L’Indonésie de Patrick Kluivert veut devenir le nouvel eldorado du football asiatique
À l’heure où l’Indonésie peaufine sa préparation avant le choc d’octobre face à l’Arabie saoudite lors du 4e tour des éliminatoires de la Coupe du Monde 2026, le pays affiche ses ambitions. Stades ultramodernes, affluences record, sponsors puissants et soutien de la FIFA. Plus qu’un simple sport, le football devient un projet national, social et économique, avec un objectif clair : faire de l’archipel le nouvel eldorado du ballon rond en Asie.

Dans quelques semaines, l’Indonésie jouera l’un des matchs les plus importants de son histoire : un choc décisif contre l’Arabie saoudite en octobre prochain, lors du 4e tour des éliminatoires pour la Coupe du monde 2026. Si ce rendez-vous électrise déjà les foules, il illustre surtout la trajectoire fulgurante d’un pays qui rêve de devenir le nouvel eldorado du football asiatique. Pays le plus peuplé d’Asie du Sud-Est avec plus de 270 millions d’habitants, l’Indonésie nourrit de grandes ambitions sportives. Depuis cinq ans, la discipline a pris une dimension inédite : stades neufs, affluences record, investissements massifs et un engouement populaire qui dépasse largement le simple cadre sportif. En Indonésie, le football n’est plus seulement un jeu, mais une vitrine de modernité et un outil de rayonnement national. La renaissance s’est d’abord jouée dans les tribunes. Après la parenthèse du Covid-19, la BRI Liga 1 a retrouvé des affluences comparables aux meilleures ligues de la région. Les clubs de Persija Jakarta, Persib Bandung ou Persebaya Surabaya continuent d’attirer des dizaines de milliers de spectateurs, et l’inauguration du Jakarta International Stadium (82 000 places) a marqué un tournant symbolique. En 2023, la fréquentation totale du championnat a dépassé plusieurs millions de spectateurs, avec des moyennes qui oscillent entre 5 000 et 10 000 par match, selon les relevés officiels. Autour de ces rendez-vous, c’est toute une économie locale qui se met en branle : restauration, transport, petits commerces, chaque journée de championnat transformant la ville-hôte en centre névralgique.
Au-delà des chiffres, le football s’affirme comme un phénomène culturel et social. Les groupes de supporters structurés — ultras, tifos, chants — occupent une place centrale dans l’identité urbaine, tandis que les clubs modernisent leur communication et leur merchandising pour capter une jeunesse hyperconnectée. Le naming du championnat par la banque BRI illustre ce virage : le football devient un produit de consommation culturelle, soutenu par des sponsors qui mesurent la puissance d’un public estimé à plus de 200 millions de passionnés. Résultat : la Liga 1 s’est imposée comme l’un des principaux produits audiovisuels du pays, avec des contrats de diffusion de plus en plus convoités. Si l’Indonésie nourrit désormais l’ambition sportive de se qualifier pour un Mondial, l’idée d’accueillir un jour la compétition n’est plus taboue. L’archipel avait déjà été approché par l’Australie pour un dossier commun en vue de 2034, finalement abandonné après le ralliement asiatique massif à la candidature saoudienne. Les atouts indonésiens sont réels : une population immense et passionnée, un marché en pleine expansion, des stades récents capables d’accueillir de grandes foules et une situation géographique stratégique au cœur de l’Asie-Pacifique. Mais les obstacles demeurent importants. Le pays doit encore améliorer ses infrastructures de transport, renforcer sa sécurité dans et autour des stades, et surtout convaincre la FIFA qu’il peut gérer un événement d’ampleur mondiale sans incident, après le traumatisme du drame de Malang en 2022. Entre rêve populaire et contraintes logistiques, l’Indonésie avance pas à pas vers cette hypothèse, qui reste pour l’instant une ambition de long terme plus qu’un projet concret.
