Que devient le club naufragé de Sunderland, star de Netflix ?

Par Quentin Dagbert
11 min.
Sunderland AFC @Maxppp

Passé de la première à la troisième division anglaise en l'espace d'un an et trois mois seulement, Sunderland a vécu un voyage au bout de l'enfer sous l’œil des caméras de Netflix. Désormais en pleine reconstruction, le club emblématique du nord de l'Angleterre lutte actuellement pour une remontée immédiate, mais que sont devenus les acteurs du naufrage ?

En mai 2017, Sunderland jouait en Premier League contre Chelsea. En août 2018, les Black Cats affrontaient Charlton en 3e division anglaise. Entre les deux périodes, il y a une saison en Championship (2e division), tragiquement et parfaitement résumé par la plate-forme de vidéo en ligne Netflix, dans une série-documentaire intitulée "Sunderland ‘Til I Die", ("Sunderland jusqu'à la mort", en français).

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Deux relégations en deux saisons pour les "Chats Noirs". Le surnom des joueurs ("Black Cats" en anglais) colle parfaitement à la situation dramatique qu'ils ont vécue. Une terrible descente aux enfers qui a eu de lourdes conséquences. Changement de propriétaire, de staff, d'entraîneurs, ventes et libérations de joueurs cadres et restructuration du personnel, les fans du club de la Wearside en ont vu de toutes les couleurs depuis deux ans.

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Des dettes épongées

L'ex-propriétaire Ellis Short, qui refusait de remettre la main à la poche après de multiples transferts flops durant les saisons précédentes de Premier League, a vendu son club après 10 ans de règne, et 9 entraîneurs différents. Il aura eu ce qu'il voulait, car l'homme d'affaires avait déjà l'intention de céder son bébé depuis quelque temps. C'est d'ailleurs l'une des principales raisons pour laquelle il a accepté que les caméras de Leo Pearlman et Ben Turner (producteurs de la série-documentaire) s’immiscent dans les coulisses de Sunderland. Avec ce film, Ellis Short espérait attirer de potentiels investisseurs financiers. Finalement, c'est en plein tournage qu'aura lieu la vente, après l'ultime relégation. Avant de partir, en grand seigneur, Ellis Short a épongé les dettes de Sunderland, estimé à plus de 100 millions d'euros.

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Le nouveau propriétaire Stewart Donald n'a pas la même richesse que celui qu'il remplace. Détenteur de plusieurs sociétés et accessoirement fan d'Oxford United (League One), cet homme d'affaires spécialisé dans les assurances a déjà une expérience dans le monde du football. En cinquième division plus précisément. Avant d'acheter Sunderland, il a pris le soin de vendre le Eastleigh FC dont il était le patron depuis six ans. Le businessman, qui n'a pas sa langue dans sa poche, estime avoir investi au total plus de 10 millions d'euros dans ce club de D5. « 10 M€, c'est 9,5 M€ de plus que je pensais investir à la base, mais je le referai », avait-il déclaré ironiquement au Daily Echo en 2017. Lors de son premier mercato hivernal à Sunderland, il a déjà prouvé qu'il était capable de mettre la main au portefeuille.

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Will Grigg is not on fire

En recrutant Will Grigg justement. 3,4 millions d'euros dans les poches de Wigan (Championship). Une somme conséquente pour un club de League One, même à l'heure où le mercato anglais n'a plus de limites. Pas encore en feu, le célèbre attaquant nord-irlandais n'a inscrit que 2 buts en 9 matchs de championnat. Il est venu remplacer la pépite Josh Maja (20 ans). Considéré comme l'un des plus gros espoirs du club, le buteur a été transféré en janvier aux Girondins de Bordeaux pour 1,7 million d'euros (un montant encore flou aujourd'hui). Avant de rejoindre la Ligue 1, où il a pour l'instant disputé 5 matchs, le jeune attaquant a brillé en League One, inscrivant 15 buts en 24 rencontres.

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Après son transfert, le natif de Londres est revenu à Sunderland pour remercier le personnel pendant ses années passées au club. Un geste salué par le nouvel entraîneur des Black Cats, Jack Ross. « Il est revenu pour y laisser des cadeaux, avec des cartes écrites, remerciant tout le monde de leur soutien. C'est l'exemple de comportement d'un jeune homme qui est quelque chose que les gens de l'extérieur ne voient pas forcément », a-t-il déclaré dans les colonnes du Sunderland Echo.

