Comment l’Espagne réagit à la création de la Super League

Par Max Franco Sanchez
5 min.
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Nos amis espagnols ont accueilli la nouvelle de l'annonce de la Super League avec un peu moins de véhémence qu'ailleurs. C'est plus de la résignation qui règne au Pays de Cervantes, où on s'y attendait déjà.

L'Espagne du foot va, comme l'Angleterre et l'Italie, être complètement bouleversée par cette annonce faite par cette petite élite de clubs européens au sujet de la création d'une Super League fermée. Pour l'instant, le Real Madrid et le FC Barcelone ont déjà officiellement annoncé être membres fondateurs de cet ambitieux projet, alors que l'Atlético, vient de l'annoncer à son tour un peu plus tôt dans la matinée. Forcément, cette annonce fait aussi grand bruit de l'autre côté des Pyrénées, où on est cependant un peu moins virulent qu'ailleurs, dans la mesure où ce modèle très élitiste était déjà présent dans le championnat et les fans y ont été conditionnés depuis longtemps.

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Il faut dire qu'en Espagne, le paysage médiatique national est déjà très phagocyté par les deux ogres du championnat, et, dans une moindre mesure, par les Colchoneros. La presse locale, très forte mais logiquement cantonnée à sa ville et à sa région, répondait aux attentes des supporters des autres clubs. Mais aux heures de grande écoute sur les principaux médias du pays, il n'y en a que pour le Real Madrid et le Barça pratiquement ! La répartition des droits TV, les avantages fiscaux de certains clubs et bien d'autres éléments créaient déjà un sorte de fossé énorme entre les cadors et le reste des clubs. Chez nos voisins ibériques, on voit cette annonce comme la suite d'un football qui avait déjà tendance à n'être rentable et bénéficiaire que pour quelques privilégiés. En quelque sorte, le haut du tableau de Liga était déjà une petite super ligue, pas forcément en termes de niveau puisqu'on voit le Barça ou le Real se faire accrocher régulièrement en championnat, mais en termes d'avantages et de statut par rapport aux autres.

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Les Espagnols s'y attendaient

Et les supporters alors, qu'en pensent-ils ? Les fans du Real Madrid et du FC Barcelone, qui représentent une énorme part des supporters de foot en Espagne, voient là l'occasion de combler ce retard avec les clubs anglais, sur le plan financier notamment, avec une Liga moins attractive et rémunératrice que la Premier League. Une participation à cette compétition pourrait par exemple pratiquement régler, en un clin d'œil, les soucis économiques de l'écurie catalane. Une vision pragmatique qui s'oppose à la vision romancée de beaucoup, qui défendent tout de même leur championnat national. Mais pas le choix, si on veut rester au niveau des clubs étatiques ou financés par des groupes étrangers, c'est ce chemin qu'il faut suivre. On rappelle que les socios des deux clubs auront normalement leur mot à dire et qu'ils pourront donc s'opposer à la participation de leur club de cœur à cette compétition s'ils l'estiment nécessaire. Curieusement, les fans des petits clubs, souvent agacés par le duopole historique en tête de leur championnat, ont des réactions plutôt positives, à base de "bon débarras" et soulignent qu'ils auront enfin un championnat un peu plus équilibré.

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Dans les différents talk-shows et émissions TV qui se sont succédés depuis hier, les avis des journalistes restent très partagés, et il n'y a pas d'unanimité. Pour beaucoup, on attend d'avoir un peu plus de détails, et on est résigné, puisque comme expliqué plus haut, on est déjà conscient que le football a pris le tournant du "tout pour l'argent" depuis des années déjà. En quelque sorte, les Espagnols étaient probablement déjà mieux préparés à ce tournant historique qu'a représenté ce dimanche 18 avril que le reste de leurs voisins européens. Et si l'attachement à la compétition nationale existe, il n'arrive pas au niveau de l'Angleterre par exemple. C'est typiquement le cas de tout l'environnement socio-médiatique du Real Madrid, où ne jure que par les compétitions européennes et la Ligue des Champions plus précisément. Les gestions du Real Madrid et du FC Barcelone, qui cherchent à s'internationaliser depuis des décennies déjà et sont même devenus de véritables marques qui rapportent plus d'argent en Asie qu'en Espagne, étaient déjà un premier pas vers cette Super League. On ne manque cependant pas de souligner que l'Atlético, qui s'est souvent présenté comme le club du peuple, n'a pas hésité à se joindre aux mastodontes européens pour cette compétition si élitiste et fermée.

Une catastrophe pour la Liga

En revanche, si on quitte le prisme des fans et des médias et qu'on s'installe dans les bureaux des autres écuries de Liga, on constate que beaucoup l'ont mauvaise. Javier Tebas, le président de la Liga, est logiquement monté au créneau pour tacler cette Super League, que ce soit via des communiqués officiels de la Liga ou de son propre chef. Luis Rubiales, président de la fédération, s'était par le passé montré assez sceptique concernant ce projet. Il faut dire que tout le système financier du championnat ibérique a été construit et repose sur cette dualité Real/Barça, et qu'un possible départ de ces deux équipes appauvrirait de façon très conséquente cette Liga, tant sur le plan sportif que financier. Une problématique qui se pose encore plus qu'ailleurs, tant ces deux géants étaient indispensables dans le bon fonctionnement de la ligue du pays de Cervantes.

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Difficile de vendre des droits à un montant correct sans ces deux géants, et ça, les dirigeants de beaucoup d'écuries espagnoles le savent très bien. Villarreal a ainsi publié un communiqué officiel dénonçant que « cette compétition sécessionniste et élitiste attaque les principes de la compétition ouverte et du mérite sportif qui occupent l'écosystème du foot national et européen ». Le club évoque aussi le fait que la Liga donne du travail direct ou indirect à presque 200.000 personnes et représente 1,4% du PIB du pays. Pour Javier Tebas, c'est pratiquement la fin des haricots. Certains le prennent tout de même à la rigolade, à l'image de Leganés, club de deuxième division qui a publié un communiqué annonçant avoir refusé participer à la Super League. De son côté, le site du Betis affiche déjà un classement de la Liga sans les trois gros clubs, avec le voisin sévillan leader du championnat. Plus qu'à attendre de voir comment se dérouleront les choses, mais en Espagne, Andrea Agnelli et compagnie ont un peu plus de partisans qu'en Angleterre et en Italie...

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