Eliminatoires CM - Europe

Italie : Luciano Spalletti règle ses comptes et flingue à tout va !

Officiellement démis de ses fonctions après la défaite contre la Norvège, Luciano Spalletti dirigera pourtant l’Italie une dernière fois ce soir, face à la Moldavie, dans un match crucial pour la qualification au Mondial 2026. Entre ambiance crépusculaire, tensions avec la Fédération et pressions sportives, la Nazionale joue gros… avec un sélectionneur déjà sur le départ.

Par Valentin Feuillette
6 min.
Luciano Spalletti @Maxppp

C’est une scène rare, presque absurde, que s’apprête à vivre le football international : l’Italie, quadruple championne du monde, jouera ce soir face à la Moldavie un match décisif dans la course aux qualifications pour le Mondial 2026… sous la houlette d’un sélectionneur déjà limogé. Luciano Spalletti, fragilisé depuis plusieurs mois, a été officiellement démis de ses fonctions au lendemain de la défaite face à la Norvège (3-0). Et pourtant, c’est bien lui qui s’assiéra une dernière fois sur le banc de la Nazionale pour diriger un groupe sous pression, dans une atmosphère suspendue entre malaise institutionnel et orgueil sportif. Ce contexte ubuesque donne au match un goût étrange, presque irréel : comment mobiliser un vestiaire quand l’homme censé incarner le cap n’est déjà plus qu’un intérimaire de luxe ? Comment gérer l’émotion d’un départ annoncé, alors que l’objectif vital est encore à portée de main ? À Reggio Emilia, là où l’Italie n’a plus le droit à l’erreur, l’enjeu dépasse les trois points : il s’agit de sauver l’essentiel, la crédibilité d’un projet, d’une génération, d’une nation qui ne peut se permettre une nouvelle désillusion après avoir manqué deux Coupes du monde consécutives.

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A cœur ouvert, l’ancien coach du Napoli, présent en conférence de presse, a reconnu que les derniers jours n’avaient rien eu de simple : «comment ai-je dormi cette nuit ? Il est clair que ces situations dépendent du feeling qu’on y met. J’ai parfois du mal à m’endormir. Tout m’épuise et rien ne m’échappe. Les défaites plus que les victoires. Ce qui s’est passé, je le réaliserai avec le temps. Est-ce que j’espérais une fin différente ? Si vous faites référence aux 22 mois, on réfléchit même si on ne peut pas revenir en arrière. Vos choix se sont avérés mauvais, car vous avez choisi les mauvais joueurs ou voulu faire les choses différemment, mais je suis particulièrement désolé, car je n’avais pas de joueurs importants disponibles à cause de blessures. Nous avons joué ce match (contre la Norvège, ndlr) dans des conditions particulières, avec la finale de la Ligue des champions qui a mis du stress chez certains de nos joueurs et avec les Norvégiens qui ont joué deux matchs de préparation. Et puis, ce qui est arrivé est arrivé…». Déjà tourné vers la sortie, Spalletti jouera pour l’honneur, avec la fierté blessée de ceux à qui on retire le sifflet avant la fin du match.

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Spalletti soutiendra son successeur !

Avec une pointe d’ironie amère, Spalletti n’a pas manqué de souligner l’absence des membres de la Fédération à son ultime conférence de presse, qui en disait long sur le climat ambiant en Nazionale : «je vais à la conférence de presse car je devais m’y rendre avant le match. Si un représentant de la Fédération avait voulu m’accompagner, il aurait pu… Mais tout s’est fait dans l’amitié et la transparence. Pourquoi mentirions-nous encore deux jours ? Je ne vois pas pourquoi… Est-ce une question de respect envers les Italiens de ne rien dire ? Aurait-ce été la bonne façon de procéder ? Je ne sais pas. La Fédération a toujours assumé ses responsabilités. J’aurais continué avec ces joueurs, comme je l’ai dit après la défaite contre la Norvège. Parfois, je m’énerve et je me rebelle, mais j’ai fait mon chemin et mon histoire ici. Je ne suis pas quelqu’un qui fait des bêtises, comme certains le disent, mais je défends la cause. Cette fois, j’ai fait des erreurs, mais je ne sais pas lesquelles. J’ai cru en ces joueurs que j’ai choisis et je continue à croire en eux». Conscient du paradoxe de sa position, il a commencé par rappeler son engagement total… jusqu’à la dernière minute, à commencer par cette rencontre fondamentale contre la Moldavie ce lundi soir.

«Je suis absolument convaincu que l’Italie ira à la Coupe du monde. Je n’ai pas démissionné, mais comme je respecte ceux qui m’ont choisi, je signerai la résolution. L’argent n’est pas un problème avec l’équipe nationale, c’est comme ça : on part et c’est tout. Avec les clubs, c’est différent, et à l’Inter, je ne les ai pas quittés à cause d’événements. Je vous laisse l’argent et je signerai la résolution. Chacun donne ensuite l’avantage qu’il veut, mais c’est le problème. J’ai une excellente relation avec Gravina, vu son comportement avec moi. Il hésitait à continuer avec moi et c’était bien qu’il me l’ait dit. Je l’ai rendu public, car ce n’était pas bien de le cacher pendant deux jours. Aujourd’hui, je serai encore plus parfait dans la préparation du match et dans mes échanges avec l’équipe. Et les joueurs feront tout leur possible pour que je reparte avec une belle victoire. Je n’ai jamais rien dit contre eux». Alors que les rumeurs s’intensifient autour de sa succession — avec Claudio Ranieri qui tiendrait la corde et Stefano Pioli en embuscade — Luciano Spalletti n’a pas éludé la question du futur sélectionneur. Fidèle à son franc-parler, il a abordé le sujet avec une certaine hauteur, tout en laissant transparaître un léger agacement. Une façon à peine voilée de pointer du doigt une Fédération qu’il juge frileuse, peu visionnaire, et surtout absente dans les moments-clefs.

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Car au-delà du choix du futur nom, c’est bien le fond du malaise qu’il a tenu à souligner : l’impression d’avoir été livré à lui-même, sans réel accompagnement, ni soutien clair dans la tempête. Une sortie qui sonne à la fois comme un constat d’échec collectif… et comme un avertissement pour son successeur : «je ne sais pas ce que je vais faire, c’est tout. Je dois travailler à ma façon. Je ne ferai qu’une chose : soutenir celui qui me succédera. Reprenez ce que j’ai dit à propos de Mancini, de la solide équipe nationale que j’ai héritée de lui. J’espère que celui qui me succèdera fera bien mieux que moi et ira à la Coupe du monde. Si j’étais resté, c’est parce que je pensais y aller. Il y a eu un mauvais résultat en Norvège, mais j’aurais eu largement le temps de me rattraper ou de le faire en barrages. Ranieri l’homme qu’il faut ? Je ne sais pas, mais c’est un professionnel qui a parcouru le monde, il est équilibré et, avec la Roma comme remplaçant, il a su trouver le bon équilibre avec les joueurs. La Fédération choisira la bonne personne. Je ne suis pas comme beaucoup d’autres, je vous l’assure, je le soutiendrai». Ce soir, à Reggio Emilia, Luciano Spalletti vivra donc son dernier match à la tête de la Nazionale, entre adieux silencieux et espoirs fragiles. Une dernière mission à accomplir, sans filet, ni main tendue. Et peut-être, en filigrane, le regret d’un rendez-vous manqué entre un technicien à principes et une institution en quête de repères.

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