payer un transfert, ils peuvent avoir un joueur.

«Au niveau des infrastructures, ça reste au-dessus de beaucoup de clubs en Ligue 1 sauf Lyon et le PSG»

FM : pourquoi avoir fait le choix des États-Unis ?

WM : sincèrement hors football c'est un pays qui depuis tout petit m'a toujours vraiment fasciné et intéressé. Quand j'étais petit, je me prenais pour un Américain (rires). À la base, je pensais que c'était un championnat pour les latéraux. En MLS en règle générale, ils vont en Europe pour prendre des grands attaquants de renom donc je ne m'étais jamais focalisé sur ce championnat. Je me suis toujours dit que si j'ai un appel de ce championnat, j'irai sans hésiter. Même à vélo (rires). On m'a proposé, j'ai tout de suite accepté et quelques jours après je suis parti. Je suis très content de ces six mois.

Minnesota ce n'est pas vraiment la première ville à laquelle on pense lorsqu'on évoque les États-Unis. On pense plus à Los Angeles, Miami, New York ... Comment as-tu vécu cette expérience ?

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WM : exactement, mais pour vous dire en tant qu'Européen, que Français où on a que Paris comme très grande ville. Sincèrement, Minneapolis c'est une ville lambda pour les Américains, mais moi quand je suis arrivé, je me suis dit "où est-ce que je suis". C'est gigantesque, c'est une superbe ville avec des beaux endroits à visiter. Mes enfants et ma femme ont été surpris positivement et moi aussi. Au bout d'un mois, j'avais envie de vivre ici plus tard. Donc voilà ce que je pense de Minneapolis. Oui au niveau expérience de vie c'est super. Mes enfants étaient dans une école américaine, ma femme s'est régalée, je me suis régalé. Et puis même lorsqu'on parle des États-Unis, on pense souvent extra sportif, mais sur le plan sportif même j'ai été agréablement surpris par le niveau des infrastructures, du stade, des supporters, de tout. J'ai eu zéro point négatif. Je ne connaissais pas, mais mon pote Romain Métanire y était et me donnait que des points positifs. Je me disais, ce n'est pas possible qu'il me dise tout ça. En arrivant sur place, je me suis dit "ok Romain tu ne m'as pas menti, tout est incroyable". Après ils ont la manne financière. J'ai des amis en Ligue 1 à Lyon, à Nice et je peux comparer. Bon ce n'est peut être pas aussi bien qu'à Lyon, mais ça reste au-dessus de beaucoup de clubs en Ligue 1 sauf Lyon et le PSG. Et on avait aussi un stade de 30000 places toujours plein.

FM : est-ce qu'on se rend compte que le football prend de plus en plus de place aux États-Unis ?

WM : c'est ça, j'aime bien regarder tous les championnats, je suis ouvert à tout, j'aime regarder. Je regardais il y a six ans, je regarde maintenant ... Six ans c'est peu, mais l'engouement est incroyable. Et même au cours de la saison j'ai pu voir que l'engouement y était. Le futur c'est la MLS. C'est ce qu'ils veulent faire, être les plus grands détrôner tout le monde. Mais un jour, peut-être pas dans 5 ans, car il y a l'Europe et la Ligue des Champions, mais 30-40 ans je peux vous dire qu'ils seront peut-être au même niveau.

FM : Minnesota est une franchise jeune, en MLS depuis 2017 et qui a du mal au début. Vous tombez bien, lorsque vous arrivez, le club participe pour la première fois aux play-offs.

WM : c'était un club de la division inférieure qui a donc rejoint la MLS. Quand les franchises se créent, elles ont beaucoup de mal parce qu'il y a une revue d'effectif de 10-15 joueurs. Ils essayent d'apporter les meilleurs, mais voilà si tu as les meilleurs joueurs et qu'ils se connaissent pas c'est pas évident. Ils ont pris le temps, changer de coach, de joueurs. Quand je suis arrivé, un peu avant, j'ai regardé plusieurs de leurs matches sur les deux ans et on voyait une nette évolution. La mayonnaise prenait et les joueurs étaient en collaboration avec le jeu que le club prônait et c'est comme ça qu'on a pu atteindre les play-offs.

FM : personnellement ça a été plus compliqué avec peu de matches à se mettre sous la dent, mais comment avez-vous perçu le niveau de jeu en MLS ?

