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Frédéric Hantz : «Je vais bientôt revenir sur un banc»

Par Dahbia Hattabi
14 min.
Frédéric Hantz se confie pour FM @Maxppp

Libre depuis deux ans, Frédéric Hantz n’a pas chômé pour autant. En attendant de retrouver un nouveau défi, l’homme de 56 ans s’est formé et perfectionné dans le management et la communication au haut niveau tout en continuant à regarder un sacré paquet de matches. Toujours autant passionné de ballon rond, le technicien français a faim et sent qu’il peut encore apporter à un club voire une sélection nationale. Pour Foot Mercato, l’ancien entraîneur de Bastia et Montpellier revient sur son parcours et évoque ses envies pour l’avenir avec le franc parler et l’honnêteté qu’on lui connaît. Entretien.

Foot Mercato : on vous a quitté lorsque vous étiez à Al Khor au Qatar. Qu’avez-vous appris sur vous là-bas en tant qu’entraîneur et homme ?

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Frédéric Hantz : on apprend partout, et au Qatar, j’ai beaucoup appris. Mais c’était particulier pour moi car c’était la première fois que j’entraînais à l’étranger. J’y étais allé seul en plus. J’avais un adjoint marocain, un préparateur physique brésilien, un entraîneur des gardiens tunisien, un responsable de la vidéo portugais dans un pays musulman et dans une autre culture. C’était vraiment très intéressant. Ce qui m’a beaucoup plu au Qatar, c’était la qualité des infrastructures. Les conditions d’entraînement sont exceptionnelles et ça pour un entraîneur c’est un confort fantastique. Là-bas, il y a un mix entre les joueurs locaux et étrangers. Mais il y a la culture du respect et de la hiérarchie ainsi que la volonté de travailler et progresser. Ce n’est peut-être pas ce que le Qatar a comme image par rapport aux joueurs et au championnat, mais c’est un endroit très agréable pour travailler au quotidien. Cependant, la difficulté là-bas est la différence entre les clubs. Il y a des écarts de moyens et de qualités. A l’intérieur des clubs, c’est très hétérogène. Mais je ne retiens que le positif.

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FM : qu’avez-vous fait depuis votre départ du club en 2021 ?

FH : ma vie personnelle m’a amenée à voyager beaucoup, à vivre dans un pays étranger. Mais mon chemin de vie, c’est d’entraîner. Depuis mes 18 ans, je savais que serai entraîneur. J’ai été footballeur professionnel mais je savais que je finirai sur un banc. J’ai commencé à entraîner à 32 ans. J’ai eu un parcours avec pas mal de clubs et d’expériences différentes. Aujourd’hui, la vie a fait que j’ai eu un break par rapport à mon métier. Si aujourd’hui on se parle, c’est que ça fait pas mal de temps déjà que j’ai envie d’exercer mon métier dans des conditions que je souhaite. C’est peut-être pour ça que je ne travaille pas aujourd’hui. Mais la passion est là. J’observe beaucoup, je regarde beaucoup de matches. Je me forme au management. Je fais d’ailleurs actuellement une formation de coach concernant la communication au haut niveau. Le football a beaucoup évolué ces cinq dernières années. La relation dans les clubs, ce que sont les clubs, leurs objectifs, j’observe tout ça aujourd’hui. J’espère que ces observations seront fructueuses quand je reviendrai parce que je vais bientôt revenir (sourire).

FM : on l’espère pour vous. On sent que le football vous manque…

FH : oui, le football me manque. J’ai grandi dans un immeuble, il y avait le stade au pied de l’immeuble. Donc comme beaucoup de gens qui sont dans le football, j’ai le football en moi. Dès que j’ai su marcher, j’ai tapé dans un ballon. J’ai été joueur professionnel, je suis devenu entraîneur. C’est une vie. Après votre vie personnelle, ce qui vous semble important à certains moments, peut nous faire nous en éloigner, mais on y revient toujours. J’ai vraiment envie de revenir dans de bonnes conditions, c’est-à-dire des conditions que moi je sens personnellement et qui réunissent ce qui peut amener de la réussite. C’est pour ça que ça prend un peu de temps.

FM: vous en avez un peu parlé précédemment, mais comment reste-t-on à la page en n’ayant plus de club ? Echangez-vous avec d’autres entraîneurs ?

