Coupe du Monde 2022 : le coup de sang de Samuel Eto'o scandalise l'Algérie

Par Dahbia Hattabi
8 min.
Samuel Eto'o lors du trophée The Best 2019 @Maxppp

Lundi soir, Samuel Eto'o a agressé physiquement un Youtubeur originaire d'Algérie. Un coup de sang qui passe très mal au pays.

Samuel Eto'o ne s'est pas fait des amis. Lundi soir, le président de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) a pété les plombs après la rencontre opposant le Brésil à la Corée du Sud. Suivie et questionné par un homme qui était muni d'une caméra devant le stade 974, l'ancien du Barça, présent en tant qu'ambassadeur de la FIFA, a vrillé et a été retenu par plusieurs personnes. Mais il a réussi à s'échapper afin d'asséner un violent coup de pied au visage de la personne qui le suivait, à savoir Sadouni SM, un Youtubeur originaire d'Algérie. Une vidéo qui a largement fait le tour des réseaux sociaux et le buzz.

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Depuis, on en sait un peu plus sur les raisons de ce terrible coup de sang. Certains médias ont expliqué que le Youtubeur aurait interrogé, voire harcelé Eto'o au sujet du match de barrage Algérie-Cameroun. Match après lequel l'ex-attaquant a été accusé d'avoir acheté les arbitres notamment Monsieur Bakary Gassama, coupable de plusieurs erreurs selon les Fennecs. Depuis mars dernier et l'élimination des Verts lors des qualifications au Mondial 2022, le pays est, effectivement, en boucle sur le sujet même si la tension semblait être redescendue.

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Algérie-Cameroun, une cicatrice pour les Fennecs

Journaliste sportif pour La Gazette du Fennec, Mohamed Touileb nous explique : «vous savez, le choc de l’élimination était conséquent. Et, dans certains pays, on exploite le malheur. Ça développe une sorte de crédulité chez des personnes qui n’arrivent pas à accepter une désillusion inattendue. Avant le match retour au stade Mustpaha Tchaker, l’équipe nationale avait un pied en Coupe du Monde. À défaut de trouver des raisons concrètes pour l’échec, la tendance était beaucoup plus à trouver des coupables. Sur l’instant, on est sous le coup de l’émotion et de la frustration. Et comme il y avait des faits de jeu pas nets, c’est l’arbitrage qui a été pointé du doigt».

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Il poursuit : «à partir de ce moment, on pensait que Bakary Gassama était de mèche avec la partie adverse. Le lien était vite établi. Ça a commencé à parler de preuves. Des Youtubeurs en ont profité pour surfer sur le buzz et entretenir le « mensonge » autour de cette affaire. Une partie de la population a même cru que le match allait vraiment être rejoué. La digestion de la désillusion était très compliquée. L’attitude de la Fédération algérienne de football et du sélectionneur Djamel Belmadi n’a pas franchement aidé l’opinion pour accepter l’échec et passer à autre chose. Surtout qu’il était difficile, voire impossible, d’apporter des preuves de la supposée corruption de Gassama».

Une agression qui a ravivé les tensions

Journaliste pour DZ Foot, Juba Touabi est du même avis : «une majorité de supporters algériens n'ont clairement pas compris l'arbitrage de Monsieur Gassama. La FAF a introduit un recours à la FIFA. Beaucoup de personnes sur les réseaux sociaux ont surfé sur cette vague pour alimenter la frustration. Finalement, la FIFA a décidé de rejeter le recours et les supporters algériens ont accepté la sentence malgré ce qu'on peut penser. On s'est dit : "affaire close et à dans quatre ans". Mais cette agression d'Eto'o a ravivé les tensions malheureusement». Et Sadouni SM, qui a été frappé par Eto'o, s'est défendu sur ses réseaux sociaux pour que justice soit faite.

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«Je suis au poste de police pour l'enquête. Il faut partager cette vidéo, comme Eto'o est une personnalité j'ai peur qu'ils camouflent le dossier, mais j'ai confiance en la police qatarie. Il m'a détruit ma caméra et mon microphone, il m'a frappé là (en montrant son menton, ndrl). J'ai fait tout ça pour l'Algérie». En pleine tempête, le président de la FECAFOOT est sorti du silence également sur ses réseaux sociaux. «Le 5 décembre dernier, à la sortie du match Brésil-Corée du Sud, une altercation violente m’a opposé à une personne apparemment supportrice de l'Algérie. Je regrette profondément d’avoir perdu mon sang-froid et d’avoir réagi d’une manière qui ne correspond pas à ma personnalité».