Chris Coleman chez les Chinois

Avant Jack Ross, il y a eu d'abord Simon Grayson (49 ans) qui était aux commandes du désastre en Championship. Après s'être fait virer en novembre, il a retrouvé un club (Bradford City, League One) en février 2018, pour être de nouveau remercié à l'issue de la saison. Ensuite, c'est l'entraîneur charismatique Chris Coleman (48 ans) qui a suivi. Limogé juste après l'échec du maintien et avant même la fin de saison, il n'a pas attendu très longtemps pour retrouver une opportunité. En juin 2018, le Gallois a remplacé Manuel Pellegrini sur le banc du Hebei China Fortune, en première division chinoise. Il s'en sort même plutôt bien en signant un contrat de deux ans et demi d'une valeur globale de près de 3 M€. L'ancien sélectionneur du Pays de Galles a terminé 6e du classement lors du dernier exercice et continue l'aventure chinoise cette saison.

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Rappelez-vous également de Martin Bain (51 ans), le directeur sportif, qui a quitté le club d'un commun accord en juin 2018. Détesté par les supporters pour ses multiples mercatos ratés, la diffusion du documentaire a semble-t-il amélioré son image. Dans les coulisses du club, on se rend facilement compte que Martin Bain n'a que très peu de pouvoir, avec un budget mercato proche du néant et un propriétaire aux abonnés absents. La situation était inévitable. Un sondage publié sur le site SB Nation montre que 79% des fans ont changé d'opinion à son sujet. À l'heure actuelle, l'Écossais n'a pas retrouvé de travail.

Jonathan Williams, après le psy, le placard

Du côté des joueurs, Sunderland a connu évidemment de nombreux départs, vestiges des saisons de Premier League. Ainsi, le club du Wearside a récupéré près de 26 millions d'euros dans divers transferts. Wahbi Khazri (27 ans) à Saint-Étienne, Paddy McNair (23 ans) à Middlesbrough, Fabio Borini (27 ans) à l'AC Milan et Jeremain Lens (30 ans) au Besiktas en font notamment parties. Nommé meilleur espoir de l'année du club à l'issue de la saison 2017/2018, l'attaquant suédois Joel Asoro (19 ans) a quitté le club l'été dernier, pour rester en Championship et évoluer avec Swansea City. Montant du transfert : 2,3 millions d'euros.

Victime de blessures à répétition, en perte totale de confiance, montrant sa solitude absolue devant les caméras avec une visite chez un psychologue, l'international gallois Jonathan Williams (25 ans) est l'un des principaux symboles de la chute de Sunderland. Il n'était que prêté mais le club comptait beaucoup sur lui pour remonter la pente. Il joue désormais pour Charlton dans la même division que Sunderland. Club qu'il a rejoint librement au mercato d'hiver après six mois passés dans le placard de Crystal Palace (Premier League).

Les symboles Darron Gibson et Jack Rodwell

Filmé en état d'ébriété critiquant ses coéquipiers dès les premières minutes du documentaire, arrêté en état d'ivresse après avoir provoqué un accident de voiture dans l'épisode 7, Darron Gibson (31 ans) incarne lui aussi la déchéance des Black Cats. Le milieu irlandais, licencié en mars 2018 par Sunderland pour faute grave, a tout de même retrouvé un club, six mois plus tard. Il s'agit de Wigan, en Championship, où l'ex-joueur de Manchester United envisage déjà de terminer sa carrière, comme il l'a déclaré dans une interview au Wigan Post. Il a sûrement trouvé la bière à son goût chez les Latics.

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À Wigan, l'ami des pubs a d'ailleurs retrouvé Callum McManaman (27 ans), qui avait été recruté lors du dernier jour du mercato d'été 2017, en catastrophe. Quant à Ashley Fletcher (23 ans), le jeune buteur qui avait de grandes difficultés à trouver le chemin des filets, il est retourné à Middlesbrough (Championship), qui l'avait seulement prêté. Rien n'a vraiment changé pour lui : 3 buts en 11 matchs de championnat, dont deux lors des deux dernières rencontres. Un rendement jugé insuffisant à Boro pour cet espoir anglais acheté 7,3 M€ à West Ham en 2017.

Ndong, Djilobodji et Koné en Ligue 1

Et que dire de Jack Rodwell (28 ans), le milieu de terrain anglais que Sunderland avait acheté 12,6 millions d'euros à Manchester City en 2014. Au centre des tensions pendant le mercato d'hiver, il avait refusé de se libérer de son juteux contrat (82 000 euros par semaine), ce qui aurait bien facilité la tâche à Martin Bain. Le directeur sportif avait tout fait pour le voir partir et retrouver une santé financière permettant de recruter, sans succès. Il retrouve aujourd'hui peu à peu la forme sous les couleurs de Blackburn en Championship avec 17 matchs de championnat au compteur.

