L’Allemagne de retour en forme au meilleur des moments ?

Par Aurélien Macedo
8 min.
L’Allemagne de retour en forme au meilleur des moments ? @Maxppp

On avait quitté l'Allemagne sur une défaite honteuse contre la Macédoine du Nord en mars dernier (1-2). En difficulté défensivement et en manque de repaire offensivement, la Mannschaft n'était plus que l'ombre d'elle même. Cependant, l'optimisme est tout doucement en train de revenir à l'approche de l'Euro 2020. De quoi laisser entrevoir un joli parcours ? Pour cela, la bande de Joachim Löw devra bien négocier son début de tournoi et celui-ci démarre fort avec un choc contre la France.

«Le football est un sport qui se joue à onze contre onze, et à la fin, c'est l'​Allemagne qui gagne.» Cette phrase de Gary Lineker pour désigner la grande Allemagne des années 1980 et du début des années 1990 trouvait encore son sens jusqu'en 2018. Pour autant, les trois dernières années ont été compliquées pour la Mannschaft. Dernière de sa poule (Suède, Mexique et Corée du Sud) lors de la Coupe du monde 2018, elle a ensuite terminé dernière de son groupe de Ligue des Nations la même année (Pays-Bas et France). S'il y a eu quelques périodes d'éclaircies, la défaite 6-0 contre l'Espagne en novembre 2020 a balayé de nombreuses certitudes. Si bien que de l'autre côté du Rhin, les attentes sont bien moins élevées à quelques jours de l'Euro 2020 que lors des dernières compétitions et un désamour est né depuis 2-3 ans entre le public et la sélection. «Les supporters allemands ont mis de la distance avec la sélection depuis la Coupe du Monde. La sélection nationale n'est plus le " chouchou " comme avant pour les fans. Il y a beaucoup d'incompréhensions entre la Fédération allemande et les fans. Il n'y a pas un grand soutien de la part du public pour l'instant», souligne Tobias Feldhoff, notre confrère de Fussball Transfers.

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La défiance du public allemand est surtout orientée vers la fédération, mais les joueurs en prennent aussi pour leur grade avec certaines attitudes et mentalités qui dénotent avec le visage affiché par l'Allemagne avant le fiasco du Mondial 2018. Cela a pris du temps, mais l'Allemagne va tourner la page Joachim Löw puisqu'il quittera la sélection après l'Euro 2020 pour laisser sa place à son ancien adjoint Hans-Dieter Flick. Voulant rester sélectionneur le plus longtemps possible et donc essayer de remporter le trophée, Joachim Löw a pris des risques lors de la constitution de sa liste. Il est notamment revenu sur sa décision d'écarter Mats Hummels et surtout Thomas Müller. Les deux hommes, qui sont revenus en forme avec le Borussia Dortmund et le Bayern Munich, devraient apporter une plus-value non-négligeable. Cela s'est déjà fait plutôt ressentir sur le début de la préparation. Après un match nul encourageant contre le Danemark (1-1), l'Allemagne a écrasé la Lettonie (7-1). Un score de parité contre un outsider de l'Euro et une large victoire contre une équipe faible, difficile d'avoir un avis définitif sur ce qu'a façonné Joachim Löw pour la compétition.

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Un nouveau système qui prend forme

Le beau visage montré en préparation permet au moins de se dire que l'incorporation de Mats Hummels et de Thomas Müller est plutôt réussie et apportera d'autres armes à l'Allemagne sur le tournoi. «Presque tout peut se résumer au fait que Löw a rappelé Hummels et Müller. Il est revenu sur son changement radical pour essayer de gagner ce tournoi. C'est une bonne chose pour l'Allemagne, ils sont plus forts avec Hummels et Müller. Ils auront une chance de battre la France, mais la France reste favorite, car elle a plus d'individualités quand on regarde l'équipe», nous explique ainsi Tobias Feldhoff. Ce dernier poursuit d'ailleurs en expliquant que Löw sera prêt à prendre tous les risques, ce qu'il n'aurait peut-être pas fait sans l'annonce de son départ : «Löw, il peut faire ce qu'il veut, car il ne sera plus en poste à l'issue du tournoi. Le prochain sélectionneur Flick devra gérer les cas Hummels et Müller. Mais pour le moment, ils ont donné à l'équipe plus de qualités sur et en dehors du terrain.» Justement, sur le papier, ça prend tout doucement forme.

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Le système choisi est pour le moment un 3-4-3 avec un faux neuf et trois éléments offensifs qui permutent beaucoup. Parmi les particularités de cette formation, on peut noter le positionnement de Joshua Kimmich en tant que piston droit qui lui permet d'être un meneur excentré. Dans un rôle hybride, le joueur du Bayern Munich va pouvoir se recentrer pour laisser le couloir à Matthias Ginter, le défenseur central droit. Cela permet aussi de profiter des qualités de contre-attaque de Robin Gosens côté gauche. Devant, cela offre beaucoup de possibilités avec un trio offensif assez flexible qui permet de compenser l'absence de pur numéro 9. Ainsi, Leroy Sané, Serge Gnabry, Thomas Müller, Kai Havertz ou encore Timo Werner pourront évoluer ensemble sans se gêner. «Le secteur le plus fort de l'équipe, c'est le milieu, même si Kimmich joue à droite, ce qui a été le cas contre la Lettonie pour la première fois depuis des années. Mais il reste Kroos, Gündogan et Goretzka, qui ne jouera probablement pas contre la France même s'il est revenu à l'entraînement. Surtout dans le jeu de possession, il y a un bon jeu de passes. Il y a aussi de la vitesse dans le secteur offensif avec Gnabry, Havertz, Sané... (…) Nous avons de la vitesse en attaque, c'est aussi un point fort», note ainsi Tobias Feldhoff.

