Romain Perraud : «je n’ai pas l’impression d’avoir changé de statut, je suis resté le même»

Par Aurélien Macedo
16 min.
Romain Perraud avec un mégaphone après Lorient-Brest @Maxppp

Auteur d'une saison pleine avec le Stade Brestois 29, Romain Perraud confirme tout le potentiel qu'il avait montré ces dernières saisons au Paris FC puis au sein du club breton. Désormais plus habitué aux exigences de la Ligue 1, il s'illustre dans son couloir gauche. Le latéral est revenu sur cette belle saison pour Foot Mercato et a fait le point sur son évolution personnelle.

Foot Mercato : il y a deux ans Romain, tu brillais avec le Paris FC lors d'un prêt. Depuis tu as quitté ton club formateur Nice pour Brest et tu t'es imposé comme une valeur sûre de ton poste en Ligue 1. Comment juges-tu ton évolution ?

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Romain Perraud : j'ai une évolution qui n'est pas celle typique du joueur qui sort de son centre de formation et commence à faire ses gammes avec son équipe formatrice. J'étais bloqué à Nice, il fallait que j'aie un bon de sortie. J'ai eu cette opportunité au Paris FC en fin de mercato (été 2018 en prêt d'un an), ça s'est bien passé et j'ai fait une belle saison. Il était important pour moi de prendre mon envol et de trouver un club qui pouvait me correspondre dans l'optique d'éventuellement jouer en Ligue 1. Brest est venu directement avec l'appel du directeur sportif Gregory Lorenzi. J'ai eu de très bons rapports avec lui et le coach donc j'ai pris la décision d'aller à Brest. Après une première saison d'adaptation à la Ligue 1 et perturbée par le Covid-19, cette année c'est une saison pleine pour moi même si elle n'est pas terminée. L'évolution s'est faite par étapes. Chacun à sa carrière et sa propre évolution, aujourd'hui je suis content de ce petit parcours réalisé même si rien n'est fait.

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FM : t'attendais-tu à une trajectoire un peu différente ?

RP : je suis resté fidèle à ma ligne de conduite. Si ça s'est passé comme ça, c'est que ça devait se passer comme ça. Il y a des concours de circonstances qui font que tu ne réussis pas directement dans le club où tu as été formé, mais ça te forge aussi. J'ai connu quelques échecs, ça m'a permis de rebondir. Des déceptions qui se sont transformées en ondes positives. Aujourd'hui je me suis servi de tout ça pour travailler en silence et essayer de progresser petit à petit à mon rythme pour essayer de gravir les échelons.

FM : à Brest, tu es titulaire depuis ton arrivée, mais l'année dernière a été un peu en dents de scie par moments, comment peux-tu l'expliquer ?

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RP : en dents de scie je ne sais pas, peut-être que c'était un peu irrégulier. Quand je suis arrivé à Brest, je ne me suis pas considéré comme un joueur indispensable ou comme un joueur qui arrivait comme titulaire indiscutable. Il fallait que je m'adapte et que je m'intègre à un groupe qui venait de monter en Ligue 1. Il fallait faire preuve d'humilité, de comprendre ce que demandait le coach, d'emmagasiner la charge de la Ligue 1, le niveau, la vitesse ... Il fallait que je m'adapte, c'est une année qui m'a beaucoup apporté sur le plan sportif et humain. Ça m'a permis d'être très bien dans le club et d'enchaîner avec une seconde saison où j'avais déjà mes marques. Une année d'adaptation vraiment positive pour moi.

FM : tu as pris une autre dimension cette saison et surtout tu te montres décisif offensivement avec 3 buts et 6 passes décisives en 33 matches. Le fait de rapidement marquer contrairement à l'année dernière t'as permis d'être plus facilement libéré ?

