La recette gagnante de Fribourg, joli dauphin du Bayern Munich en Bundesliga

Par Jordan Pardon
6 min.
Les joueurs de Fribourg en pleine communion @Maxppp

Sensation de la première partie de saison avec une deuxième place en Bundesliga et une présence en huitièmes de finale d’Europa League, le SC Fribourg s’apprête à attaquer la deuxième partie de saison ce samedi face à Wolfsburg (15h30). Zoom sur ce club qui tourne à plein régime sur, et en dehors du rectangle vert.

Alors que les saisons de Bundesliga s’étaient longtemps schématisées par une lutte acharnée entre le Bayern Munich et le Borussia Dortmund – majoritairement dominée par le club bavarois - la ligne de tendance est aujourd’hui autre. Avec le retour au premier plan de clubs historiques comme le Borussia Mönchengladbach, le Bayer Leverkusen, l’Eintracht Francfort ou encore l’émergence plus récente du RB Leipzig ou de Fribourg, la concurrence s’est largement homogénéisée derrière l’indéboulonnable ogre bavarois.

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De retour en Bundesliga en 2016, un an après avoir été relégué, Fribourg fait aujourd’hui office de sensation en Allemagne. Si le club au griffon a connu quelques zones de turbulences notamment en 2018, en échappant à la relégation de peu (15e sur 18), sa réussite s’est matérialisée la saison dernière. 4e de Bundesliga à deux journées de la fin, la formation de la Forêt-Noire a finalement terminé sur une pente glissante en se contentant d’une 6e place - tout de même qualificative pour l’Europa League - et d’une finale de Coupe d’Allemagne, la première de son histoire, perdue face à Leipzig (1-1, défaite 4-2 tab). Mais cette année, tout semble sourire aux Rouge et Blanc, dauphins du Bayern Munich à (presque) mi-parcours. Avec 30 points engrangés en 15 rencontres et une qualification pour les huitièmes de finale d’Europa League, le SCF propose l’un des jeux les plus léchés du championnat, alliant utile et agréable.

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Streich a trouvé chaussure à sa griffe

Si Fribourg figure aujourd’hui parmi les plus belles équipes d’Allemagne, il faut rendre à Christian Streich ce qui appartient à Christian Streich. Au club depuis 2011, l’Allemand est seulement le 4e technicien à occuper le banc fribourgeois depuis 30 ans, et fait aujourd’hui partie des entraîneurs les plus plébiscités outre-Rhin. Élu meilleur entraîneur de la saison dernière en Allemagne, ce technicien qui pourrait s’apparenter à l’antithèse de l’économie de spectacle, a su échafauder un projet de jeu très porté vers l’avant dans son désormais habituel 3-4-3. «Nous voulons juste jouer au football, ne pas nous contenter de faire le dos rond et d’attendre, et ça peu importe l’adversaire que nous affrontons. Je préfère perdre plutôt que de voir mon équipe s’asseoir et défendre», avait-il confié la saison dernière dans un entretien accordé à Bild. Uli Hoeness, ancien président du Bayern Munich entre 2009 et 2019, avait également regretté de «ne pas avoir osé faire venir Streich en 2018», en Bavière.

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Aujourd’hui, seul Diego Simeone officie depuis plus longtemps dans son club, parmi les entraîneurs en poste dans les 5 grands championnats européens. Mais pour obtenir la reconnaissance dont il jouit aujourd’hui à quelques dizaines de kilomètres de la frontière franco-allemande, Christian Streich a dû s’appuyer sur une ossature immuable au fil des saisons. Avec des joueurs fiables comme Vincenzo Grifo, auteur d’un triplé en 15 minutes cette saison face à l’Union Berlin et double buteur en novembre avec la Squadra Azzura, le défenseur autrichien Philipp Lienhart, arrivé du Real Madrid en 2017, ou encore le latéral gauche formé au club et international allemand Christian Günter, Streich a su trouver dans ce cadre l’écrin idéal pour laisser s’exprimer son âme offensive. Le succès éclatant 6-0 face à Gladbach la saison dernière ou encore la victoire 4-0 contre Nantes en Europa League cette année, constituent un tableau fidèle. Rare ombre au tableau de ces derniers mois : la correction subie face au Bayern Munich en octobre (5-0). «Nous voulions presser, être courageux comme toujours, mais ça n’a pas marché. Aujourd’hui, nous n’étions tout simplement pas en mesure de tenir tête au Bayern, physiquement et mentalement, et c’est pourquoi nous avons subi un tel revers», avait-il déclaré après la rencontre, comme pour rappeler sa fidélité sans faille à ses principes, quitte à parfois nager à contre-courant. Mais au delà de son entraîneur capable d’entraîner son groupe dans les étoiles, c’est aussi par sa gestion que Fribourg impressionne. Étonnamment sorti de la pandémie avec un profit de 10 M€, pendant que la majorité des clubs était au bord de la faillite, Fribourg a souvent vu son modèle d’auto-financement salué par les instances allemandes.

