L’arbitrage français plongé dans une très grave crise !

Par Jordan Pardon
7 min.
Anthony Gautier, patron de l'arbitrage français @Maxppp

Embourbé dans une crise profonde depuis plusieurs mois, et accentuée après le licenciement de son patron Stéphane Lannoy, l’arbitrage français s’est mis les clubs de Ligue 1 à dos comme rarement auparavant. Au point que le président de la FFF, Philippe Diallo, a dû prendre le dossier en main pour tenter d’éteindre l’incendie.

Il ne se passe plus un week-end de Ligue 1 sans que l’arbitrage français ne défraie la chronique. Quinze mois après l’investiture du duo Lannoy-Gautier à la tête de la DTA (direction technique de l’arbitrage), la désunion entre les clubs professionnels et l’instance n’a jamais semblé aussi prononcée. Pour cause, des polémiques de plus en plus fréquentes liées à l’usage du VAR, créant un climat de défiance et une lutte d’influence chez les dirigeants de club. À 7 journées de la fin du championnat, et alors que son issue reste plus que jamais incertaine aussi bien en haut qu’en bas du classement, les présidents multiplient les sorties publiques au vitriol. Le week-end dernier encore, c’est le patron du FC Lorient Loïc Féry qui est monté au créneau pour charger Jérôme Brisard, au sifflet du derby remporté par Brest face aux Merlus (0-1).

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Se sentant floué sur toute la ligne, le dirigeant breton avait usé d’un langage peu châtié pour qualifier la prestation de l’arbitre : «Cela suffit. La manière dont la VAR est utilisée est un ENORME problème. Scandale», avait-il pesté sur X après un penalty oublié pour son équipe sur une main de Brendan Chardonnet. Le lendemain, le patron de l’arbitrage français Antony Gautier avait tenté d’éteindre le feu dans les colonnes de L’Équipe, mais sa sortie n’avait fait qu’attiser les braises et l’exaspération de Féry : «De bonne foi et sans être partisan, quelqu’un comprend les explications ci-dessous de Mr Gautier? Au mieux c’est totalement nébuleux, au pire cette tentative de post-rationalisation cache une triste vérité : il n’y a ni cohérence ni transparence dans l’arbitrage en L1», avait enchéri le patron breton à l’heure où son club reste barragiste.

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Des week-ends émaillés de polémiques depuis le début d’année

Outre l’épisode de la rencontre entre Lorient et Brest dimanche (0-1), la DTA pâtit depuis des semaines d’autres décisions controversées de ses hommes et femmes en noir. Lors de la 22e journée de Ligue 1, - l’un des week-ends les plus noirs de la saison pour l’arbitrage français -, un penalty apparent avait été oublié pour Nice contre l’OL, quand Brest vivait un crève-coeur similaire le surlendemain face à l’OM, et que Lens était contrarié par le simple avertissement donné à Joseph Okumu après une énorme semelle sur Przemyslaw Frankowski. Un défilé d’erreurs qui fait dissonance avec cette volonté de la DTA de redorer l’image de l’arbitrage français, et accentué après les prestations de Benoît Bastien lors du Classique, dimanche, et de Stéphanie Frappart lors d’OL-Valenciennes en Coupe de France, mardi. Incriminé pour son carton rouge jugé sévère et distribué à Lucas Beraldo, le premier s’est ensuite attiré les foudres du tribunal médiatique pour son but refusé à Jordan Veretout et l’OM en seconde période.

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Se rendant au micro de Prime Video pour justifier ses décisions après la rencontre - ce qui reste suffisamment rare pour être salué - Benoît Bastien ne s’est pas déjugé, au contraire, il a même consolidé sa position. Si l’entraîneur parisien Luis Enrique n’a pas souhaité commenter les décisions arbitrales de la rencontre, son homologue Jean-Louis Gasset s’était senti lésé : «je me languis de revoir les images. Si on égalise à 1-1, on peut les mettre dans leurs 30 derniers mètres pendant 15-20 minutes et là on peut gagner. C’est pour ça que c’est frustrant», avait pesté le technicien de 70 ans. Et mardi, donc, un nouveau hors-série du feuilleton à rallonge Scènes d’arbitrage a eu lieu, non pas en Ligue 1, mais cette fois en Coupe de France. Discréditée d’une note de 1/10 dans L’Équipe pour sa prestation lors de OL - Valenciennes, Stéphanie Frappart a été désignée à la réprobation de tous, s’attirant en partie les reproches de l’ex-internationale française Louisa Nécib, ou du Valenciennois Anthony Knockaert.