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RP : c'est vrai que le fait de marquer rapidement ça m'a donné de la confiance tout de suite même si ce n'est pas forcément mon job. Mon rôle premier est surtout de bien défendre. Souvent on me parle de statistiques, mais ce n'est pas ce qui m'importe le plus. Ce qui m'importe le plus c'est la gagne, car je suis compétiteur. J'adore énormément ça et puis je pense que le plaisir dans le football passe beaucoup par la victoire. Mais c'est vrai que d'avoir des statistiques ça permet de prendre confiance en soi et de croire en son jeu. Ça m'a permis de capitaliser surtout après une préparation où je me suis bien senti. J'ai beaucoup travaillé lors de l'intersaison. J'étais focus sur cette seconde saison à Brest pour aider mon club dans la mission maintien. J'ai fait mon travail de mon côté et puis ses statistiques en début de saison m'ont permis de prendre confiance et d'obtenir rapidement de la régularité. C'est vrai qu'aujourd'hui je suis bien content de ma saison.

«J'ai appris à connaître ce poste et à l'adopter. Je travaille au quotidien et j'essaye de m'améliorer dans plusieurs domaines.»

FM : tu as démarré ta formation au poste d'ailier avant de devenir latéral gauche, un poste où tu peux partir de plus loin. Tes qualités de contre-attaquant correspondent parfaitement à ce qu'on demande à un latéral aujourd'hui, sur quoi tu peux encore t'améliorer ?

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RP : c'est vrai que j'ai changé de poste, avant je jouais milieu gauche et même ailier gauche. Je pense qu'aujourd'hui le poste de latéral gauche est un poste moderne, car on lui demande beaucoup de choses. Il doit faire beaucoup de courses, centrer, frapper en phase offensive, d'apporter du soutien, bien relancé ... Et puis tu restes un défenseur avant tout. Quand tu es exposé à des duels en un contre un ou de défendre sur centre, il y a beaucoup de choses. J'ai appris à connaître ce poste et à l'adopter. J'ai encore des choses à apprendre, car cela ne fait pas si longtemps que je suis arrière gauche. Je peux m'améliorer tactiquement ou sur certains points, des petites choses à gommer. Je travaille au quotidien et j'essaye de m'améliorer dans plusieurs domaines.

FM : sur le flanc gauche tu es souvent associé à Romain Faivre, comment fonctionne la connexion entre vous ? Est-ce que ton passé d'ailier et le positionnement axial qu'il avait avant vous ont permis de rapidement trouver vos marques ?

RP : ça s'est fait naturellement. Je pense que c'est un joueur capable de dézoner sur tout le terrain, de créer des espaces, de faire jouer les autres, d'être capable de faire des différences. Ça m'a permis de prendre mon couloir rapidement. Il rentrait beaucoup dans l'intérieur et me libérait des espaces. J'ai cette liberté par le staff de monter et d'apporter offensivement. La connexion s'est créée avec lui et Franck Honorat. On a réussi à trouver une bonne connexion qui a bien marché cette année. Romain Faivre se rapproche plus des attaquants, des avant-centres. Il est capable d'aller chercher les ballons plus bas, d'attirer du monde autour de lui. C'est aussi de l'intelligence de jeu, de comprendre et de connaître les qualités de ses coéquipiers. Que ce soit les défenseurs, les milieux ou les attaquants avec qui tu joues et puis ensuite essayer de créer une osmose dans les déplacements vis-à-vis de chacun. À certains moments on l'a plutôt bien fait.

FM : sur la première partie de saison, tu as recueilli quasiment tous les suffrages de la rédaction de Foot Mercato pour une place dans le onze de la Ligue 1. Est-ce que tu es conscient de ton changement de statut et de ton éclosion avec Brest ?

RP : c'est très flatteur. Quand ma famille peut voir ça, ce genre de récompense, ça fait vraiment plaisir. Je pense à mes parents et mon entourage et c'est de la fierté. Après en tant que joueur quand tu es sur le terrain et que tu es sur l'entraînement tous les jours tu ne fais pas attention à tout cela. Je n'ai pas l'impression d'avoir changé de statut, je suis resté le même. Je ne me prends pas pour une personne que je ne suis pas et je continue à faire ce que je sais faire. S'appuyer sur mes qualités et essayer de travailler les points négatifs en étant demandeur de conseils et à l'écoute. C'est comme ça que la régularité est venue, je pense.