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FH : quand on est entraîneur, on est seul. Les entraîneurs communiquent très peu entre eux car on est concurrents, il y a des problèmes d’ego, etc…En ce qui me concerne, ma volonté n’est pas de rester accroché au réseau football. C’est un cheminement personnel. Moi, par rapport à ma vie, mais aussi par rapport à ce que je peux apporter dans mon métier. Je pense que le sens de la vie, c’est de faire les choses qu’on a envie de faire et surtout qu’elles profitent aux autres; c’est-à-dire de ne pas les faire que pour soi. On les fait pour soi parce qu’on a envie et surtout parce qu’on veut partager et que ça profite à tout le monde. Aujourd’hui, je suis plus axé sur d’autres milieux que le foot, dans des formations qui sont dans le management parce que c’est ma vie, la relation à l’autre, accompagner l’autre, tenir un projet…J’ai eu envie d’aller dans d’autres chemins à des moments, vivre d’autres expériences et jobs. Mais je sais que ma vocation est là et que j’ai besoin de ça. Et en toute modestie, je sais que le football a besoin de moi aussi à mon niveau (sourire). En côtoyant d’autres univers, je me rends compte que le milieu du foot est très critiqué mais c’est nettement moins bien partout ailleurs (rires). Les gens en France qui n’ont rien vu d’autre critiquent beaucoup mais le football français est très complet. Il est bon dans la formation, ses structures, sa réglementation, ses idées générales avec tous les freins qu’il y a quand on est en France par rapport à la fiscalité et l’exemplarité. Pour moi, le football c’est la vie. Il y a beaucoup de gens d’autres univers qui critiquent le foot. Mais tous les gens que j’ai rencontré et toutes les critiques que j’ai entendues venaient de gens qui voulaient être dans le foot finalement.  

FM : vous êtes dans un milieu où on oublie aussi très vite. Le ressentez-vous personnellement ?

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FH : dans la vie, on est là où on doit être. Je n’ai pas d’états d’âme par rapport à ça. Je suis sorti des radars du football parce que je suis un homme de communication; pas un homme de réseau. Je vis ma vie. Mon dernier club en France était Metz en 2018. C’était il y a 4 ans. C’est normal que Lyon ou Marseille ne m’appellent pas. Ce n’est pas quelque chose qui me gêne. J’ai eu des opportunités cette saison. Ce qui est difficile pour moi par rapport à mon expérience c’est de reprendre des clubs en cours de saison. C’est assez compliqué. J’ai vraiment envie de revenir à un poste important dans un club ambitieux. Peut-être qu’il faudra que j’attende le mois de mai, mais c’est possible.

Frédéric Hantz est prêt à reprendre du service

FM : quels projets peuvent vous tenter ?

FH : un club c’est comme une femme, vous ne choisissez pas. C’est celle qui vient à vous au moment où vous la méritez. Après la question n’est pas de savoir quel club viendra à moi. C’est de savoir ce que j’en ferai ou ce que le club en fera. Je n’ai pas de critères de niveau ou de rémunération ou de moyens. Ce sera plus un critère de rencontre. Récemment, j’ai failli signer dans un club au mois de décembre. Beaucoup d’éléments étaient réunis, mais pas tous puisque je n’ai pas signé au final. A un moment donné, les planètes s’alignent et vous allez à l’endroit où vous devez aller. La question n’est pas de savoir si vous allez en L1, en L2, en Angleterre ou en Italie. Mais c’est surtout le moment où on va  et que va-t-on y faire ? Franchement, je ne suis pas inquiet. Je suis quelqu’un qui construit et lors de tous mes passages en club, là où ça c’est le mieux passé, c’est quand j’ai commencé dès le début de saison. Je sais entretenir et développer ça. Quand j’ai débuté une saison, le club n’est jamais descendu. J’ai entraîné six clubs de Ligue 1, même si je suis passé par la L2 ou le National, ces clubs-là ne sont jamais restés à ce niveau-là. J’ai toujours valorisé les jeunes joueurs. C’est important. Il faut avoir des objectifs sportifs mais il faut aussi intégrer des jeunes pour qu’il y ait des ventes et que les jeunes formés au club puissent grandir et partir ailleurs pour que le club puisse en tirer du bénéfice. Je pense que tous ces éléments je les ai intégrés. C’est plus facile de mettre ces choses en œuvre quand on débute la saison et on démarre le projet plutôt qu’en cours de saison où on est là pour rafistoler les choses.