Une guerre intestine dans l’arbitrage français

Pour le binôme Stéphane Lannoy - Anthony Gautier, nommé en janvier 2023 à la tête de l’arbitrage français, l’état de grâce s’est aussi rapidement évanoui. Début mars, le premier a ainsi appris son licenciement par la fédération française de football, tout comme Sébastien Moreira, manager de l’assistance vidéo à l’arbitrage, également contesté dans la crise traversée par l’arbitrage français depuis plusieurs mois. Ce qui a accéléré la mise à l’écart de Lannoy, en charge du secteur pro, c’est essentiellement sa trop grande proximité avec les dirigeants de clubs professionnels, conjuguée à une ligne technique jugée trop floue ou fluctuante par les autres officiels. En outre, la relation entre Lannoy et Gautier s’était nettement rafraîchie ces derniers mois, les deux hommes n’étant plus sur la même longueur d’ondes. Au mois de janvier, le premier avait ainsi commis l’impair de répondre à un SMS d’Olivier Létang pendant MHSC-LOSC.

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À la mi-temps, le président lillois avait utilisé le message de Lannoy pour intimider l’homme au sifflet de la rencontre, Hakim Ben El Hadj, lui indiquant que son supérieur avait reconnu son erreur d’exclure le jeune Bouaddi. Un geste considéré comme une atteinte à l’indépendance des arbitres en interne. Comme le rapportait RMC en février, une guerre intestine s’était également déclarée entre Éric Borghini, membre du comex de la FFF mais aussi président de la commission fédérale de l’arbitrage, et Stéphane Lannoy. En parallèle, de nombreux arbitres s’interrogeaient sur la DTA et les orientations prises par les dirigeants. « Nos stages étaient vraiment nuls. Moi, j’avais honte. Il y a des stages où on ne travaillait pas. Pas d’innovation, pas de réflexion. Notamment lors des analyses vidéo, qui consistaient à tacler des confrères plutôt que d’adopter une démarche constructive et de comprendre les raisons objectives à l’origine des erreurs», déplorait dernièrement un officiel sous couvert d’anonymat dans les colonnes du Parisien.

Philippe Diallo vole au secours de l’arbitrage

Pour déminer les tensions et le climat hostile opposant les présidents de clubs aux arbitres, Philippe Diallo a lui-même pris le dossier en main. Ce mercredi lors d’une réunion ce crise, le président de la FFF a ainsi reçu plusieurs dirigeants avec la volonté d’arrondir les angles et de mieux identifier les attentes des clubs. Forcément, la situation d’Anthony Gautier, fragilisé depuis la publication d’une lettre ouverte publiée par 17 clubs de Ligue 1 (seul Strasbourg, présidé par Marc Keller, membre du Comex, ne s’est pas joint à la fronde) le 22 mars pour réclamer son départ, était à l’ordre du jour. Mais il faudra encore attendre avant de voir le patron de l’arbitrage plier bagage. Comme rapporté par L’Équipe, le ton n’est pas monté entre Philippe Diallo, accompagné de son directeur général Jean-François Vilotte, et les cinq présidents conviés (le Rémois Jean-Pierre Caillot, le Montpelliérain Laurent Nicollin, le Lillois Olivier Létang, le Niçois Jean-Pierre Rivère et le Nantais Waldemar Kita, présent en visio), qui se sont par ailleurs montré conciliants.

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« Jusqu’à la fin de la saison, pour calmer le jeu, on lui a dit (à Philippe Diallo, ndlr) que l’on était d’accord pour qu’Antony Gautier maîtrise la branche professionnelle, a déclaré le président rémois Caillot au nom des autres frondeurs. Après, il faut que le comité de suivi, qui va être surtout un comité de réflexion, dise comment les choses doivent se mettre en place. Hors de question que l’on donne des noms (pour la direction de l’arbitrage professionnel la saison prochaine). Ce n’est pas du tout le débat. Mais on lui a bien fait comprendre que l’on était déterminés et que le dossier ne pouvait pas être mis sous le tapis en attendant des jours meilleurs.» S’ils ont indiqué ne pas vouloir faire d’ingérence sur l’arbitrage, les patrons de clubs ont fait savoir à Philippe Diallo leur désir de voir des changements dès cet été. Premier élément de réponse le 18 avril puisque le président de la 3F recevra plusieurs responsables fédéraux afin de discuter de l’évolution de l’organisation de l’arbitrage.

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