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L’Atalanta, le poil à gratter de la Serie A

Par Aurélien Léger-Moëc
7 min.
Atalanta Gian Piero Gasperini @Maxppp

Tombeur de Naples lundi soir, en demi-finale de Coupe d'Italie, et 5e de Serie A, l'Atalanta Bergame réalise une saison épatante sous les ordres de Gasperini, dont les principes de jeu et la méthode marchent à merveille depuis 2016.

La victoire de l’Atalanta sur la pelouse de Naples lundi soir a de nouveau mis en lumière son rôle de poil à gratter du championnat italien. En battant le club napolitain au terme d’un match endiablé, la Dea s’est aussi repositionnée dans la course à la qualification pour la Ligue des Champions, puisqu’elle compte 56 points, soit autant que le 4e, l’AC Milan, et 1 point d’avance sur l’AS Roma. Un succès fêté par des milliers de personnes à Bergame au retour des joueurs à 23h45 le soir même. Le club de Bergame pourrait donc éjecter les Rossoneri et les Romains de la C1 la saison prochaine. Un comble alors que les deux clubs viennent fréquemment se servir dans les rangs de l’Atalanta lors du mercato.

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Milan a par exemple recruté Conti et Kessié il y a un an et demi, quand la Roma avait payé pour Bryan Cristante lors du dernier mercato estival. Ce pillage en règle, auquel l’Atalanta est habitué, était dû à l’excellent parcours réalisé durant l’exercice 2016-2017, avec une 4e place de Serie A et 72 points au compteur, record de l’histoire du club. Malheureusement pour l’Atalanta, la réforme de la Ligue des Champions concernant les 4 places qualificatives pour les clubs anglais, espagnols, italiens et allemands n’existait pas encore. Septième lors de la saison 2017-2018, l’Atalanta réussit année après année l’exploit de se réinventer avec de nouveaux joueurs, sous l’impulsion du même entraîneur, Gian Piero Gasperini (61 ans), véritable maître à penser.

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Depuis son arrivée sur le banc de touche en 2016, de nombreux joueurs ont explosé, ralliant par la suite les meilleurs clubs italiens et surtout la sélection italienne (Caldara, Petagna, Spinazzola, Conti, Gagliardini et plus récemment le défenseur Gianluca Mancini). Chaque été, il faut rebâtir et repartir. Par exemple, les actuels latéraux Gosens et Hateboer ont réussi à faire oublier Spinazzola et Conti, tandis que les surprenants De Roon et Freuler règnent au milieu, là où Kessié et Cristante s’étaient révélés précédemment.

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Gasperini, le maître tacticien

L’homme de base de ces succès, c’est donc Gian Piero Gasperini, l’un des entraîneurs les plus sous-cotés sur la scène européenne. Débarqué à Bergame en 2016, il avait failli ne pas survivre à son premier mois, avec 4 défaites en 5 rencontres. Et puis ses principes ont finalement imprégné ses joueurs. Débarqué au mercato hivernal cette année-là, le Français Anthony Mounier se rappelle « d’entraînements intensifs. En l’espace de six mois là-bas, j’ai énormément progressé physiquement. Tu travailles tellement, que tu sais exactement où se situent tes partenaires dans chaque situation de jeu ».

Arrivé en provenance de Bologne après son passage avorté à Saint-Étienne, Mounier a découvert un entraîneur exigeant et très pointu tactiquement.« Il n’y a pas de hasard. Quand tu as le ballon, tu sais ce que tu dois faire, et pareil quand tu n’a pas le ballon. Chaque joueur sait exactement où il doit aller, et il prépare deux ou trois cas de figure différents pour chaque situation. Les entraînements sont vraiment durs, et cela se ressent ensuite en match ». L’Atalanta est donc l’une des équipes physiquement les mieux préparés de la Botte. Ce que confirme Valentin Pauluzzi, correspondant de L’Equipe en Italie. « Physiquement c’est vrai que c’est une équipe qui impressionne. C’est grâce à une grosse préparation physique de Gasperini et son staff, qui sont réputés pour ça. »

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C’est aussi pour cela, et parce qu’il perd des joueurs importants à chaque mercato, que les débuts de saison sont souvent poussifs. Cette saison, la Dea n’avait gagné qu’un seul match de Serie A après 9 journées ! « C’est aussi pour ça que l’Atalanta a des débuts de saison difficile, le temps de mettre la machine en route. Après 8 journées, ils étaient premier non relégable et sur les 25 journées suivantes, l’Atalanta est deuxième derrière la Juventus », explique Valentin Pauluzzi. Ensuite, les préceptes de Gasperini s’appliquent, oscillant entre un 3-4-2-1, avec deux milieux offensifs au soutien de l’attaquant, ou un 3-4-1-2.

