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Jocelyn Gourvennec, l’homme qui a complètement relancé Guingamp

Par Khaled Karouri
9 min.
Guingamp Jocelyn Gourvennec @Maxppp

Tout ou presque réussit à l'En Avant Guingamp depuis mai 2010, date d'entrée en fonction de Jocelyn Gourvennec au poste d'entraîneur. Arrivé sur la pointe des pieds en National, le coach a réussi 5 ans plus tard le tour de force de faire revenir le club breton sur le devant de la scène en Ligue 1, de lui offrir une Coupe de France, et de le qualifier en Coupe d'Europe. Portrait d'un technicien qui, à 42 ans, semble prétendre à un avenir radieux sur les bancs de touche.

La saison 2009-2010 restera comme une année noire pour Guingamp. En effet, l'En Avant faisait alors un sacré pas en arrière dans son évolution, relégué sportivement en National. Un coup dur pour la formation costarmoricaine, qui devait se reconstruire. Et pour repartir sur une page blanche, le président de l'époque Noël Le Graët, qui deviendra un an plus tard l'homme fort de la Fédération Française de Football, nommait le 17 mai 2010 Jocelyn Gourvennec sur le banc de touche en lieu et place de Victor Zvunka. Un choix sous forme de pari, le CV d'entraîneur de l'ancien meneur de jeu n'étant à ce moment-là pas franchement fourni. Jeune retraité, le natif de Brest venait tout juste d'obtenir son DEPF, et sortait de deux saisons passées du côté de La Roche Vendée Football, modeste pensionnaire de Division d'Honneur.

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Mais déjà, son travail se faisait remarquer : « Je sais comment s'est passé son DEPF, très rapidement il y avait de bons échos sur sa formation », se souvient Christophe Le Roux, ancien équipier et grand ami de Gourvennec. Des échos positifs qui sont donc venus jusqu'aux oreilles de l'EAG, qui lui a ouvert ses portes. Et quelques années plus tard, force est de constater que le risque pris en valait clairement la peine. De l'ombre du championnat de National à la lumière de la Ligue Europa, cinq ans sont passés et le Roudourou vibre aujourd'hui à nouveau au rythme de la Ligue 1 et des compétitions européennes : « Il a géré toutes les situations possibles, a connu pratiquement la mort de l'EAG quand il l'a repris en National, et a bien géré toutes ces différentes périodes », résume ainsi Laurent Schmitt, proche du fin tacticien.

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Entraîneur : plus qu'un métier, une passion pour Gourvennec

Mais cette réussite ne s'improvise pas, et s'explique en amont, par un métier qui a visiblement toujours inspiré l'homme de 42 ans : « En tant qu'équipier, il était très méticuleux dans son approche des matches. On avait la même sensibilité de jeu, on partageait beaucoup de choses dans le regard qu'on avait sur le jeu. Jocelyn avait déjà une grande réflexion sur les séances d'entraînement, sur le jeu. On pouvait prévoir que le métier d'entraîneur pouvait l'intéresser, ça se sentait dans tout ce qu'il entreprenait. Pour moi, ce n'est pas une surprise de le découvrir entraîneur », explique ainsi Christophe Le Roux, aujourd'hui coordinateur sportif et responsable du recrutement du FC Lorient. « Joueur, je le voyais déjà entraîneur, car il avait une fine analyse du jeu adverse, et un caractère têtu. Mais il n'était pas du genre à péter les plombs et se casser parce qu'il ne jouait pas, il ne s'échappait pas aux premières difficultés, ce qui est important pour un entraîneur », ajoute Florian Maurice, ancien équipier de Gourvennec à Marseille et Bastia.

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Pour Laurent Schmitt, le constat est identique : « Quand il était joueur à Nantes, il savait déjà ce qu'il ferait je pense, parce qu'il a toujours eu un coup d'avance. Il a eu la chance de côtoyer des entraîneurs comme Denoueix et Suaudeau, je pense que cette vocation est aussi venue de là ». Reynald Denoueix, justement, juge logique le choix de Gourvennec d'entraîner : « Je l'ai connu en tant que joueur. C'était quelqu'un d'intéressant car c'était un milieu de terrain qui s'intéressait au jeu, qui voulait faire jouer les autres. Il était dans la réflexion, était tourné vers le collectif, ça se sentait qu'il cherchait toujours à comprendre ce qu'il se passait », révèle l'ancien coach emblématique du FC Nantes. L'intelligence comme outil pour progresser, et l'intégrité comme valeur pour permettre à son groupe d'adhérer à son discours : tel est le credo de Gourvennec.