WM : déjà pour vous dire, le championnat est en décalé avec l'Europe donc j'ai fini mon année à Nancy, j'ai eu beaucoup de vacances. J'ai quand même fait une préparation, mais ça a été compliqué physiquement. Ils comptaient beaucoup sur moi à la base et ont voulu me lancer rapidement, car les play-offs arrivaient. Au niveau physique c'était compliqué, un jeu à l'Anglaise box-to-box, ça se rapproche de la Championship, il fallait que je m'adapte. J'ai eu moins de temps de jeu qu'escompté, dommage c'est le football. Le niveau me fait penser à de la Championship, après il y a des équipes comme Los Angeles FC ou Atlanta qui auraient leur place en Premier League. Alors pas dans les premières places bien sûr, mais ils se battraient avec des bonnes équipes. Mais même au sein des équipes, le niveau est pas toujours homogène. Il y a parfois des gros joueurs et des joueurs avec un plus petit salaire d'un niveau inférieur à la Ligue 1. C'est encore déséquilibré à ce niveau-là.

«Je pense que sans mes blessures musculaires, j'aurais pu faire mieux »

FM : vous êtes formé à Bordeaux, mais malheureusement c'est au moment où les Girondins sont au sommet avec en point d'orgue le titre en 2009...

WM : je suis sorti au moment où il y avait Trémoulinas côté gauche. Il faisait partie des trois meilleurs latéraux en France et il était même international. Il y avait aussi Wendel et ses 10 buts/10 passes décisives par saison. Mais je me suis accroché et ils m'ont demandé que je m'aguerrisse, je l'ai fait. Je n'ai pas pu revenir, mais j'ai rejoint Tours pour m'inscrire dans un projet avec l'envie d'aller à terme en Ligue 1. Ça s'est fait sur le tard, car Max Marty à l'époque demandait un peu trop. Ce n’était pas des gros clubs, juste des équipes de Ligue 1 comme Valenciennes, Montpellier, Lorient et à chaque fois ça a capoté, car monsieur Marty demandait un peu trop. La dernière année j'ai failli signer à Lorient, mais ça a capoté et c'est Raphaël Guerreiro qui a signé. Je suis reparti à Brest avec un projet de montée où je fais mes meilleures saisons. J'ai failli rejoindre la première année Rennes et Guingamp puis finalement je suis parti à Nantes avec qui malheureusement j'ai connu mes plus grosses blessures. Et puis en Ligue 1, ils n'ont pas le temps d'attendre donc ils ont recruté, j'ai essayé comme j'ai pu. J'en garde un regret. Pas par rapport à Nantes, mais par rapport à moi. Sans prétention aucune, mais je pense que sans mes blessures musculaires, comme par hasard j'en ai plus, j'aurais pu faire mieux et me battre pour être titulaire en puissance et aller plus haut. Je suis croyant, je pars du principe que c'est comme ça, c'est la vie.

FM : vous avez fait qu'un seul match avec Bordeaux, c'était contre le Panionios en Coupe UEFA, vous rentrez et marquez. Ça a été un match spécial pour vous ?

WM : totalement, à l'époque je n'avais pas encore signé de contrat professionnel, je m'entraînais avec le groupe pro. On était qualifié, donc le coach me prend dans le groupe. C'est comme en Ligue des Champions, on entend la musique, on va là-bas. Je prie pour rentrer, finalement je rentre à 2-2 et j'inscris le but de la victoire. Un grand moment dans ma carrière pour moi et ma famille. C'est un très bon souvenir que je garderai jusqu'à la fin de ma vie.

FM : la première saison à Nantes commençait bien, mais après vous avez eu des blessures et la troisième est blanche...

WM : oui c'était ça, la première saison je suis titulaire sauf quand je suis blessé bien sûr. C'est là où j'ai le plus joué. Vu que j'ai connu des pépins, ils ont recruté un latéral et avec toujours ces blessures j'ai moins joué. La dernière année, Claudio Ranieri arrive, je ne suis pas du tout dans ses plans. Je n'arrive pas à partir au mercato d'été donc je pars au mercato d'hiver.

FM : pourquoi avoir fait un choix d'aller en Ligue One ensuite alors que tu jouais en Ligue 1 ?

WM : de base j'aurais pu aller à Amiens, mais ça ne s'est pas fait et sinon j'avais des clubs de Ligue 2. En discutant avec ma femme, mes agents, j'avais eu beaucoup d'expériences en Ligue 2 et j'avais besoin de découvrir une autre culture, un autre pays, j'avais tellement faim de foot donc je me suis dit pourquoi pas aller dans le pays du foot. Et puis il y avait aussi le président Waldemar Kita qui connaissait le président Abdallah d'Oldham, donc ça a facilité l'échange et voilà pourquoi j'y suis parti tout simplement. On s'est battu pour éviter la relégation et on n'a pas réussi, mais c'était une bonne expérience dans une belle ville de Manchester. Le stade était plein, avec de l'engagement, beaucoup d'envie et de tacle, mais c'était une bonne expérience. C'est très particulier venant de France. On ne sait jamais quand l'arbitre va siffler (rires). Ça a été particulier, mais pour ceux qui me connaissent, je suis quelqu'un qui n'a pas peur et aime bien s'engager. Je n'ai pas un physique de gros bonhomme costaud, mais ça ne me dérange pas d'aller au contact bien au contraire. C'est dans leur culture, le fighting spirit, ça donne des matches engagés, mais dans le respect.