La Ligue 1 a également profité des déboires de Sunderland. En récupérant librement Didier Ndong (24 ans) et Papy Djilobodji (30 ans) en janvier 2019, Guingamp s'est renforcé gratuitement. Mais en septembre dernier, Sunderland a voulu porter plainte contre ces deux joueurs. Ils sont accusés d'être revenus à l'entraînement (ou pas) hors de forme par volonté de se dévaluer et de rompre leur contrat, ne souhaitant pas évoluer en League One. «Il y a une obligation pour les joueurs de revenir dans une condition physique qui leur permette de jouer au foot, mais la réalité, c’est que j’aurais probablement été meilleur que Djilobodji quand il est revenu», avait alors déclaré le propriétaire punchliner Stewart Donald à TalkSport. Lamine Koné (30 ans), lui, a été prêté à Strasbourg cette saison.

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Les joueurs ne voulaient pas de Netflix

Signe de cette saison catastrophe en Championship, Sunderland a changé trois fois de gardiens de but au cours de l'exercice et n'a pas été épargné par leurs boulettes. Jason Steele (28 ans), Robbin Ruiter (31 ans) et Lee Camp (34 ans) se sont partagé les cages avec 15 rencontres pour le premier, 20 pour le second et 12 pour le troisième, avec un total de 80 buts encaissés. Seul le Néerlandais Robbin Ruiter est resté chez les Black Cats, sans être pour autant titulaire. Jason Steele a rejoint Brighton & Hove Albion en Premier League pour être numéro 3, pendant que Lee Camp garde honorablement les cages de Birmingham City en Championship.

Ces nombreux départs ont finalement ressourcé le club, qui avait besoin de repartir de zéro. «C'est le premier vestiaire dans lequel je suis à Sunderland où tout le monde, ou presque, parle anglais», explique le virevoltant milieu offensif George Honeyman au micro de Sky Sports. Un vestiaire qui n'était d'ailleurs pas unanime quant à la présence des caméras de Netflix durant la saison passée. «De mon point de vue et je dirais que c'est aussi celui de 99% des joueurs, nous ne voulions pas de ce documentaire», a révélé John O'Shea à la radio BBC, parti à Reading en juillet dernier.

Un demi-million de spectateurs en League One

Parmi les joueurs qui sont restés en troisième division, faute de mieux, ou pour aider le club, on retrouve notamment l'Irlandais Aiden McGeady (32 ans) et le capitaine Lee Cattermole (30 ans), au club depuis 2009. Mais aussi l'espoir formé au club George Honeyman (24 ans), l'arrière gauche costaricien Bryan Oviedo (29 ans), le gardien de but remplaçant Robbin Ruiter (31 ans), l'arrière droit Adam Matthews (27 ans) et l'ailier américain Lynden Gooch (23 ans).

Bien sûr, il y a également les fans. «Sunderland jusqu'à la mort», c'est bien plus qu'une simple phrase. L'impressionnant Stadium Of Light, d'une capacité de 48 000 spectateurs, attire toujours autant de monde, même plus. La moyenne de l'affluence de cette saison en League One (31 327) est supérieure à celle enregistrée en Championship (27 635) l'an dernier. Le stade de Sunderland a accueilli plus de 500 000 personnes à domicile au total après 35 journées. Un demi-million, en troisième division. Un chiffre qui ne fait que confirmer l'attachement extraordinaire des supporters pour le club de cette ville ouvrière.

Une saison 2 sur Netflix, pour un retour en Championship ?

Désormais entraîné par l'Écossais Jack Ross (42 ans) en League One, Sunderland est actuellement sur le podium (3e) après 37 journées, à la lutte pour remonter directement en Championship. Les Black Cats sont à 2 points de Barnsley (2e) et va devoir lutter jusqu'au bout pour atteindre les deux premières places du classement, donnant directement accès à la deuxième division. De la 3e à la 6e place, il faudra passer par les barrages pour décrocher le troisième ticket.

Autre motif d'espoir pour les fans, il y aura une finale d'EFL Trophy à jouer. Le dimanche 31 mars, Sunderland affrontera Portsmouth à Wembley pour remporter cette compétition réservée aux ligues mineures d'Angleterre. Les 40 000 places réservées aux fans des Black Cats ont trouvé preneur en deux jours. Tout cela sera à suivre une nouvelle fois sur Netflix, qui a d'ores et déjà annoncé le tournage d'une partie 2 du documentaire, au cœur de cette nouvelle saison de reconstruction en League One. L'occasion de revoir notamment la cuisinière Joyce Rome, qui prépare toujours les petits plats des joueurs. En tout cas, l'optimisme est de retour à Sunderland. Mais avait-elle vraiment quitté ces fans à l'amour inconditionnel ?

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