«Cette année, on a un jeu attrayant et honnêtement je préfère gagner avec 3 buts marqués et 2 buts encaissés.»

FM : Olivier Dall'Oglio est un coach assez tourné vers l'avant avec des préceptes plutôt offensifs (même s'il reste assez pragmatique). Est-ce que c'était le mariage parfait pour toi ? Qu'est-ce qu'il t'apporte au quotidien ?

RP : il me laisse beaucoup de libertés. Sur le plan offensif, il ne m'a jamais empêché de monter. Il a cette faculté à ne pas brider ses joueurs. On attaque tous ensemble. Parfois on a manqué d'équilibre donc il nous a aidé à trouver un entre-deux. Il y a une bonne connexion entre lui et moi. On s'entend bien. Tous les jours à l'entraînement il me donne des petits conseils donc je les écoute et j'essaye de grandir en tant que joueur. Plus les années passent, j'essaye de consolider mon jeu et de devenir un meilleur joueur.

FM : belle surprise du début de saison, Brest a un peu plus de mal depuis cet hiver. Quelles sont les raisons de votre méforme ?

RP : je pense que c’est lié aux confrontations contre les cadors du championnat, que l’on a enchaîné à partir de janvier. Parfois on faisait des bons matches, je pense à Lyon (défaite 3-2), on est allé gratter un point à Lille (0-0) et contre Monaco (défaite 2-0) et Marseille (défaite 3-1) nous n'avons pas démérité. On ne repartait pas forcément avec les points qu'on espérait et je pense qu'inconsciemment on a perdu confiance tous ensemble. Quand la confiance part, pour réenclencher une dynamique positive ce n'est pas forcément simple. J'espère qu'on finira bien la saison pour essayer d'obtenir une place un peu plus prolifique tout en assurant le maintien. Avant ce match catastrophique contre Nantes, on avait su rectifier le tir en faisant des matches intéressants : on est reparti de Nîmes avec un nul (1-1), on a obtenu un bon nul contre Lens à domicile (1-1) contre le cinquième du championnat qui dispose d'un système de jeu très intéressant et qui est dur à manier. Et il y avait aussi eu ce match contre Saint-Étienne (victoire 2-1) avec un magnifique doublé de Gaëtan Charbonnier qui nous avait permis de souffler. Mais il ne faut rien lâcher et tout donner jusqu’au bout.

FM : Brest dispose de la 9e attaque de Ligue 1 (47 buts) et de la 17e défense (61 buts encaissés), en tant que latéral offensif, mais aussi défenseur comment on vit ce genre de situation ? Cette porosité défensive est la conséquence de vos qualités ?

RP : c'est par rapport au jeu qu'on met en place. On a une équipe très joueuse et parfois on amenait beaucoup de monde dans la surface adverse, on manquait d'équilibre et on a concédé des buts. Ça entache le côté offensif qui était magnifique. En tant que défenseur, je l'ai connu au Paris FC, on était meilleure défense de Ligue 2 avec beaucoup de clean sheets et je faisais partie de cette défense. C'est satisfaisant quand on est défenseur et qu'on n'encaisse pas de but. Cette année, on a un jeu attrayant et honnêtement je préfère gagner avec 3 buts marqués et 2 buts encaissés. Il ne faut pas s'attarder sur ça, car c'est normal quand on ose et qu'on s'expose que l'on puisse concéder des buts. Après il y a des buts qu'on aurait pu éviter. Quand on revoit les matches en vidéo, des fois on peut faire mieux et trouver des solutions pour mieux défendre. On est aussi un effectif très jeune et la Ligue 1 c'est aussi un niveau compliqué. On doit forcément s'adapter au niveau et progresser ensemble. Cela permet de corriger les erreurs.