Une évolution fulgurante de la sélection nationale
Politiquement, le football est devenu une priorité nationale. Le ministère de la Jeunesse et des Sports (Kemenpora) a inscrit dans son budget 2025 plusieurs centaines de milliards de rupiah pour soutenir les projets d’infrastructure et la formation des jeunes, tandis que la fédération (PSSI) affiche désormais une gouvernance plus transparente, sous le regard attentif des sponsors privés. Cette synergie public-privé est inédite en Indonésie : l’État finance les grands chantiers, mais ce sont les revenus commerciaux — billetterie, droits TV, partenariats — qui garantissent la viabilité quotidienne du système. Une dynamique qui permet au football de se professionnaliser rapidement et de se rapprocher des standards asiatiques. Les résultats sportifs suivent cette trajectoire. Classée longtemps en marge du football de haut niveau, l’Indonésie a progressé au classement FIFA et peut à présent espérer jouer les trouble-fêtes en Asie. La stratégie repose sur deux leviers : la naturalisation de joueurs issus de la diaspora — notamment néerlandaise (Calvin Verdonk, Nathan Tjoe-A-On, Thom Haye, Ivar Jenner, Jay Idzes) — et l’émergence de jeunes formés localement. Le nouveau centre national d’entraînement, financé en partie par le programme FIFA Forward, doit accélérer ce processus. Avec plusieurs terrains, internats et équipements modernes, il offre aux sélections U-15, U-17 et U-20 des conditions dignes des meilleures académies régionales.
Le rôle de la FIFA mérite d’ailleurs d’être souligné. «Comme toujours, ce fut un plaisir de rencontrer mon ami et président de la PSSI, Erick Thohir, aujourd’hui à Miami. L’Indonésie a réalisé des progrès considérables dans le football, et j’ai félicité le président Thohir ainsi que son équipe pour leur excellent travail, qui leur a permis de remporter le premier prix des FIFA Forward Awards pour les associations membres asiatiques de la FIFA. L’inauguration d’une nouvelle FIFA Arena en début d’année, la poursuite du travail de développement avec FIFA Forward ainsi que la mise en œuvre du Programme de développement des talents et du programme Football for Schools de la FIFA témoignent de notre engagement en faveur du football en Indonésie. Ce jour a également été historique pour le football indonésien et pour l’avenir du football en Asie de l’Est et du Sud-Est. En effet, via nos bureaux de Jakarta, nous avons fait un grand pas en avant dans le renforcement de la présence de la FIFA dans la région. J’adresse mes sincères remerciements au gouvernement de la République d’Indonésie, au ministre de la Jeunesse et des Sports ainsi qu’à la PSSI pour l’esprit de collaboration dont ils font preuve avec la FIFA», a déclaré Gianni Infantino en juin dernier lors de son passage à Jakarta. Un investissement qui vise à construire une génération capable de rivaliser à moyen terme avec les poids lourds asiatiques.
Après la polémique du retrait de l’organisation de la Coupe du monde U-20 en 2023, beaucoup craignaient une mise à l’écart durable. C’est tout l’inverse qui s’est produit : cette crise a servi de déclencheur à une réforme de gouvernance, suivie d’un retour du soutien financier international. La FIFA a accompagné le lancement du centre d’entraînement et continue d’apporter son expertise technique. Ajoutez à cela des sponsors nationaux solides, des droits de diffusion en hausse et une base de supporters unique en Asie : tous les ingrédients sont réunis pour que l’Indonésie s’impose comme l’un des nouveaux centres de gravité du football continental. «Ces bureaux ne sont pas seulement pour l’Indonésie ; ils constitueront un pôle pour l’Asie de l’Est et du Sud-Est, qui regroupent 21 associations membres. C’est une chose à laquelle le Président de la FIFA a toujours cru : la croissance du football ne concerne pas une seule région, mais toutes les régions. Je lui ai rendu compte de l’évolution de la situation en Indonésie. Il est satisfait des progrès réalisés, car l’Indonésie a connu de nombreux problèmes auparavant, mais au cours des deux dernières années, grâce au travail acharné de la FIFA et de notre fédération, nous en avons résolu certains. Nos équipes nationales se portent très bien et nous pensons que la FIFA nous a beaucoup aidés. Sans la FIFA, nous n’aurions pas pu y arriver», a affirmé Erick Thohir, qui s’est également entretenu brièvement avec Gianni Infantino. Le match contre l’Arabie saoudite, au-delà du résultat, sera un symbole de cette ambition.
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