PSG, Rennes : les anciens coachs de Désiré Doué racontent le phénomène
Considéré très tôt comme l’un des plus gros talents du centre de formation de Rennes, Désiré Doué a su se construire au gré d’aventures parfois plus pénibles que les autres. Ses anciens éducateurs nous ont raconté le phénomène.

À Rennes, on s’efforce de former de bons footballeurs, mais pas que. Comme le veut la formule un peu clichée érigée comme mantra de nombreux clubs : «on forme l’homme avant le joueur». Ce n’est sûrement pas un hasard si le Stade Rennais occupe pour la troisième année consécutive le trône du classement FFF des meilleurs centres de formations français, déterminé par cinq critères majeurs : la professionnalisation, le temps de jeu en équipe première, les sélections nationales, la représentation européenne et la scolarité. Pour le dernier critère, Rennes peut s’enorgueillir presque chaque année d’enregistrer 100% de taux de réussite au BAC, ce qui n’est pas le cas de tous les clubs, où on est parfois en dessous des 50%. La stimulation de l’esprit dès le plus jeune âge, c’est donc l’un des chevaux de bataille des éducateurs bretons, qui s’échinent à façonner des têtes bien faites. Désiré Doué en fait évidemment partie.
Pur produit issu du cru, même s’il est né à Angers (il a déménagé à Rennes très jeune), l’international tricolore a intégré l’école de foot dès ses 6 ans. En interrogeant plusieurs éducateurs ou entraîneurs l’ayant dirigé, revient souvent le même constat : celui d’un joueur réfléchi, déjà très jeune, et en avance sur les autres. Philippe Debray, directeur de l’établissement ETP Odorico où Désiré Doué a passé sa scolarité, déclarait récemment dans les colonnes de Ouest-France : «il m’a scotché. C’est un garçon capable de programmer les choses avec intelligence, humilité. Il passait son BAC en juin, avait une épreuve de philosophie qui restait à passer en septembre. Il fait la philo : 13/20. Plein de jeunes auraient fait acte de présence car ils avaient déjà leur BAC, pas lui.» Des propos qui dénotent une certaine forme de maturité, comme le confirme Pierre-Emmanuel Bourdeau.
«"Dés", c’était un garçon bien construit mentalement, et déjà très focus sur son envie de réussir. Il a saisi les moyens qu’il fallait mettre, et mentalement, il était le même que son frère Guéla, retrace l’ancien coach de Désiré Doué, qui l’a connu lors de ses premiers pas à l’école de foot, avant de l’avoir sous ses ordres en U17 Nationaux puis furtivement en réserve. Il passait la journée au club, ce n’était pas un garçon qui s’entrainait puis rentrait chez lui. Parmi les plus gros talents que j’ai vu passer à Rennes, il doit arriver pas loin derrière Ousmane Dembélé et Wesley Saïd. Et il avait une démarche professionnelle déjà très tôt.» Ce sont tous ces éléments qui ont accéléré à un moment donné son ascension vers le groupe pro. Ancien recruteur de Rennes, Khaled Garbaa se souvient d’un joueur passé en l’espace de six mois d’un quart de finale de Gambardella contre Bobigny, à la Ligue 1 au Rhoazon Park.
La génération 2005, un bon cru
Dans cette génération rennaise 2005, ils sont d’ailleurs quatre à avoir été détectés très tôt comme des joueurs capables de s’imposer en professionnel à Rennes : Jérémy Jacquet, Jeanuël Belocian, Désiré Doué, identifié comme le plus gros talent, et Mathys Tel, arrivé un peu plus tard, mais lancé plus tôt que Désiré en professionnel (à 16 ans et 110 jours en août 2021 face à Brest). Tous sont aujourd’hui devenus internationaux espoirs français, et Doué est même devenu international A. «En général, ceux qui ont réussi au plus haut niveau, ce sont ceux qui étaient concentrés très tôt. Celui qui fait exception à la règle, c’est Ousmane (Dembélé), il était extrêmement immature et avait besoin de se construire, sourit Pierre-Emmanuel Bourdeau, resté au club pendant 17 ans. Mais dans la génération 2005 : Jacquet, Belocian, Doué, Tel… ils étaient matures. Dans leur conversation, leur façon de parler, leur façon de voir la vie et le football, ils étaient en avance. Les talents comme ça, il faut les accompagner. Mais il y a aussi un énorme travail de suivi personnalisé à Rennes, et forcément, les éducateurs ont leur part de réussite dedans. Ce qu’ils mettent en place c’est vraiment exceptionnel.»
Chez Désiré Doué, cette maturité peut aussi s’expliquer par un socle familial très solide. «Les parents ont amené de bons conseils à leurs deux garçons. Ils avaient aussi un cadre familial stable, et rentraient à la maison tous les soirs puisqu’ils vivaient à Rennes», reprend Laurent Viaud, qui a eu Désiré Doué sous ses ordres en U19 à Rennes. Le surclassement, une tradition en Bretagne, a certainement aussi sa part de réussite dans l’épanouissement footballistique du dernier de la fratrie : «Rennes est l’un des clubs qui surclasse le plus mais il faut avoir la qualité pour le faire. Si on amène de très jeunes joueurs au-dessus, et qu’ils sont en difficulté, c’est là qu’ils peuvent perdre confiance. Et on sait que la confiance est super importante pour qu’ils continuent de se développer», explique Bourdeau, désormais adjoint de Grégory Poirier au Red Star. A priori, la confiance n’a jamais quitté Désiré Doué, toujours sûr de ses qualités. «L’enjeu, c’était de lui faire comprendre qu’il fallait qu’il mette ses qualités individuelles exceptionnelles au service du collectif», se remémore Laurent Viaud, qui s’est parfois arraché les cheveux devant les séries de dribbles de Désiré Doué aux abords de sa propre surface.
Le déclic Genesio
Mais contrairement à son frère Guéla, pour qui pas grand-monde ne promettait un avenir au plus haut-niveau malgré des qualités athlétiques apparentes, Désiré avait tous les arguments pour réussir. Encore fallait-il qu’il prenne conscience de ce qu’on lui demandait pour que l’équilibre de l’équipe prévale. Sa sortie précipitée en avril 2023 lors d’un OL - Rennes, quand Bruno Genesio avait fait le choix de le remplacer par son frère seulement 17 minutes après son entrée en jeu, a sonné comme un déclic chez lui. «On a déjà reparlé de cette anecdote avec Bruno (Genesio), retrace Pierre-Emmanuel Bourdeau. Ca lui a fait comprendre que le collectif était toujours central dans son projet, et on voit aujourd’hui à Paris qu’il est tourné vers le bien-être de son équipe. Ce qu’il fait, c’est formidable. C’est certain que cette sortie l’avait affecté, et ça restera un moment fort de son parcours.» Comme celui de ce soir, en cas de victoire en finale de Coupe du Monde des clubs contre Chelsea, pourrait en être un autre…
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