Comment Clermont est passé de l’équipe sexy au canard boiteux de la Ligue 1 ?

Par Jordan Pardon
6 min.
Mory Diaw avec Clermont @Maxppp

Séduisant la saison passée avec une exceptionnelle 8e place en Ligue 1, Clermont connaît aujourd’hui le grand écart. Dernier du championnat, le club auvergnat se rapproche à petit feu de la Ligue 2.

«C’est une catastrophe, c’est catastrophique, c’est tout, je n’ai rien d’autre à dire.» Ces mots sont ceux de Johan Gastien, prononcés à la mi-temps de Lille - Clermont ce dimanche au micro de Prime Video alors que son équipe était déjà menée 4-0. Une nouvelle humiliation qui n’inspire guère à l’optimisme pour ce groupe qui avait pourtant fait chavirer la Ligue 1 l’an passé avec une extraordinaire 8e place et ses 59 points. Rafraîchissante, solidaire, affranchie d’une quelconque pression incommodante, la formation dirigée par Pascal Gastien avait su donner du fil à retordre aux gros du championnat en conservant son style de jeu attrayant et dénué de complexes. Si le facteur chance avait aussi eu sa part de responsabilité dans cette étonnante réussite, il peine à se manifester cette saison.

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Dernier du championnat, Clermont voit ses week-end se ressembler depuis le mois d’août. De jolies parenthèses, il y en a eues, comme à Lyon (1-2, le 22 octobre) ou à Nantes (1-2, le 14 janvier). Des défaites «encourageantes» aussi, comme à Marseille (2-1, le 17 décembre), même si on sait combien cette théorie reste fragile… Et ce ne sont pas les fidèles les plus transis du club qui diront le contraire. Depuis le 12 novembre et un succès étriqué face à Lorient (1-0), ils n’ont plus jamais eu droit de savourer les festivités d’une victoire à Gabriel Montpied. Avec la sensation de soutenir une équipe qui ne respecte pas l’un des fondamentaux de la réussite : retenir les leçons d’un match à l’autre. Au regard de son statut de plus petit budget du championnat, Clermont pouvait s’attendre à un affaissement de sa courbe de performances, c’est certain, mais pas dans ces proportions.

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Pascal Gastien ne trouve plus la solution

Une équipe harassée après une saison en surrégime et qui aurait alors conduit au surmenage ? C’est une possibilité. En avril, Pascal Gastien refusait de s’avancer vers des certitudes, conscient que la 8e place obtenue ne lui conférait aucune garantie pour la suite. «Si je vais savourer tous mes déplacements pour la dernière saison ? (Il prendra sa retraite en juin 2024) Cela dépendra des résultats du club. Savourer, je ne pense pas. Ce sera difficile si cela ne se passe pas bien. Ça va être une année difficile. J’espère que cela va bien se passer» avait-il tempéré dans un entretien accordé à L’Équipe. Neuf mois plus tard, le technicien de 60 ans semble accuser le coup : «Ça a été long. Je n’ai pas souvenir d’un tel cauchemar sur une mi-temps, à part peut-être à Rennes il y a deux ans. Lille a été très bon mais on les a bien aidés. On était dispersé, toujours en retard… On réagissait plus qu’on agissait, une nouvelle fois. On est dans un moment particulièrement compliqué», analysait-il après la gifle monumentale infligée par le LOSC ce dimanche. Selon les informations de L’Équipe, Pascal Gastien pourrait d’ailleurs être sur la sellette de son poste d’entraîneur. Loin d’être enclin à continuer l’aventure au-delà de cette saison selon les indiscrétions de nos confrères, la figure emblématique du club auvergnat pourrait être invité à occuper un rôle de conseiller sportif. Pour maximiser les chances au maintien de Clermont, son avenir paraît de plus en plus opaque sur le banc du CF63.

