Ali Barat : « un transfert n’est pas qu’une transaction, derrière, il y a une carrière et une famille »
Avec 414,5 M€ de transaction, Epic Sports a fait partie des grands animateurs du mercato estival du Real Madrid avec Dean Huijsen, en passant par Nicolas Jackson au Bayern Munich, Xavi Simons à Tottenham ou encore Noni Madueke et Piero Hincapié à Arsenal, sans oublier plusieurs deals à Strasbourg. Le fondateur et propriétaire d’Epic Sports, Ali Barat, a su se rendre incontournable dans un marché des transferts toujours plus fou et qui brasse beaucoup d’argent. Mais qui se cache derrière cet homme désormais incontournable pour n’importe quel grand club qui veut faire des deals XXL sur le mercato ? Nous sommes partis à sa rencontre et il s’est confié sur son parcours, le type de relation qu’il entretient avec ses joueurs et avec les clubs. Il nous a aussi livré son sentiment sur le football français et notamment sur l’impressionnant mercato de Strasbourg, sans oublier d’évoquer l’un des transferts phares de l’été, la signature de Dean Huijsen au Real Madrid.

Foot Mercato : les agents prennent de plus en plus de place sous les projecteurs. Pensez-vous que l’image que vous projetez est importante ? Et pourquoi ?
Ali Barat : l’image est importante, oui, mais pas par vanité. Le football est une industrie mondiale construite sur la confiance, la crédibilité et les relations. La manière dont vous vous présentez reflète le sérieux avec lequel vous traitez vos joueurs et les clubs. Si vous êtes professionnel et respectueux, les gens prendront à la fois vous et vos clients au sérieux.
FM : parlez-nous un peu de votre histoire – comment en êtes-vous arrivé là ?
AB : j’ai quitté l’Angleterre en 2009 pour vivre à Abou Dhabi où j’ai établi des connexions avec Manchester City et commencé à travailler comme intermédiaire. Avec le temps, j’ai réalisé que je n’étais pas en phase avec la façon dont beaucoup d’agents traitaient les joueurs. C’est ce qui m’a motivé à créer Epic Sports en 2020. Dès le départ, ma vision était claire : construire une « boutique agency » représentant un groupe restreint de talents de très haut niveau et de joueurs à fort potentiel, en leur offrant une gestion véritablement à 360° de leur carrière. Pour nous, il ne s’agit pas de chiffres, il s’agit de qualité, de confiance et de construire des carrières qui ont du sens.
FM : quel transfert vous rend le plus fier cet été ?
AB : chaque transfert est unique, car derrière chacun d’eux, il y a une carrière et une famille. Bien sûr, des mouvements comme Dean Huijsen au Real Madrid, Nicolas Jackson au Bayern Munich ou Soumaila Coulibaly à Strasbourg ont fait les gros titres, mais je suis tout aussi fier quand nous aidons un jeune joueur à franchir sa première grande étape dans un environnement de haut niveau.
«Les négociations, ce sont des montagnes russes»
FM : quelle est l’anecdote la plus folle de ce mercato estival ?
AB : le football, c’est un spectacle et le marché des transferts est plein de rebondissements. Un jour, un deal semble impossible, le lendemain il est conclu. Sans citer de noms, il y a eu des nuits où trois clubs négociaient en même temps pour le même joueur, et au matin, il n’en restait plus qu’un. Les négociations, ce sont des montagnes russes, mais c’est ça la beauté du marché.
FM : Dean Huijsen a fait sensation au début du mercato avec une bataille entre les plus grands clubs européens. Pourquoi a-t-il choisi de rejoindre le Real Madrid ? Le PSG était-il vraiment dans la course ?
AB : Dean a attiré l’intérêt de plusieurs grands clubs européens. Luis Campos, comme toujours, a été parmi les premiers à reconnaître son potentiel, et en 2024 le PSG était une véritable option. À ce moment-là, cependant, Dean pensait qu’il aurait plus d’opportunités de jouer régulièrement à Bournemouth qu’au PSG. Quand le Real Madrid est entré en scène, ils ont montré la plus forte conviction et présenté un projet parfaitement aligné avec son développement à long terme. À ce niveau, les décisions ne portent pas seulement sur la plus grosse offre financière, elles concernent le meilleur plan de carrière. Pour Dean, le Real Madrid représentait la bonne vision pour son avenir.

