Ligue 1

Yoan Cardinale raconte sa dépression

Au chômage depuis l'été dernier et son départ de Nice, Yoan Cardinale continue de s'entraîner en quête d'un nouveau challenge. Une situation pas évidente pour un joueur qui a connu des hauts et surtout quelques bas durant sa carrière de gardien de but. Dans un long reportage sur la dépression dans le football diffusé dimanche soir sur beIN Sports, l'ancien Niçois, accompagné d'anciens joueurs pros, raconte ses périodes de doute, sa lente descente aux enfers et le déclic qui lui a permis de sortir de cette spirale négative.

Par Sebastien Denis
5 min.
Yoan Cardinale pendant un match de l'OGC Nice en 2018 @Maxppp

Il y a quelques jours, Paul Pogba expliquait son mal être et l'état dépressif qu'il a connus il y a quelques mois à Manchester United. Un cas loin d'être isolé et qui touche aujourd'hui plus d'un joueur sur trois. En effet, selon une étude de la FIFPro, 38 % des footballeurs professionnels évoluant en Europe montrent des signes de dépression ou d'anxiété. Un chiffre élevé, notamment si on le compare à celui de la moyenne de la population française touchée par ce phénomène en février 2022, à savoir 17 %. À l'initiative de Damien Perquis, beIN Sports, dans un documentaire inédit intitulé « Silence, je tombe… » diffusé ce dimanche soir à 19h, a décidé de briser le tabou de la dépression dans le football. L'ancien Stéphanois Patrick Guillou, l'ancien international polonais Damien Perquis (ex-Sochaux et Betis Séville), Yoan Cardinale (ex-Nice) et le champion du monde Robert Pires se sont livrés sans filtre sur ce thème méconnu du footballeur de haut niveau. Le cas de l'ancien portier de l'OGC Nice y est largement évoqué. «Cardi», comme il est surnommé, avait débuté dans les cages de l'OGC Nice à tout juste 21 ans, lors de la saison 2015-16.

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Gardien numéro un la saison suivante, il pensait poursuivre sur sa lancée lors de la saison 2017-18. Mais une blessure l'éloignait des terrains durant trois matches. Walter Benitez saisissait alors sa chance et lui ravissait une place... qu'il ne quittera plus. Le début d'une longue descente aux enfers pour le natif de La Ciotat qui durera plus de trois ans. Enervement permanent, problèmes personnels, sentiment d'en vouloir à la terre entière, le portier niçois part en "live" comme il l'avoue. «Je n’acceptais pas la situation en fait. Un jour, j’arrive à l’entraînement énervé comme d’habitude à ce moment-là et on fait un 8 contre 8 sur un demi-terrain tu sais. Et puis y’a un ballon dans la profondeur je dis "laisse." Et puis y’a Gauthier Lloris qui arrive : je ne sais pas ce qu’il faisait aux avant-postes. Il joue le ballon, il touche le ballon juste avant mes mains et il me le met dans le nez. Ça m’a fait pleurer ! Pas de douleur mais de nerf, le vase il était tellement plein que ç'a été la goutte d’eau de trop, je me suis mis à pleurer ce jour-là sur le terrain. Des larmes de nerf ! J’avais envie de frapper Gauthier alors que c’est le mec le plus sympa du monde du foot, mais ce jour-là j’étais à bout.»

La descente aux enfers puis le déclic...

Remplaçant, «Cardi» est relancé par Lucien Favre lors d'un match de Coupe de France contre Toulouse en janvier 2018. Mais là encore, rien ne se passe comme prévu. Le portier, qui espérait retrouver sa place de numéro 1, se troue sur une sortie aérienne et prend un but, le seul de la rencontre qui précipite l'élimination des siens. Malgré le soutien du vestiaire, le portier niçois continue sa chute infernale au point, un matin, de ne plus vouloir aller à l'entrainement, comme il le raconte dans le documentaire diffusé dimanche soir sur beIN Sports 1. «C’est un matin, je dois aller à l’entraînement et je n’ai pas envie. Cette situation me casse les pieds et je n’ai pas envie d’y aller. Et donc je sors de la douche et je clique sur mon téléphone : 08h17. Et là, je regarde le miroir et je me dis : "08h17 ! Cardi, ton père il est sur les chantiers depuis deux heures, ta mère elle est à la maison elle garde 4 enfants depuis 6 heures du matin." Et moi je me plains pour aller jouer au foot à 08h15. Moi je me plains ? Je me dis : "essaye d’aller à l’entraînement avec la banane !e Et là, je rentre dans le centre d’entraînement avec le sourire, et j’ai retrouvé un peu la déconnade un jour, et le lendemain un peu plus, et j’étais de plus en plus moi et j’ai retrouvé peu à peu mon niveau. Et c’est ce qui a fait que j’ai réussi à me sortir de cette spirale qui était catastrophique.»

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Si au sein d'un club, tout est fait pour remettre un joueur sur pied quand il est blessé, rien n'est prévu pour le soutenir en cas de détresse psychologique, comme l'explique très bien d'ailleurs Cécile Traverse, psychologue du sport. «On est quand même dans le football professionnel très organisé, compétent pour mettre en place le protocole nécessaire quand un athlète est blessé. Sans en discuter à voix basse, on est capable de tout mettre en place pour que le corps aille bien. Mais est-ce qu’on demande vraiment aux joueurs si l’esprit va bien ? On ne le demande pas ! Eux-mêmes se le demandent peu !» Grâce à cette force intérieure, au recours à de l'aide extérieure et à des paroles qui se libèrent peu à peu, le footballeur de haut niveau, qui n'est finalement qu'un homme, doit mieux apprendre à appréhender cette facette méconnue de son métier. Aujourd'hui, Yoan Cardinale (28 ans) s'en est sorti, il est libre depuis son départ de Nice en juin dernier et est à la recherche d'un nouveau challenge pour l'été prochain. Mais combien souffrent en silence ou peinent à se sortir de l'abîme dans lequel ils sont tombés ?

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