Deux versions qui divergent

Il a ajouté ensuite : «je présente mes excuses au public pour cet incident regrettable. Je m'engage à continuer de résister aux provocations incessantes et au harcèlement quotidien de certains supporters algériens. En effet, depuis le match Cameroun-Algérie du 29 mars dernier à Blida, je suis la cible d’insultes et d’allégations de tricherie sans aucun fondement. Pendant cette Coupe du Monde, des supporters camerounais ont été harcelés et importunés par des Algériens sur le même sujet. Je tiens à rappeler que le scénario de l'élimination de l'Algérie fut cruel mais parfaitement conforme aux règles et à l'éthique de notre sport.» Puis il a enfin terminé par un appel au calme tout en mettant la FAF et l'Algérie face à leurs responsabilités.

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Mais la FAF n'a pas réagi pour le moment. Ce qui est logique selon Mohamed Touileb. «Je pense que Samuel Eto’o a vite compris que son attitude n’était pas tolérable. D’ailleurs, il a fait un communiqué pour demander des excuses pour son comportement. Il savait que cela pouvait prendre certaines proportions et susciter des réactions officielles. Trois jours après l’incident, je constate que la tension est redescendue. Les autorités qataries ont traité cette affaire et ont pris les mesures nécessaires. Il n’y a pas un préjudice physique énorme pour l’agressé. Cela a empêché l’affaire de boursoufler. Et c’est tant mieux pour tout le monde car il faut vraiment que tout le monde comprenne que le verdict du rectangle vert est ce qui compte».

Une affaire qui a fait parler

En effet, l'affaire n'a pas fait grand bruit médiatiquement en Algérie. Dans la presse écrite, des médias tels que Le Buteur et Compétition, n'en ont pas parlé. Sur le web en revanche, ce scandale a été beaucoup plus suivi. Mais au pays, on veut passer à autre chose. Mohamed Touileb a une explication à cela. «Je pense que cela s’est passé à un moment où le dossier en question était définitivement plié. La Coupe du Monde s’est jouée sans l’Algérie. À peu près tout le monde qui était passé à autre chose. À partir de là, cette agression ne pouvait pas être à grand retentissement. Le Youtubeur qui a été agressé a probablement dit le fond de la pensée de nombreux de ses compatriotes qui étaient frustrés par ce qui était arrivé à notre sélection».

Il continue : «après, il y a la réaction de Samuel Eto’o qui n’est pas justifiable même si, dans une certaine mesure, elle reste la résultante d’un matraquage médiatique dangereux autour du « GassamaGate ». Ça ne pouvait que péter à un moment donné (...) Il est évident que la tendance était pour soutenir notre compatriote. C’est une attitude tout à fait normale. Surtout que les preuves matérielles, comme la vidéo, ne donnaient pas raison à Eto’o. A titre personnel, en tant que journaliste, j’ai condamné l’agression physique tout en soulignant qu’il fallait passer à autre chose et qu’on en finisse avec ce traumatisme. Après tout, ce n’est que du football».

Indignation en Algérie

Malgré tout, au pays, les supporters et l'opinion publique condamnent l'acte de Samuel Eto'o selon Juba Touabi. «Il y a une incompréhension totale. Une grande partie des supporters algériens ne pensaient pas qu'une légende du football africain pouvait en venir à de la violence physique contre un supporter. Cette histoire ravive aussi la polémique ayant entouré ce match retour des barrages, alors que les supporters algériens étaient plutôt concentrés sur la Coupe du Monde (...) Je rappelle que les supporters camerounais qui étaient présents au stade lors de cette soirée d'élimination ont pu fêter leur victoire normalement avec leurs joueurs et Eto'o était présent sur le terrain. À aucun moment, ils n'ont été pris à partie alors que c'était le moment le plus haut de la frustration côté algérien».

Cette polémique laissera donc des séquelles car l'image de Samuel Eto'o en a pris un coup. «C'est le plus triste dans cette histoire. Car Eto'o était perçu comme l'une des légendes du football africain avant cette histoire. Celui qui pouvait un jour devenir un président de la CAF au service du continent. Cette histoire a grandement entaché son image», assure Touabi Juba. Mohamed Touileb n''est pas du même avis. «Eto’o était dans le camp adverse. Quelque part, il était dans la peau de l’ennemi. Par ricochet, il était, en tant que président de la FECAFOOT, le principal instigateur de la « magouille » pour beaucoup de personnes».

Il précise ensuite : «il traîne une sorte de présomption de culpabilité qui le suivra pendant un certain temps. Tout comme cette agression d’ailleurs. Je pense que cet épisode, on le lui ressortira à chaque fois qu’il y aura un Algérie – Cameroun. L’Algérien n’oublie pas vite voire jamais. Surtout quand il s’agit de football». Il va falloir pourtant tourner la page et se concentrer sur l'avenir, les qualifications pour la prochaine Coupe d'Afrique des Nations. Car c'est surtout sur le terrain que l'Algérie veut et doit répondre.

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