FM : je vais parler d'un autre but marquant, il a été inscrit la saison dernière avec Nancy contre le Red Star. Ça déclenche pas mal de choses sur la fin de saison pour Nancy ?

WM : effectivement, pour remettre dans le contexte, la saison de Nancy a très mal débutée. On commence avec 7 ou 8 défaites (7, ndlr), j'ai rejoint l'équipe en cours de route. Le match arrive quelques journées après. On se dit au club que si on ne gagne pas ce match ça va être très compliqué. Déjà le Red Star est un concurrent direct et puis quand après 15 journées tu n'as pas beaucoup de victoires, ce n’est pas évident. Voilà, déclic sur ce match qu'on gagne 1-0 et puis il y a ce beau but. J'en marque pas souvent, mais là comme par hasard j'en marque un beau, donc voilà. D'ailleurs aux Trophées UNFP, il a été élu plus beau but de Ligue 2. Je pense qu'il nous fallait un déclic, ce n’est pas que moi, c'est l'équipe, on marque ce but incroyable. Peut-être que je l'aurais tenté à un autre moment j'aurais tué un pigeon. But incroyable pour une fin de saison incroyable. C'est vrai que quand le coach (Alain Perrin, ndlr) est arrivé, on a mis en place des choses, on a fait une revue d'effectif et ça a permis de changer plein de choses. Même si je n'oublie pas mon coach Didier Tholot, car je suis proche de lui. Je l'ai connu à Reims, il m'a fait venir à Nancy et c'est quelqu'un de très sérieux et consciencieux. Ce n'était pas de sa faute, je dis toujours que c'est de notre faute les joueurs. C'est dommage, car c'est un super coach et ça peut ternir une image.

«C'est rassurant quand des clubs de Ligue 1 et Ligue 2 prennent la température»

FM : vous avez 31 ans, c'est quoi l'objectif ? Plutôt revenir en France ou repartir à l'étranger ?

WM : pour être très honnête, ma première envie était de repartir aux États-Unis, car j'aime le championnat, la mentalité, leur culture, leurs stades. Et puis comme je le dis, la MLS c'est le futur donc j'avais des objectifs sportifs. Il me reste donc 3, 4, 5 années et c'est vrai que j'aimerais bien faire ma reconversion là-bas, mais bon on en reparlera. Sinon je suis ouvert à tout. Je suis ouvert à la Ligue 1, les clubs de Ligue 2 avec projet de montée, j'aime me battre pour quelque chose. Et puis certains pays exotiques ou pas. Pour certains je ne peux pas, car j'ai une famille, j'ai 4 enfants et je ne veux pas aller n'importe où. Et il y a certains pays avec des équipes structurées et en progrès. J'ai les États-Unis dans un coin de ma tête, la Ligue 1 et la Ligue 2 avec un bon projet et puis le reste pourquoi pas, on verra bien aussi. En France ça commence à reprendre et ça commence à aller plus loin que les simples discussions. Ces derniers jours, j'ai eu l'appel d'un coach et un club m'a également fait une proposition. C'est vraiment positif et je vais faire le meilleur choix tout en prenant compte de l'aspect sportif et familial.

FM : justement, d'avoir des discussions plus avancées, c'est rassurant après une aussi longue période d'inactivité ?

WM : pour un footballeur c'est toujours rassurant, car quand on ne joue pas pendant 6 mois on se pose la question si ce club-là et apte pour ce profil ou non. Je suis quelqu'un de 31 ans, je suis rassuré sur ce que j'ai fait en Ligue 1 et en Ligue 2. Certains coachs et certains présidents me connaissent aussi. Sans prétention aucune, comme les gens ont pu voir à Nancy, je suis encore en jambes. Je suis quelqu'un de fit, pas très gros. C'est rassurant quand des clubs de Ligue 1 et Ligue 2 prennent la température et puis ça motive encore plus pour courir le lendemain matin. On m'a toujours dit que tu peux avoir le talent, mais si tu n'as pas le mental ça ne le fait pas. Le mental c'est à l'image de ma carrière aussi. J'ai jamais été Messi ou Zidane, mais j'ai bossé, j'ai travaillé et j'ai jamais lâché.

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