Les valeurs, fondement du management de Gourvennec

C'est en tout cas ce que pense son attaquant, Claudio Beauvue, qui s'avoue séduit par l'approche managériale de son coach : « C'est un coach très simple, qui ne se prend pas pour un autre. Il est concentré sur le travail, la rigueur, l’abnégation : ce sont ces ingrédients qu'il met en valeur. Il loge tout le monde à la même enseigne, on est tous titulaires en fait pour lui. Il fait des choix, mais essaie de maintenir tout le monde concerné, ce qui fait que le groupe est toujours à l'écoute. Tout le monde peut discuter dans son bureau sur ses choix, mais à chaque rencontre qui se profile on a tous le sentiment d'être potentiellement titulaires, donc tout le monde se tient prêt car on sait qu'on peut tous prétendre à une place dans le onze de départ. C'est une méthode qui permet de maintenir tout le monde en éveil, on est tous concerné ».

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Un discours que pourraient aussi prononcer les membres de l'encadrement guingampais, tant le technicien met un point d'honneur à leur accorder une importance fondamentale dans sa réussite personnelle : « C'est quelqu'un de juste, qui dit les choses, il y a de la droiture dans son fonctionnement, des valeurs. Quand on a un discours honnête avec les joueurs, on peut les emmener loin et construire quelque chose. Je sais que Jocelyn a du respect pour chaque composante du club, les dirigeants, les joueurs, les jeunes, le staff médical, les supporters. Tous ces gens, qui font un club, Jocelyn leur accorde énormément d'importance. Il arrive à tirer le maximum d'eux, lui est au bout de la chaîne et est conscient du fait qu'il a besoin de chacun pour y arriver », insiste Christophe Le Roux.

Reynald Denoueix se montre de son côté conquis : « Il a une démarche intelligente, a commencé progressivement, ce qui est important dans le travail. Il a progressé, a eu le flair de choisir Guingamp. Il a repris le club qui était au bas d'une phase, mais l'a accompagné dans sa remontée. Il est arrivé, je pense, au bon moment. Il a aussi su rester, et continuer à faire grandir le club, les résultats lui donnent clairement raison ». Sylvain Ripoll, entraîneur de Lorient, ne tarit pas d'éloges : « Il a le respect du collectif, il sait faire passer cette valeur-là qui est profondément ancrée en lui. Quand vous discutez avec lui, tout paraît différent, car il analyse parfaitement les choses, et il a aussi cette valeur du travail ». Plus qu'un simple coach de passage, Gourvennec est un véritable manager qui se donne corps et âme pour son équipe. Comme nous le relate l'un de ses proches, le natif de Brest n'hésite ainsi pas à prendre sa voiture pour aller assister à des matches de Ligue 2 aux quatre coins de la France, afin de dénicher des talents potentiels. Une démarche de moins en moins commune, qui prouve toute la passion qui émane de lui.

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La folle ascension de Guingamp

Cette méthode fait aujourd'hui la réussite de l'équipe, et de certains joueurs plus particulièrement, à commencer par Claudio Beauvue. Auteur de 11 buts en Ligue 1 (1 en Coupe de la Ligue, 3 en Coupe de France, 4 en Ligue Europa), l'attaquant passé par Troyes, Châteauroux, et Bastia s'éclate sous la houlette d'un technicien mettant le jeu en avant : « Il prône le beau jeu en tant qu'ancien joueur aimant la technique. Avec lui, il y a beaucoup de jeu simple, on travaille sur des jeux de conservation, et différents exercices qui nous rapprochent de la réalité des matches, avec une recherche de l'efficacité dans les passes, la transition, face au but ».