FM : neuf entraîneurs de Ligue 1 ont été remerciés depuis le début de la saison. Sans dire que vous êtes à l’affût, êtes-vous attentif à ce qu’il se passe ?

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FH : oui, comme d’autres. Il y a des dynamiques de club qui font qu’aujourd’hui que même si j’ai envie d’entraîner, je n’irais pas même si c’est en Ligue 1. Je sais ce que c’est. J’ai connu ça, arriver dans un club qui est en difficulté. Il y a quatre clubs qui vont descendre cette année. Ce sont de vrais traumatismes quand vous accompagnez ça, surtout en cours de saison vous n’êtes pas responsable de ce qui s’est passé avant. Mais la responsabilité, elle, est sur celui qui franchit la ligne d’arrivée avec l’équipe. Ce sont des choses auxquelles je suis plus vigilant. C’est pour ça, quand un club est en difficultés, c’est qu’il a fait les mauvais choix à un moment donné. On peut parler des deux derniers entraîneurs qui ont été remerciés, Julien Stéphan (Strasbourg) et Gérald Baticle (Strasbourg), qui sont indéniablement deux très bons coaches. Ils se sont retrouvés dans des dynamiques ou des situations où les clubs sont là où ils en sont. Mais s’ils en sont là, ce n’est pas que la responsabilité de l’entraîneur. Il y a des clubs où vous sentez que vous pouvez apporter des choses car tout n’a pas été optimisé. Mais il y a d’autres clubs, pour parler de ceux-là, où vous sentez que vous ne pouvez pas inverser les choses en arrivant en cours de saison. Donc il ne faut pas y aller.

FM : vous avez fait l’essentiel de votre carrière de coach en France. Un retour vous tente-t-il ?

FH : je vais vous faire la réponse lambda, je suis ouvert à toutes propositions comme on dit (sourire). Aujourd’hui, ma priorité est d’entraîner en France. Déjà par rapport à la langue, je pense que c’est important. Je me suis beaucoup formé par rapport à la communication et aux relations humaines. Même si je parle anglais, je pense que vous pouvez l’exploiter au top quand vous maîtrisez bien la langue et que vous pouvez entendre et écouter les gens, les comprendre et exprimer des choses. Ma priorité est là. Après, comme je vous ai dit l’important n’est pas la finalité mais le chemin. Il se peut qu’il y ait quelque chose à l’étranger qui corresponde à ce que je souhaite, que ce soit un club ou une sélection nationale. Je pense que si c’est un club, en France ou à l’étranger, ce sera en début de saison. Après, une sélection nationale peut être reprise à n’importe quel moment.

FM : j’allais vous poser la question sur les sélections nationales. C’est une autre façon d’entraîner, mais est-ce un défi qui peut vous plaire ?

FH : oui, franchement. Je suis plus sur la notion de club, d’être en plein dans un projet. Aujourd’hui, en ayant vécu pas mal à l’étranger, découvrir une nation, le football d’une nation et atteindre un objectif par rapport à ces ambitions-là, c’est intéressant. C’est quelque chose qui peut être très galvanisant.

Un coach expérimenté qui comprend le foot actuel

FM : que pourriez-vous apporter à un club ou à une sélection aujourd’hui ?

FH : par rapport à mon expérience et aux observations que j’ai faites, je ressens que le football a changé. Aujourd’hui, un entraîneur est un homme qui arrive dans un club, qui doit remplir des objectifs minimums de résultat, qui doit développer une dynamique environnementale je dirai, c’est-à-dire qu’il y a des entraîneurs très bons sur la tactique, d’autres sur le physique. Moi, ce qui m’intéresse c’est l’environnement du club, son histoire, le développement qu’on peut avoir par rapport à ça et l’intégration des jeunes. Dans la communication externe et interne, tout a changé. Le fait de m’être mis en retrait et m’être formé, je vais manquer de modestie mais je sais ce qu’un club veut et ce dont il a besoin, ainsi que les méthodes pour y parvenir. C’est pour ça que c’est difficile pour moi de rejoindre un club en cours de saison car je ne peux pas m’intégrer pleinement. Ma vision est de repartir au mois de mai avec un président qui me fasse confiance et avec lequel on a des échanges forts, que je sois au service de sa stratégie qu’il m’a expliqué et que j’ai compris.  

Bastia, une expérience marquante

FM : vous avez dirigé pas mal de clubs depuis vos débuts. Lequel vous a le plus marqué ?

