Espagne, formation : la nouvelle génération d'ailiers brise complètement les stéréotypes !

Par Max Franco Sanchez
6 min.
Ferran Torres, Ansu Fati et Yeremy Pino @Maxppp

Yeremy Pino, Ansu Fati, Bryan Gil... Un nouveau prototype d'ailiers commence à fleurir en Espagne, avec des caractéristiques bien différentes des générations précédentes.

Si on parle de formation, l'Espagne est clairement l'un des pays qui truste les premiers rangs de la liste des puissances mondiales dans ce domaine. Des joueurs de qualité à la pelle, des trophées en veux tu en voilà dans les compétitions internationales U19 ou U21, et surtout un modèle de jeu commun dans toutes les canteras du pays de Cervantes. Une philosophie de jeu et de formation souvent symbolisée par le Barça et sa Masia, et qui a d'ailleurs pour origine Barcelone et la grande restructuration qui a eu lieu en Espagne à l'occasion des JO de la ville en 1992, mais qui s'applique partout. Les académies de Villarreal, de l'Athletic, de la Real Sociedad ou même du Real Madrid et du voisin et rival Espanyol n'ont ainsi pas à rougir face à la pépinière de talent du FC Barcelone...

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Seulement, cette philosophie de jeu très marquée et axée autour du jeu de position et de la possession à outrance a, logiquement, un revers de la médaille. Si l'Espagne a continué de sortir des talents au milieu de terrain après l'apogée et la fin de la génération XavIniesta - Thiago, Koke ou Rodri sont de bons exemples - il y a eu une sacrée pénurie à d'autres postes, principalement ceux d'ailiers et d'attaquants de pointe. Même pendant cette période dorée du football espagnol, il y a eu quelques lacunes, et ce n'est pas un hasard si des joueurs comme Andrés Iniesta, David Silva ou Cesc Fabregas, trois joueurs assez axiaux, ont été repositionnés à des positions plus avancées pendant leur aventure en sélection. Tant en sélection espagnole qu'en Liga, pendant de longues années, on a vu des milieux de terrain évoluer en tant qu'ailiers, principalement pour faciliter la possession du cuir. Isco ou Saúl Ñíguez en sont par exemple de bons exemples. Résultat, des équipes qui contrôlaient la rencontre, à qui il était difficile d'ôter le ballon, mais qui n'avaient que très peu de mordant.

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Des dribbleurs, enfin !

La tendance est cependant, peu à peu, en train de changer. Certes, il manque encore ce grand attaquant capable de s'approcher du niveau de Fernando Torres ou de David Villa, mais les joueurs offensifs qui commencent à fleurir sur les prés ibériques ont des profils bien différents de leurs aînés. Sur les ailes, on retrouve de plus en plus de joueurs dont la priorité est d'éliminer l'adversaire dès qu'ils reçoivent le ballon. Des joueurs de un contre un en somme, qui sont en plus pour la plupart capables de marquer avec une certaine aisance, et qui ne lésinent pas sur les efforts défensifs. Yeremy Pino, la dernière coqueluche de Villarreal, en est le meilleur exemple, bien accompagné par Ansu Fati, qu'on ne présente plus, en plus de Bryan Gil, parti à Tottenham l'été dernier et l'inévitable Ferran Torres, déjà indispensable en sélection. D'autres joueurs, encore un peu moins médiatisés, comme Marvin Park et Sergio Arribas (Real Madrid Castilla), Ander Barrenetxea (Real Sociedad), Nico Williams (Athletic) ou Rodri (Betis) s'inscrivent aussi dans cette nouvelle tendance de joueurs déséquilibrants et audacieux balle au pied.

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Bien évidemment, des joueurs comme David Silva étaient également excellents lorsqu'il fallait éliminer un joueur, mais ils n'avaient pas fait de cet atout une force principale, cherchant plus à briser des lignes via une passe bien sentie que balle au pied la plupart du temps. Une nouvelle génération de dribbleurs qui, du moins l'espèrent les amateurs de foot de l'autre côté des Pyrénées, va permettre à la sélection de retrouver de sa splendeur, et également redynamiter un championnat un peu en perte de vitesse, surtout au niveau du spectacle proposé. La Liga était d'ailleurs le grand championnat avec le moins de dribbles par match la saison dernière ! Un profil de joueur qui est également plus en accord avec le football dominant aujourd'hui, qui se pratique surtout en transition, en peu de touches de balle et avec des joueurs qui ont souvent de l'espace devant eux pour créer du danger.

Pourquoi ce changement ?

Forcément, on peut se demander les raisons qui expliquent cette émergence d'ailiers dribbleurs et provocateurs, qui semblaient un temps être à la cave en Espagne. Le changement de style de jeu du championnat a son rôle a jouer, sans doute. Il y a déjà plusieurs années que la plupart des écuries de Liga ont troqué ce jeu basé sur la possession (parfois à outrance) pour un jeu plus direct, où sur les situations de contre, les ailiers dribbleurs se régalent. Avoir des joueurs qui préfèrent contrôler le ballon, temporiser ou combiner dans des petits espaces peut donc être handicapant dans la configuration du foot actuel. On peut aussi signaler que la perte continue de stars et les moyens de plus en plus limités par rapport aux clubs anglais poussent logiquement les clubs et les coachs à lancer et responsabiliser des jeunes joueurs du centre de formation peut-être un peu plus tôt que si les places étaient occupées par des stars. L'exemple du Barça, et pas qu'au poste d'ailier puisqu'on peut citer Pedri, Mingueza, Araujo, Gavi ou Eric Garcia, entre autres, est probant.

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Après tout, ces dribbleurs ne sont pas sortis des académies espagnoles du jour au lendemain, et des joueurs comme Gerard Deulofeu, Cristian Tello, Jesé Rodriguez ou Samu Castillejo avaient eux aussi ce profil, mais ne sont peut-être pas tombés à la bonne époque, ou dans le meilleur contexte pour s'épanouir. Forcément, les formateurs ont aussi eu un rôle majeur à jouer, avec une tendance qui revient souvent en Espagne lorsque l'on écoute les formateurs : le football plaisir. Dans ce pays où certains tournois de U12 sont diffusés en direct sur les plus grandes chaînes, on insiste de plus en plus sur l'épanouissement du jeune par le sport, et la prise de plaisir avant la performance. Des campagnes sont régulièrement menées depuis plusieurs années pour sensibiliser les parents notamment, afin que ces derniers comprennent que le plus important reste que leurs progénitures s'amusent.

Le plaisir avant tout !

A l'heure où le football de rue n'existe plus vraiment puisque les gamins sont repérés de plus en plus tôt par les clubs et vite envoyés dans les centres de formation, c'est donc dans les douillettes installations des clubs espagnols que les jeunes pousses développent leur créativité et leur magie. « Le football ne peut jamais être un drame. C'est fait pour profiter et s'amuser, même quand tu ne gagnes pas. Ce n'est pas pour souffrir, ni pour que ça te rende triste, c'est ce que je disais aux gamins quand je les coachais », révélait Alvaro Benito, ancien joueur et pendant un temps formateur au Real Madrid, dans une interview récente à El Pais. Des propos qui résument bien la tendance de ces dernières années en Espagne, et qui explique pourquoi on voit ces jeunes joueurs s'éclater dans les plus grands stades du Vieux Continent, sans pression et sans aucun complexe. Amis fans de la Roja ou du foot espagnol en général, profitez !

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