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Depuis le début de saison, l’entraîneur clermontois démontre d’ailleurs une certaine psychorigidité, ou un aveugle entêtement - c’est selon -, ce qui lui est en partie reproché chez une frange de supporters. Malgré des résultats en chute libre, Gastien reste cramponné à son 3-4-2-1 qui révèle chaque week-end de nouvelles carences, et dans lequel ses joueurs diffusent la sensation d’être désarçonnés voire passifs, à l’image d’un Maximiliano Caufriez devenu l’ombre de lui-même cette saison. Face au LOSC, le Belge avait oublié la bouée et les brassards. Résultat : il a coulé à pic, tout comme ses compères Chrislain Matsima et Andy Pelmard. Pour la digression, l’arrivée de Matsima est également le signe d’un certain désordre entre les intentions du club, et ses actions. Cet hiver, le président du CF 63, Ahmet Schaefer, avait déclaré dans un entretien à la Montagne ne pas vouloir recruter de «gamin». Au bout du compte, Alan Virginius (21 ans), Jérémy Jacquet (18 ans) et Chrislain Matsima (21 ans), donc, ont débarqué sous la forme de prêts.

Des cadres en perte de vitesse

Autre élément de réponse à cette douloureuse dégringolade clermontoise : la méforme de ses leaders historiques, fondamentaux l’an passé. En ce sens, Florent Ogier marche à l’ombre depuis le début de saison, ce qui a récemment conduit Gastien à le déclasser sur le banc. Parmi les joueurs les plus utilisés de l’exercice 2022/2023, le capitaine Yohan Magnin n’affiche plus son influence d’antan, alors que l’idole locale Johan Gastien montre de la bonne volonté, ce qui reste un terrible compliment au regard de ce qu’il représente. Meilleur gardien de Ligue 1 en termes de buts évités (différentiel xG cadrés subis – buts encaissés) l’an passé, Mory Diaw n’est plus aussi souverain, en atteste sa grossière erreur sur le deuxième but lillois, tandis que Maxime Gonalons s’apparente à une charge lorsqu’il est sur la pelouse.

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Dans la quête au maintien, disposer d’un numéro neuf régulier reste un atout non-négligeable, ce que l’OL pourra d’ailleurs confirmer avec l’apport incommensurable de Lacazette la saison dernière. Mais en l’espèce, Clermont doit composer avec ses forces en présence, qui se raréfient ces derniers temps. Intéressant l’an passé, le Serbe Kommen Andric n’a plus joué depuis septembre, quand Elbasan Rashani reste toujours à la recherche de son premier but de la saison. Auteur de 10 réalisations la saison dernière, Grejohn Kyei n’a plus marqué depuis son penalty marqué contre Toulouse en septembre (2-1), son seul but cette année. En attendant, Clermont doit alors s’en remettre à sa recrue jamaïcaine Shamar Nicholson. Irrégulier et muet sur les 17 premières journées de championnat, l’attaquant de 26 ans a inscrit ses 3 premiers buts lors de ses 4 derniers matches. Ce qui reste encore bien insuffisant.

Plus l’embarras que le choix sur le marché

On sait combien il est difficile de rivaliser dans un championnat déséquilibré en termes de moyens financiers comme la Ligue 1. Avec un budget estimé à 22 millions d’euros, soit deux fois moins important que celui de Metz, seizième de ce classement, Clermont doit s’atteler à des paris comme ceux réalisés sur Muhammed Cham ou Alidu Seidu. Le premier, révélation de l’an passé, étale aujourd’hui ses qualités dans le désordre, ce qui lui vaut son récent rôle de remplaçant. Le second, meilleur joueur clermontois, a été cédé à Rennes en janvier pour environ 13 millions d’euros. Une stratégie qui peut interroger à l’égard du statut de relégable de Clermont, même si Seidu n’aurait certainement jamais été aussi bien vendu l’été prochain.

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Sous l’effet conjugué de la méforme de Cham, et du départ de Saîf-Eddine Khaoui l’été dernier, le club auvergnat se retrouve également dans une impasse sur le plan créatif. Fondamental la saison dernière et troisième joueur le plus décisif de Clermont (7 buts, 3 passes décisives), le Tunisien a laissé un vide béant depuis son transfert à Khorfakkan (Emirats Arabes Unis) où il ne joue pas. Et cet hiver, Clermont n’a pas été en mesure d’attirer un profil de ce style, ce qui lui fait également défaut depuis août. Des Lanciers démilitarisés, qui poursuivent douloureusement leur glissement vers la Ligue 2, un championnat qu’ils avaient connu sans interruption entre 2008 et 2020…

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