FH : tous (rires). Là où je suis resté le plus longtemps, c’est à Bastia. J’y ai fait 4 ans. C’est assez particulier. Rien ne me prédestinait à aller là-bas. Je m’appelle Hantz, je ne connaissais pas la Corse. Mais je pense que ça s’est bien passé là-bas car je me suis bien intégré. Quand j’étais là-bas, il y a des images qui me reviennent…Jérôme Rothen, Mickaël Landreau venaient à des cours de corse. On prenait des cours de corse parce que je pense que c’était important pour la réussite des joueurs de s’immerger complètement dans cette histoire-là. Peut-être que si je vais en Bretagne, j’apprendrai le breton si je sens que c’est important par rapport aux joueurs et à l’environnement du club. Sur ce qu’est le football aujourd’hui, Montpellier m’a beaucoup marqué dans l’attachement que j’y ai. C’est un vrai bon club de L1 avec des recettes ancestrales, et ça c’est magnifique. Ce club est très attachant et de haut niveau. Il ne manque pas grand-chose pour être européen tous les ans. Je n’ai passé qu’une année à Montpellier mais j’ai beaucoup donné et j’ai beaucoup appris. Par exemple, c’est un bon club quand vous êtes coach car c’est un club qui a une histoire, des structures, des moyens pour travailler et s’exprimer dans ce que vous voulez faire au plus haut niveau. Souvent, je suis allé dans des clubs qui étaient en galère au départ. Quand vous arrivez dans un club avec une vraie belle histoire à la française, à la Nicollin, qui continue, c’est plaisant. Quand on voit ce qu’il se passe dans le football aujourd’hui, ce sont beaucoup de capitaux étrangers, des clubs comme Montpellier vous avez envie que ça réussisse car ce sont de vrais bons clubs français avec des histoires d’hommes et de femmes. Des histoires humaines puissantes et un travail de fond énorme en même temps, un respect des gens qui y travaillent et qui ont apporté au club.

FM : concernant les joueurs que vous avez croisé, lequel vous a le plus marqué ?

FH : j’ai beaucoup d’affection pour Wahbi (Khazri). J’ai passé quatre ans avec lui. C’est une belle histoire. Il est né en Corse et c’est un bon exemple pour les jeunes. La chance qu’il a eu, ça peut surprendre, c’est qu’il a connu le National et qu’il jouait. Il avait 20 ans. Il a commencé en L2, ils sont descendus en National et il a toujours joué. Si Wahbi a fait la carrière qu’il a fait, c’est qu’entre 18 et 22 ans, il jouait dans une équipe première professionnelle. Aujourd’hui, beaucoup de gens ne mesurent pas ça. Un joueur, il faut qu’il joue. Wahbi avait un talent et il a fait preuve d’un attachement à son club et à son île, ce qui a fait la réussite qu’il a eu plus tard. J’ai beaucoup d’estime pour lui et je m’en sens proche c’est un des joueurs avec lequel j’ai passé le plus de temps.

FM : n’est-ce pas difficile parfois de garder cette relation entraîneur-joueur avec un élément avec lequel on a des affinités ?

FH : quand il y a de la sincérité dans la relation, il n’y a pas de problème. Un entraîneur n’a de problème qu’avec deux types de joueurs : les connards ou ceux qui ne sont pas bons. Quand un joueur n’est ni l’un, ni l’autre, pas de soucis. On peut avoir des problèmes conflictuels comme dans un couple. Mais ça ne dure pas. Avec les bons joueurs, qui sont de bons mecs, on a pas de problèmes. Par contre, j’ai eu des problèmes longs avec des joueurs parce qu’ils étaient pas bons et bêtes. Mais c’est la vérité, tous les entraîneurs vous le diront. La seule contrainte que j’ai eu en tant que coach et qui est compliquée, nocive, c’est le joueur qui a fait une grande carrière, qui est en fin de parcours et qui n’est plus bon. C’est ingérable. Vous le faites jouer; il vous fait perdre les matches. Vous ne le faites pas jouer, il vous fait perdre le vestiaire. Je pense qu’il y a des coaches qui perdent leur vestiaire à cause de ça. Le président n’a pas le courage de se séparer de ce joueur-là. En observant les joueurs, les fonctionnements, c’est la seule contrainte. Quand il ne peut plus, il ne peut plus. Ce sont des situations compliquées à gérer pour un entraîneur, ou le président fait un chèque et il part. C’est ingérable.

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