Un échec à l'Inter qui lui colle à la peau

Bien aidé cette saison par l’efficacité de Duvan Zapata mais aussi par la régularité de Josip Ilicic (31 ans) et la présence de l’éternel Papu Gomez (31 ans également), Gasperini fait décoller un effectif composé de jeunes Italiens (comme le défenseur central Mancini) et de joueurs méconnus recrutés à travers l’Europe (comme Freuler, acheté à Lucerne pour 1,5 M€ et qui en vaut désormais plus de 15 M€). « Un mec comme Gasperini, c’est un rapport entre qualité de jeu et résultats », note Pauluzzi, qui déplore le manque de reconnaissance de l’entraîneur italien.« En se qualifiant une année sur deux pour une Coupe d’Europe avec le Genoa et l’Atalanta, les deux clubs qu’il a entraînés sur la durée, ce sont des exploits équivalents au gain d’un titre avec la Juventus. »

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Il faut dire que Gasperini paye là son échec sur le banc de l’Inter Milan en 2011-2012. Un passage éclair puisqu’il sera limogé le 21 septembre 2011, après 5 matches toutes compétitions confondues et aucune victoire (4 défaites et 1 nul). « Ça lui colle un peu à la peau », confirme Pauluzzi. « Il y a des coachs faits pour un style d’équipe. Quand il est arrivé à l’Inter, c’était difficile de faire progresser des mecs comme Sneijder, gavés de titre, qui auront plein de certitudes et forcément du mal avec ses méthodes. Mais il mériterait quand même une seconde chance dans un club plus gros comme la Roma par exemple ».

Pour être éventuellement approché par des formations plus huppées, Gasperini (61 ans) doit poursuivre sur sa lancée avec l’Atalanta, où il est également encore en course en Coupe d’Italie (demi-finale retour contre la Fiorentina prévue mercredi). Le calendrier lui réserve deux déplacements périlleux lors des 4 dernières journées, sur les pelouses de la Lazio Rome et de la Juventus Turin. Pas de quoi effrayer un club qui a fait match nul face à la Juve à l’aller (2-2), avant de la sortir de la Coupe d’Italie d’un revers de main (3-0). 4e en 2017, 7e en 2018 et en route pour une qualification européenne cette saison, l’Atalanta est-elle en train de s’imposer dans le haut du tableau italien sur le très long terme ?

Quel projet pour l'avenir ?

« Chaque année, ils confirment. C’est un club bien géré, tout est carré, les bases sont solides. Ils arrivent à garder certains de leurs meilleurs joueurs malgré des offres folles. Et puis les infrastructures sont folles. Ils ont un centre d’entraînement exceptionnel, il y a tout dedans, les vestiaires sont top, chacun a sa chambre et les mises au vert se font au centre d’entraînement. C’est un club très bien structuré », raconte Anthony Mounier. Pour autant, l’Atalanta ne semble pas destiné à jouer de manière régulière les premiers rôles, et n’apparaît pas comme une future grande puissance du football italien.

« C’est un peu à la Auxerre version Guy Roux. On part pour se sauver d’abord, il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre », explique Valentin Pauluzzi. « Au niveau de la direction, il y a un gros travail qui est en train d’être fait, c’est l’un des clubs les plus sains d’Italie. Ils ont racheté le stade, qu’ils sont en train de restructurer. Bergame est aussi l’une des rares villes italiennes qui peut compter sur un public fidèle. Il n’y a pas beaucoup d’équipes comme ça qui ont une vraie identité au niveau du public. Le président (Antonio Percassi), qui est un ancien joueur du club et c’est assez unique, s’est reconverti entrepreneur et a racheté le club. Il sait gérer une entreprise, et c’est très solide. Ça permet de stabiliser le club en Serie A ce qui avait toujours été son défaut ».

Confronté à la réalité économique du football italien, l’Atalanta ne pourra pas rattraper ce retard structurel.« L’équilibre budgétaire reste la priorité. Ils ont beau diversifier l’économie, ça reste un club qui dépend des droits TV. Et là, ce qu’ils reçoivent par rapport à la Roma ou la Lazio, ils seront toujours très loin derrière. » Les meilleurs éléments risquent donc une nouvelle fois d’être vendus avec des plus-values impressionnantes et Gasperini recommencera son travail avec ses nouveaux éléments ou ceux qui patientaient tranquillement dans l’ombre. Mais qui sait, la saison prochaine, les habituels mauvais débuts de saison de l’équipe de Gasperini pourraient être égayés par la musique de la Ligue des Champions...

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