Un attachement à la formation et un recrutement astucieux

Très reconnu pour sa formation où sont notamment sortis des joueurs comme Matthias Ginter, Oliver Baumann ou encore Ömer Toprak, pour ne citer qu’eux, Fribourg sait incorporer ses jeunes sans pour autant griller les étapes. Dans son étude, le CIES a rapporté qu’aucun club allemand n’accordait plus de temps de jeu aux joueurs issus de son centre de formation que Fribourg (8 joueurs au total, pour 30,9 % des minutes disputées, soit le cinquième meilleur pourcentage d’Europe). Parmi eux, la révélation française Killian Sildillia, arrivée à l’été 2020 en provenance de Metz, et qui a su s’imposer malgré la concurrence féroce au poste de latéral droit. Désormais surveillé par le staff de l’équipe de France Espoirs et Sylvain Ripoll, le Français avait au départ évolué avec la réserve fribourgeoise, l’une des meilleures d’Allemagne et qui pointe encore cette saison à la 4e place de 3. Liga (D3 allemande). D’autres jeunes, comme les talentueux Yannik Keital et Noah Weisshaupt, commencent également à pointer le bout de leur nez dans l’effectif de Streich, dont l’attachement à la formation n’est plus à prouver. «Nous ne pouvons pas oublier que nous avons un programme d’académie extrêmement important à Fribourg. L’interrogation était : comment pouvons-nous incorporer les jeunes ? C’était tout simplement en les faisant jouer», avait-il déclaré, lui qui avait notamment dirigé l’équipe U19 de Fribourg, championne d’Allemagne en 2008.

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Mais sur le marché des transferts, la stratégie du SCF est aussi gagnante grâce à de juteuses plus values. Depuis 5 saisons, plusieurs ventes autour de 20 M€ ont été enregistrées. Le directeur sportif Klemens Hartenbach avait par exemple eu le flair d’aller chercher Çağlar Söyüncü en D2 turque en 2016, avant de le revendre deux ans plus tard pour 21M€ à Leicester. Même son de cloche pour Robin Koch, recruté de Kaiserslautern en 2017 alors qu’il totalisait une vingtaine de matchs en professionnel, et finalement cédé 20 M€ à Leeds en 2020, avec un nouveau statut d’international allemand. Maximilian Philipp et Nico Schlotterbeck, tous les deux vendus à Dortmund pour un peu plus de 20 M€, font eux, office d’ambassadeurs de la formation fribourgeoise, tout comme Kevin Schade, qui devrait rapporter environ 25 M€ à son club formateur, après son départ pour Brentford cet hiver. Un travail de politique sportive de longue haleine, qui mène aujourd’hui à des résultats consistants. Pour pallier le départ de Nico Schlotterbeck vers Dortmund l’été dernier, Fribourg a par exemple fait revenir gratuitement le champion du monde 2014 Mathias Ginter. Ritsu Doan, arrivé du PSV Eindhoven l’été dernier, Michael Gregoritsch ou encore Roland Sallai, ont au total coûté moins de 14 M€ à Fribourg. Un recrutement astucieux qui a aussi permis à des joueurs comme Vicenzo Grifo, Nils Petersen ou encore le gardien Mark Flekken, de se mettre en valeur et de devenir internationaux italiens, allemands et néerlandais. Comme quoi, même avec le 10e budget du championnat, on peut faire de grandes choses.

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