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Comment rendre l’arbitrage plus transparent ?

Par Maxime Barbaud
5 min.
Clément Turpin ici lors de PSG-Nîmes le 11 août dernier @Maxppp

A l'heure où le monde du football s'ouvre toujours plus à travers les médias et autres réseaux sociaux, le milieu de l'arbitrage français garde cette image conservatrice et souffre d'un manque d'ouverture et de communication. Pour Foot Mercato, Bruno Derrien, ancien arbitre international et réputé pour sa vision différente de l'arbitrage fédéral, a bien voulu commenter une liste de propositions rendant le monde de l'arbitrage plus transparent et accessible aux suiveurs du ballon rond.

L’arbitrage en général fait souvent l'objet de critiques. En France, les polémiques sont légion, sans que le public ou les acteurs du jeu aient parfois des explications. Le milieu de l'arbitrage est souvent décrit comme fermé. À l'époque où des moyens technologiques (Goal-line technology, VAR) sont mis à disposition des hommes en noir pour faciliter leurs prises de décision (en théorie), ces derniers sont régulièrement pointés du doigt pour leur manque de communication. Une consigne émanant directement de la Direction Technique de l'Arbitrage (DTA), seule à vouloir prendre la parole. Bruno Derrien, ancien arbitre international aujourd'hui consultant pour RMC Sport, proposait lui que les arbitres viennent se présenter devant les médias après les matches pour expliquer certaines de leurs décisions. Il a accepté de nous expliquer pourquoi, et de répondre à certaines suggestions qui pourraient rendre l'arbitrage plus ouvert et transparent.

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Foot Mercato : pourquoi selon vous un arbitre serait inspiré d'expliquer une décision polémique après un match ?

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Bruno Derrien : je pense que le bagage d’un arbitre de haut niveau, c’est aussi de communiquer. Certes, ils ont des consignes mais je pense qu’ils devraient s’en affranchir. En tout cas, on devrait entendre plus souvent la version de l’arbitre. Quand il y a des décisions comme ça, qui font débat ou polémique, on entend tout le monde sauf l’arbitre. Donc, c’est à charge sans avoir la version de l’arbitre. Il faudrait que tout de suite après le match, il s’exprime, en maîtrisant bien les outils de communication. Il s’agit d’être à l’aise devant les caméras, de savoir s’exprimer. Ça ferait partie d’un média training, qui doit avoir lieu dans les stages d’arbitres, pour répondre aux journalistes, ne pas tomber dans les pièges, savoir communiquer, pour expliquer sa décision, ce qu’il a vu, la perception de l’image… Quand on explique les choses tout de suite ça retombe. Les gens comprennent mieux la décision de l’arbitre.

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FM : selon vous, la base c'est la communication ?

BD : quand l’arbitre s’est trompé, ça peut arriver, il fait amende honorable. Ce qu’on demande à un arbitre de haut niveau, c’est d’être professionnel mais il faut quand même expliquer a minima. Si ce n’est pas l’arbitre, on pourrait avoir un point après chaque journée de championnat, avec le directeur de l’arbitrage (Pascal Garibian, ndlr) ou un responsable communication qui prendrait la parole. Ça se fait en Angleterre de manière presque systématique. Il expliquerait les décisions qui ont été prises : "certaines ont fait débat, voilà les explications des arbitres, voilà la position de la DTA". Je pense que si on fait des efforts de communication, ça se passerait mieux, on aurait un climat plus positif.

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FM : en décembre 2017 lors d'un Troyes-Amiens en Ligue 1, François Letexier avait eu à faire face à un problème avec la Goal-line technology, qui n'avait pas bien fonctionné. L'arbitre s'était alors passé de la machine pour le restant du match et avait expliqué sa démarche devant la presse après la rencontre...

BD : oui, c’était à Troyes et c’est vrai que ses explications avaient été très claires. Il a été très pédagogique et donc les gens avaient compris.

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FM : est-ce que mettre des micros aux arbitres pour entendre leurs explications, comme au rugby ou dans certains sports nord-américains, pourrait faire évoluer les choses de manière positive ?

BD : ça s’est fait longtemps en finale de Coupe de la Ligue. Après au rugby, ça se fait, chacun fait attention à ce qu’il dit sur le terrain. Bon, micro ou pas, moi si je me faisais insulter, je ne l’acceptais pas. Après en faisant ça, les gens en direct comprennent mais je pense que c’est aussi rentrer dans l’intimité d’un match. Je suis assez sceptique. C’est peut-être un peu trop intrusif.

FM : et entendre les échanges entre l'arbitre de terrain et le car régie en cas d'utilisation de la VAR ?

BD : pourquoi pas, mais là aussi c’est intrusif. Dans certaines situations, ça aurait été marrant de savoir ce qu’il s’est dit. Je pense que si les arbitres s’expriment, c’est déjà mieux après un match, à tête reposée. Les passions sont un peu retombées. Je trouve que c’est plus porteur. Après, je me mets à la place des téléspectateurs, maintenant on a une volonté de tout voir, tout entendre. On est à l’heure de la transparence totale. Mais encore une fois, je trouve ça trop intrusif.

FM : est-ce que voir davantage d'anciens arbitres devenir consultants aiderait à sensibiliser le public et les suiveurs ?

BD : il y en a déjà pas mal avec monsieur Ennjimi sur L’Equipe. Il intervient régulièrement, même dans le journal. Il y a Joël Quiniou sur RMC, moi je suis à RMC Sport maintenant mais j’ai été à Europe 1, M6 et CNEWS. Il y a Tony Chapron à Canal Plus. Ça fait déjà 4 anciens arbitres. Il n’y en a jamais eu autant. C’est plus pédagogique. Au moins, les consultants peuvent intervenir pour rappeler la règle. Il y a une méconnaissance des règles du jeu. On constate une certaine méconnaissance des lois du jeu. Beaucoup de joueurs pratiquent un sport, le football en l’occurrence, dont ils ignorent les lois du jeu. Les coaches aussi. L’incollable, c’était Guy Roux. Il connaissait toutes les lois du jeu, le bouquin... Il en était très féru. Quand il parlait arbitrage, il connaissait tout.

FM : faudrait-il médiatiser encore plus les arbitres, comme on peut le faire avec de nombreux joueurs en activité ?

BD : je trouve qu’ils le sont déjà. Récemment, il y a eu Stéphanie Frappart, Clément Turpin aussi. Je pense qu’on parle souvent des arbitres français qui font des compétitions internationales. On a aussi les journées de l’arbitrage. On a maintenant des papiers sur les anciens joueurs qui sont devenus arbitres. Ils ont fait l’objet de reportages.

FM : il s'agit d'ouvrir les portes d'un monde souvent qualifié de fermé...

BD : c’est bien déjà, ils ont ouvert le centre VAR à des journalistes. C’est intéressant car ça montre leurs difficultés, les faire comprendre, comment ça fonctionne. Je pense qu’il faut ouvrir. Maintenant les arbitres sont professionnels. On leur a donné les moyens pour se former, pour progresser. Ils se concentrent pleinement à leurs missions. Nous, on arbitrait sans vidéo, sans Goal-line, on avait un statut amateur. Les choses vont dans le bon sens.

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