Et de poursuivre : « Il y a un peu plus de ballon qu'avec d'autres coaches, mais c'est aussi dû à une préparation d'avant-saison très dure, sans doute la plus dure que j'ai pu faire depuis le début de ma carrière. Avec cette base de travail, on peut se concentrer sur ce que le coach demande, aussi bien offensivement que défensivement. Le coach m'a fait confiance en Ligue 1. Durant les deux saisons que j'ai effectuées avec lui, j'ai progressé », résume le canonnier de Roudourou. Mais, au-delà de Beauvue, c'est tout l'EAG qui retrouve la gloire sous l'impulsion de son coach, rendant même quelque peu jaloux les générations passées : « Avec la saison en cours, je lui en veux un peu car il est en train de faire oublier notre saison 2002-2003 qui était l'année avec Drogba, Malouda, Fabbri ! Il est en train de mettre cette année aux oubliettes (rires) », s'amuse ainsi Christophe Le Roux.

Et cette patte Gourvennec rend la vie des adversaires guingampais bien difficile, le coach du FC Lorient, Sylvain Ripoll, confirme : « C'est une équipe très performante, qui saura surtout exploiter les moindres failles que vous pourrez lui laisser. Cette équipe a plusieurs cordes à son arc, elle est complète : elle est capable de prendre le jeu à son compte si l'adversaire le lui permet, tout comme de vous punir en contre-attaque si vous lui laissez trop d'espaces. C'est aussi une équipe très forte sur le plan mental, c'est ce qui la rend difficile à jouer », analyse-t-il.

Gourvennec taillé pour l'Europe ?

Solide huitième de Ligue 1, engagé en quarts de finale de la Coupe de France, et qualifié pour les seizièmes de finale de la Ligue Europa, Guingamp peut donc toujours rêver d'une fin d'exercice radieuse, brillant même dans une C3 que les clubs français ont sans doute trop souvent négligé, avec les conséquences que l'on connaît sur l'indice UEFA. Et cette Europe justement, ne pourrait-elle pas être un terrain de chasse possible pour l'entraîneur français vainqueur de la Coupe de France 2014, à l'image d'un Arsène Wenger devenu pilier d'Arsenal ou d'un Rudi Garcia aujourd'hui apprécié en Italie à l'AS Roma ?

Ses proches veulent en tout cas y croire : « Aujourd'hui, sa carrière démarre très bien. Avec lui, le club est monté de National en Ligue 2, de Ligue 2 en Ligue 1, connaît la Coupe d'Europe. Je suis persuadé qu'il peut encore grandir, car c'est un jeune entraîneur. Il a cette fraîcheur, cette humilité, ça se sent dans son comportement, en conférence de presse, sur le banc. Je pense qu'une expérience à l'étranger est dans un coin de sa tête, forcément. Il ne fera pas un choix par défaut, mais vu son management, je pense qu'il a les compétences pour entraîner en France ou ailleurs, ce n'est pas un problème », lance Christophe Le Roux.

Laurent Schmitt va même encore plus loin : « Il est devenu, pour moi, le meilleur entraîneur français actuel. On a de bons techniciens en France, mais peu s'exportent. Je pense que lui peut arriver à durer au haut niveau à l'étranger, il peut suivre le chemin tracé par Arsène Wenger. Il est évident que, à court ou moyen terme, il intéressera des clubs étrangers ». Denoueix surenchérit : « S'il continue comme ça, c'est sûr qu'il sera suivi à l'étranger. Après, c'est à lui d'analyser les différents critères pour ne pas choisir n'importe quel club ». Un temps annoncé à l'OL l'été dernier, Gourvennec a toute l'estime de Florian Maurice, responsable du recrutement au sein de l'équipe rhodanienne : « On aime travailler avec ses potes, donc oui j'aurais aimé pouvoir travailler avec lui. Je me suis toujours bien entendu avec lui, donc ça aurait pu être simple de bosser avec lui, mais Jocelyn était sous contrat avec Guingamp. Jocelyn peut être de la trempe d'un Rudi Garcia, mais il pourrait peut-être passer d'abord par un club plus huppé en France, avant d'aller à l'étranger », suggère-t-il. En tout cas, un avenir doré semble tout tracé pour Jocelyn Gourvennec.

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