FM : d’un point de vue individuel, tu as bien évolué depuis 2-3 ans sur le plan défensif. Qu’est-ce que tu as principalement corrigé ou amélioré dans ton jeu ?

RP : le football est un sport de duel aussi. Le but est de rentrer sur le terrain avec la volonté de manger son vis-à-vis. Tous les ailiers de Ligue 1 n'ont qu'une envie, c'est de débouler dans le couloir, de mettre KO le défenseur adverse. Tu dois être prêt mentalement. Tu dois avoir les crocs afin de ressortir le plus souvent vainqueur des duels contre son vis-à-vis. Il y a l'envie, mais aussi la progression à l'entraînement sur les appuis, le jeu de corps. J'ai beaucoup appris à ce niveau-là. Parfois ça marchera et d'autres fois tu tomberas sur un superbe joueur, mais il faut toujours travailler dans cette optique de mieux gérer ces situations. L'expérience, ça joue beaucoup. Gagner en vice bien entendu. C'est ma deuxième saison donc je connais mieux les joueurs auxquels j'aurais à faire. Il faut être vigilant sur les qualités de son adversaire. S'il est droitier ou gaucher. Quel dribble il aime faire. La panoplie du défenseur nécessite de connaître ces informations.

«Je suis installé, j'aime la vie à Brest, j'aime la ferveur autour du club.»

FM : tu es à Brest depuis quasiment deux ans et tu as encore 4 années de contrat, car tu as prolongé en février dernier. Le choix était évident pour toi ? Est-ce que tu as un plan de carrière bien précis en tête pour la suite ?

RP : c'était une vraie reconnaissance de la part du club qui m'a permis de continuer ici où je me sens très bien. Je suis installé, j'aime la vie à Brest, j'aime la ferveur autour du club. On a décidé d'avoir une relation de confiance qui va se poursuivre. C'est bien pour moi et c'est bien pour le club. Maintenant, je ne me projette pas sur les saisons à venir. Je suis sous contrat avec Brest, c'est le concret. Je suis 100% concentré avec mon club et je ne m'occupe pas du reste.

FM : tu as été appelé dans toutes les classes d'âge de l'équipe de France, est-ce que l'équipe A est un objectif à moyen long terme ?

RP : l'équipe de France A, c'est pour moi une consécration en tant que joueur français. C'est le rêve ultime d'avoir une sélection, de porter le maillot bleu. C'est quelque chose d'exceptionnel. Un objectif ? Il faut être mesuré et humble. Ça peut être un objectif bien entendu, mais surtout pour l'atteindre il faut beaucoup beaucoup de travail. Il faut de la progression, de l'expérience et un peu de tout. Ce n'est pas le sujet d'interrogation aujourd'hui, ce serait se mentir. Je me concentre sur mon club et ce que je dois faire. On verra dans quelques années, mais je ne me prends pas la tête avec ça aujourd'hui.

FM : tu es également engagé contre les violences faites aux femmes aux côtés de la marque de mode LIBRA, peux-tu nous expliquer les raisons de ton engagement et comment celui-ci s’est mis en place ?

RP : je ne suis pas de ceux qui aiment mettre en lumière les actions citoyennes. Je préfère être discret concernant ses engagements. La lutte contre les violences faites aux femmes me tient particulièrement à cœur. On est cinq dans la famille, j'ai deux sœurs et une mère donc j'ai grandi entouré de femmes. Je ne sais pas comment je réagirais si cela arrivait à l'une d’elles. Malheureusement, ces violences dont les femmes sont victimes sont de plus en plus courantes. Ce n’est pas acceptable. C’est pourquoi je soutiens LIBRA qui est très engagé sur le sujet et souhaite donner de la visibilité, à mon niveau, à leurs actions. Ils vont lancer très prochainement un teeshirt spécial dont l'intégralité des bénéfices sera reversée à l'association "En avant toute(s)", qui soutient les jeunes femmes victimes de violences.

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