Une défense toujours aussi inquiétante

Si contre le Danemark, la prestation a été encourageante, le match contre la Lettonie a permis d'ajuster un peu plus l'animation offensive. Si sur ce plan-ci, l'Allemagne semble un peu mieux outillé qu'il y a encore six mois, des zones d'ombres existent toujours. Concédant un but contre la Lettonie sur la seule véritable occasion de l'équipe balte, l'Allemagne ne s'est pas rassurée sur le plan défensif. Après la rencontre, Joachim Löw a lâché un petit coup de gueule vis-à-vis de la concentration défensive de l'équipe : «on peut mieux défendre sur une action comme ça et dans l’ensemble. Une telle chose ne devrait normalement pas arriver. Ne pas faire attention dans ces moments, ne pas être vigilant, c'est exactement comme ça que nos adversaires nous punissent. Garder une concentration élevée dans chaque situation pendant 90 minutes, c’est certainement quelque chose à améliorer.»

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L'Allemagne a décidé de miser sur Mats Hummels afin d'accompagner Matthias Ginter et Antonio Rüdiger (ou éventuellement Niklas Süle). Dans une défense sans point de repère, l'Allemagne ne savait pas où aller. L'arrivée de Mats Hummels apporte un peu plus de solidité et de sérénité mais il faudra faire attention dans les half-space (demi-espaces, zone entre le défenseur central et le latéral) avec cette défense à trois et des latéraux assez hauts qui participent beaucoup au jeu. Tobias Feldhoff estime qu'il y aura des brèches à exploiter pour la France et que la défense allemande devra corriger ces lacunes au plus vite si elle ne veut pas se faire punir : «il y a des points faibles, notamment dans la possession. Si les pistons jouent trop haut, il y aura des problèmes pour contrôler les flèches françaises, comme Mbappé ou Coman, s'il joue. Kimmich en piston et Ginter en central droit, ce ne sont pas les plus rapides. Nous n'avons pas non plus de vrai buteur, comme Benzema peut l'être. Beaucoup de supporters allemands ont peur de lui. Il y a aussi peut-être un problème du côté émotionnel.»

Joachim Löw prêt à mourir avec ses idées

Malgré tout, l'Allemagne a concédé un but lors de ses deux matches de préparation et reste sur 3 clean sheets sur les 14 derniers matches tout en ayant concédé 20 buts sur cette période. Des chiffres forts inquiétants au moment d'affronter la France et le Portugal en phase de poules. Surtout que la seule arrivée de Mats Hummels semble trop légère pour tout arranger du jour au lendemain. Le retour à quatre défenseurs ne devrait pas avoir lieu durant la compétition et Joachim Löw devrait persévérer dans ce système. Jérôme Boateng, qui sort d'une saison satisfaisante au Bayern Munich, aurait pu aussi aider, mais Joachim Löw n'a pas jugé que son apport sera suffisamment notable pour le rappeler. Auteur de choix forts, Joachim Löw devra donc assumer jusqu'au bout ses idées. Des idées régulièrement remises en question. En novembre dernier, au moment d'évoquer les soucis de la sélection allemande, Lukas Hörster, notre confrère de Fussball Transfers, nous expliquait qu'il ne comprenait pas l'entêtement de Joachim Löw.

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Il trouvait d'ailleurs que les choix de ce dernier lui avait parfois coûté cher : «il est faux d'insister avec ses propres idées sur une équipe nationale (où vous ne pouvez pas vraiment construire une équipe au fil des années comme dans un club). Les meilleurs joueurs dans la forme optimale et dans un système simple doivent jouer. C'est la qualité qui gagne ou est-ce qu'un outsider a déjà remporté la Coupe du monde ? Un bon exemple, lors de la victoire au Mondial 2014, Löw voulait jouer avec Lahm en tant que numéro 6. Lahm voulait aussi. Mais tout le monde savait que c'était n'importe quoi, car il était le meilleur latéral droit du monde à l'époque. Après avoir failli échouer en huitième de finale contre l'Algérie, il a remis Lahm en tant que latéral droit et ils ont remporté le titre.» Souvent extrême dans ses idées, Joachim Löw a fait de belles choses avec l'Allemagne atteignant au minimum les demi-finales de l'Euro 2008, du Mondial 2010, de l'Euro 2012, du Mondial 2014 et de l'Euro 2016. Vainqueur de la Coupe du monde en 2014 et sorti sans gloire en 2018, il peut totalement ternir sa fin de parcours avec la Mannschaft et va tout faire pour l'éviter. L'équipe de France devra faire attention ce mardi, car il faut toujours se méfier d'un animal blessé.

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