«Les transferts de la taille de celui de Nicolas Jackson au Bayern sont rarement linéaires. Il y a toujours des facteurs imprévus»
FM : comment expliquez-vous les rebondissements de certains dossiers de transferts ? On pense évidemment au transfert de Nicolas Jackson au Bayern. À un moment, avez-vous vraiment cru que le deal pouvait échouer ?
AB : les transferts de cette taille sont rarement linéaires. Il y a toujours des facteurs imprévus. Pour Nico, la clé a toujours été sa volonté, il voulait le Bayern. Notre rôle était de protéger ce souhait et de s’assurer qu’il soit respecté, même quand des obstacles apparaissaient. Ai-je pensé que cela pouvait s’effondrer ? Oui, un court instant. Mais dans le football, il faut de la patience, du calme et de la persistance pour trouver des solutions.
FM : que pensez-vous du marché français comparé à ses concurrents européens ?
AB : la France a peut-être le vivier de talents le plus riche d’Europe. Le défi, c’est que les clubs français ont souvent du mal à conserver leurs meilleurs joueurs face à l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne. Le marché est très dynamique, mais beaucoup de joueurs partent plus tôt que dans d’autres pays. Économiquement, le football français a aussi rencontré des difficultés ces dernières années, notamment avec les problèmes de droits TV qui ont réduit la stabilité financière des clubs. Cela rend plus difficile la compétition avec les ressources de la Premier League, de la Serie A, de la Bundesliga ou de la Liga. Bien sûr, le marché est différent pour le PSG en France, car ils disposent de moyens financiers bien supérieurs aux autres clubs. Mais les clubs français trouvent souvent de bonnes solutions et restent compétitifs dans les compétitions européennes, regardez le parcours de Brest en Ligue des Champions la saison dernière. Et cette année, nous avons aussi vu le retour de champions du monde français de 2018, comme Olivier Giroud, Benjamin Pavard notamment, ce qui montre que la Ligue 1 peut encore attirer des talents français de premier plan.
FM : votre agence a été impliquée dans quelques transferts avec Strasbourg. Comprenez-vous que leur relation avec Blueco et leur puissance financière impressionnante puissent susciter des interrogations en France ?
AB : je comprends le débat. Chaque fois que de grands groupes financiers entrent dans le football, il y aura toujours des questions. Mais ce qui compte, c’est de savoir si le club bénéficie d’une meilleure infrastructure, de meilleures opportunités pour les joueurs et de plus de compétitivité. C’est ainsi que les gens devraient en juger, avec le temps. Nous avons vu la même chose avec le PSG lorsque QSI a racheté le club en 2011 : il y a eu beaucoup de critiques au début, mais grâce à cet investissement, certains des plus grands joueurs du monde sont venus en Ligue 1, et le club a fini par remporter la Ligue des Champions.
«Nous avons finalisé 15 opérations de haut niveau à travers 7 grands championnats l’été dernier»
FM : comment définiriez-vous exactement votre rôle ? Diriez-vous que vous êtes un intermédiaire, un facilitateur de négociations, un dealmaker, ou un peu de tout cela ?
AB : dès le premier jour, Epic Sports a été construit sur une philosophie très claire : la représentation à long terme des joueurs, fondée sur le respect, la transparence et la confiance. Dans le football moderne, les familles jouent un rôle de plus en plus important, c’est pourquoi nous travaillons main dans la main avec elles, elles sont au centre de chaque décision que nous prenons. Pour moi, les relations humaines sont au cœur de ce métier. Notre objectif n’est pas seulement de négocier des contrats, mais de construire des carrières significatives et de soutenir des personnes. Nicolas Jackson en est un parfait exemple : je l’ai découvert en Afrique à l’âge de 18 ans et l’ai amené à Villarreal. Depuis, nous avons construit une relation très forte. Ce lien humain et professionnel, c’est ce qui donne un vrai sens à mon travail.

FM : on dit que vous avez un accès privilégié à Chelsea et Liverpool en particulier. Vous avez fait beaucoup de deals avec ces deux clubs, surtout Chelsea. Jusqu’où cela est-il vrai ?
AB : notre bilan des trois dernières années montre le niveau de confiance que nous avons construit avec les grands clubs des cinq championnats majeurs. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec des clubs comme Naples ou la Juventus en Italie, l’Atlético de Madrid, le Real Madrid ou Barcelone en Espagne, l’Olympique de Marseille ou Monaco en France, le Bayer Leverkusen, le Bayern Munich, le RB Leipzig et le Borussia Dortmund en Allemagne, Manchester City, Chelsea, Arsenal et Tottenham en Angleterre, Benfica, Fenerbahçe et bien d’autres. Notre priorité est de maintenir des relations solides avec les clubs leaders des grands championnats européens, mais notre ambition va plus loin, nous visons à avoir des relations constructives et durables avec tous les clubs. Le véritable défi n’est pas seulement d’établir ces connexions, mais de les entretenir au fil du temps et de s’assurer qu’elles se renforcent à chaque collaboration.
FM : parlons du mercato estival 2025. Comment décririez-vous l’activité d’Epic Sports cet été ?
AB : Ce fut un été historique pour nous. Nous avons finalisé 15 opérations de haut niveau à travers 7 grands championnats, impliquant certains des plus grands clubs du monde. Pour n’en citer que quelques-unes : Dean Huijsen au Real Madrid, le plus gros deal de la Liga en 2025 et le montant le plus élevé jamais payé pour un défenseur en Liga, Nicolas Jackson au Bayern Munich, Xavi Simons à Tottenham, Noni Madueke et Piero Hincapié à Arsenal. Et d’autres transferts excitants vers Dortmund, Villarreal, Leipzig et Fenerbahçe. En France, nous avons conclu plusieurs deals avec le RC Strasbourg (Soumaïla Coulibaly, Julio Enciso, Martial Godo) et avec l’AS Monaco (le prêt de Valy Konaté au Cercle Bruges). Pour nous, ce qui compte ce n’est pas seulement les chiffres, mais l’alignement entre les ambitions des clubs et le développement à long terme de nos joueurs.
FM : vous avez été cité comme favori pour le Golden Agent Award décerné par Tuttosport. Que ressentez-vous à ce sujet ?
AB : Cela a été un honneur pour moi de le remporter en 2023. Je suis le plus jeune agent à l’avoir jamais gagné, et je mentirais si je disais que je ne voulais pas le gagner à nouveau et être le seul, à part Jorge Mendes, à l’avoir remporté deux fois. Pour être honnête, je pense que si l’on regarde nos réalisations cet été, nous méritons de le gagner avec Epic Sports.