Liga, Elche : Christian Bragarnik, le patron du football argentin à la conquête de l'Europe

Par Max Franco Sanchez
6 min.
Bragarnik lors d'une conférence de presse à Elche @Maxppp

Alors qu'il tire déjà les ficelles du foot argentin, l'entrepreneur et avocat Christian Bragarnik s'attaque maintenant au marché européen.

Le nom de Christian Bragarnik ne vous dit probablement rien, du moins si vous ne suivez pas ce qui se passe de l'autre côté de l'Atlantique. Et pourtant, cet homme pèse autant que certains de nos super-agents favoris ici en Europe. Son histoire, c'est celle d'un footballeur très modeste des années 90, attaquant de pointe ayant réalisé la plupart de sa carrière entre la 4e et la 5e division argentine, qui lorsqu'il n'était pas sur la pelouse travaillait dans un vidéo club de quartier, autre chose que les plus jeunes d'entre vous ne connaissent sûrement pas. Un business modeste qu'il dirigeait avec un ami, et 20 ans plus tard, le voici homme le plus influent du football argentin. Son ascension fulgurante démarre très tôt, lorsqu'il met à profit ses connaissances en édition de vidéo - d'abord utilisées pour filmer et faire des vidéos de mariages - pour créer des compilations de joueurs pour des amis agents.

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A l'époque, bien avant les réseaux sociaux, la fibre optique, les services de messagerie et les outils d'édition facile à prendre en main, c'était un véritable travail d'avoir des VHS avec les meilleures actions des joueurs, que les agents envoyaient ensuite aux clubs. Peu à peu, il se tisse un réseau, et sentant le bon filon, commence des études de droit et décroche un diplôme d'avocat. Jusqu'à cette année 2001, où il signe son premier client, Mariano Monrroy, joueur de Talleres à l'époque. Quelques mois plus tard, le milieu offensif est transféré à Irapuato au Mexique, et Bragarnik commence à se faire connaître dans le pays centre-américain, au point d'être embauché par Querétaro et gravir les échelons jusqu'à devenir président. Son aventure au Mexique sera d'ailleurs couverte de zone d'ombres et de polémiques en tout genre, et le folklore local finira par prendre le dessus, alors que les patrons du club sont impliqués et détenus suite à des histoires de narcotrafic et de blanchiment d'argent.

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Il gère la fin de carrière de coach de Maradona

S'il se défend d'avoir trempé dans des histoires louches et qu'il n'a jamais été mis en cause par la justice, il est plutôt à l'aise dans cet environnement mexicain, qui a depuis bien changé. Dans ses diverses interventions, le sulfureux Argentin en rigole même, et avait en 2015 décoré ses bureaux avec des posters de Tony Montana et de vraies balles. Bragarnik décide de rester en terres aztèques et travaille notamment comme consultant pour plusieurs clubs, avant d'être embauché par les Xolos de Tijuana, où il étend encore plus son réseau. De retour au pays, il joue avec les lois et s'offre le club de Defensa y Justicia, club modeste de Buenos Aires qu'il parvient à faire monter en première division et l'emmène même à disputer des compétitions continentales. En Argentine, les clubs ont l'obligation d'être des associations sans but lucratif, et ne peuvent donc pas avoir d'actionnaire majoritaire (un peu comme le Barça et le Real par exemple), jusqu'à ce précédent créé par Bragarnik.

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La montée en puissance continue, comme son carnet d'adresse se remplit, à tel point qu'il devient même agent d'un certain Diego Maradona, qu'il emmènera par la suite au Mexique aux Dorados de Sinaloa, puis à Gimnasia de retour en Argentine. En 2019, il était probablement l'homme le plus puissant du foot d'Argentine et clairement l'un des plus puissants du continent, avec sa casquette d'agent, de conseiller, de dirigeant et bien plus encore. Avec ses entrées à l'AFA (la fédé argentine), son amitié avec le président de l'époque de Boca Daniel Angelici, ses contacts en Uruguay, au Mexique ou au Chili, il gère ses affaires sans trop d'obstacles sur sa route. Une quinzaine de coachs et plus de cents joueurs étaient ainsi clients de son agence Score Futbol. En Argentine, il y a eu des rencontres où il avait jusqu'à 13 joueurs sur la pelouse pendant des matchs du championnat national ! Et ça, sans compter les nombreuses affaires où il agit en tant qu'intermédiaire, comme lorsqu'il a ramené Jorge Sampaoli à la tête de la sélection argentine sans pour autant être l'agent de l'actuel coach marseillais. Il a aussi innové dans certains aspects. Lors du transfert de Dario Benedetto à Boca en provenance du Club América, il a ainsi préféré s'assurer une plus-value sur la revente plutôt que de toucher la commission habituelle estimée à 7% du transfert initial, chose à l'époque assez rare pour être soulignée par les médias du pays.

Elche, le tremplin pour conquérir l'Europe

Mais pour jouer dans la cour des grands, il lui manquait encore quelque chose : l'Europe. Peu à peu, il commence à placer des joueurs sur le Vieux Continent, comme Dario Benedetto à l'OM ou Lisandro Martinez à l'Ajax. En décembre 2019, il s'offre 58% des actions d'Elche, club de deuxième division à l'époque, et où il a notamment placé un de ces joueurs, Danilo Ortiz. Plus tôt, il avait même organisé un amical de la sélection argentine dans le stade du club de la cote est espagnole, face au Venezuela. Par la suite, il s'empare du reste des actions jusqu'à en détenir 98%, et le club est promu en Liga. Il n'hésite pas à placer ses billes dans le club, à l'image du défenseur central Ivan Marcone qu'il ramène de Boca, même si, comme tout bon businessman, les affaires passent avant tout. Il n'hésite ainsi pas à licencier le coach Jorge Almirón, dont il gère pourtant les intérêts, en février dernier suite à une série de mauvais résultats. C'est aussi un propriétaire plutôt présent, puisqu'il est par exemple en Espagne en ce moment pour s'occuper du mercato et a assisté au premier match amical de ses troupes.

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Son influence en Europe - en Espagne principalement - ne fait que de monter. En plus de ses pions placés à Elche, il est également l'agent d'Eduardo Coudet, l'entraîneur du Celta arrivé en cours de saison dernière et dont le travail a été salué chaleureusement par la critique Outre-Pyrénées. Si Elche a une saison encore le maintien pour objectif principal, c'est sur le moyen/long terme que Bragarnik souhaite construire. D'abord installer durablement l'écurie de la région de Valence en Liga, puis ensuite grimper les échelons. Cet été, on parle ainsi de l'arrivée de Dario Benedetto, qui en plus d'être un de ses joueurs a aussi des parts du club. Le tout pour ajouter un peu plus de touche argentine à l'équipe qui compte entre autres Pablo Piatti, Guido Carrillo ou encore Lucas Boyé. Il faudra également veiller à la bonne santé financière du club en temps de crise, mais c'est plutôt bien parti puisque le club a terminé cet exercice particulier et sans public dans le vert, comme c'était le cas lors de la saison 2019/2020. Par le passé, le club avait connu d'énormes difficultés financières, allant même jusqu'à être relégué administrativement en 2015. Désormais, Bragarnik, qui a d'ailleurs le président de la Liga Javier Tebas dans la poche, veut construire un centre d'entraînement de très haut niveau. Même si certains auront des inquiétudes légitimes d'un point de vue éthique et intérêts notamment, les supporters d'Elche savent que leur club est entre de bonnes mains...

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