Eliminatoires CM - Europe

Le travail dantesque des Îles Féroé pour croire en leur rêve historique

Avec seulement 55 000 habitants, les Îles Féroé défient toutes les logiques du football mondial. Portés par une génération dorée, les insulaires sont à une marche d’un exploit historique : une qualification pour la Coupe du Monde.

Par Valentin Feuillette
5 min.
Îles Féroé @Maxppp

Les Îles Féroé sont en train d’écrire l’un des chapitres les plus incroyables de leur histoire footballistique. Ce qui semblait être un rêve inaccessible il y a encore quelques années est désormais tangible : une qualification pour la Coupe du Monde est toujours possible à une journée de la fin des qualifications. Le triomphe (2-1) face à la République tchèque en octobre à Torsvøll n’est pas seulement une victoire marquante, c’est un symbole. Un symbole d’un petit pays de 55 000 habitants qui défie les géants. Devant leur public, les Féroïens ont livré une bataille héroïque, s’imposant grâce à des buts d’Hanus Sørensen et de Martin Agnarsson. Ce succès, en plus de battre le record historique de points de la sélection (12 points), propulse cette génération dorée au rang de légende nationale. Cette performance s’inscrit dans une dynamique exceptionnelle enclenchée par le sélectionneur Eyðun Klakstein et son adjoint Atli Gregersen. Moins d’un an après leur arrivée, ils ont su transformer une équipe habituée à souffrir en une formation disciplinée, ambitieuse et surtout efficace dans les grands rendez-vous. Le plan de jeu mis en place contre les Tchèques en est la parfaite illustration : pressing haut, vitesse dans les transitions, et une rigueur défensive remarquable.

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Même lorsque la République tchèque a égalisé en fin de rencontre, les Féroïens n’ont pas flanché. Au contraire, ils ont trouvé la force de frapper à nouveau, grâce à une action parfaitement menée et conclue par Agnarsson, symbole d’une équipe qui refuse d’abandonner. Les Îles Féroé comptent environ 5 000 licenciés de football, soit près de 10 % de la population, ce qui montre à quel point ce sport est ancré dans la vie de l’archipel. Le championnat national, la Betri-deildin, réunit 10 clubs qui s’affrontent trois fois chacun par saison, totalisant 27 matchs. Parmi eux, le HB Tórshavn et le Klaksvík figurent parmi les clubs les plus titrés, le KÍ ayant récemment remporté le titre, tandis que le Víkingur Gøta était champion en titre. Les meilleures équipes se qualifient pour les compétitions européennes : le champion pour la Ligue des champions et les deuxième et troisième pour la Ligue Conférence, avec également une place en Conférence pour le vainqueur de la Coupe des Îles Féroé. Parallèlement, le football féminin se développe rapidement, avec le nombre de licenciées passant de 1 600 à 2 000 en moins de deux ans. Ces chiffres témoignent d’une passion et d’un investissement collectif exceptionnels pour un territoire si restreint, qui explique en grande partie l’émergence d’une génération féringienne capable de rêver de Coupe du monde.

Le rêve est permis

Ce succès majeur en octobre est intervenu seulement quelques jours après une autre démonstration de force : une victoire 4-0 face au Monténégro. Ce match avait déjà donné le ton. Hanus Sørensen, homme fort de cette campagne, avait ouvert et amplifié la marque, bien accompagné par Árni Frederiksberg, intenable sur son aile. Ces deux victoires consécutives ont non seulement galvanisé tout un peuple, mais elles ont surtout installé les Féroé à la troisième place de leur groupe, derrière la Croatie et la République tchèque, avec un rêve encore à portée de main : «J’espère que les yeux sont braqués sur moi en ce moment, et que le téléphone de l’agent est un peu chaud en ce moment, donc tu t’envoles vers un bon endroit maintenant», a déclaré Hanus Sørensen avec une excitation sans précédent. Excessif ou non, le joueur de 24 ans n’a pas pu retenir ses larmes lorsqu’on l’a interrogé sur le garçon qui, il y a de nombreuses années, n’aimait que l’équipe nationale : «Je me souviens, avant, quand tu venais ici pour regarder des matchs. C’était vraiment spécial, et maintenant tu joues avec tes idoles. Je me souviens avoir écrit à Brand un jour pour lui demander comment tu pouvais devenir aussi bon que lui, et maintenant je joue avec lui », avait déclaré Hanus Sørensen, visiblement ému. En remportant quatre matchs sur sept dans ces éliminatoires, ils ont envoyé un message clair. Leur place dans cette course n’est pas un accident.

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«Je ne m’attendais pas vraiment à ce que le ballon arrive là, mais c’était amusant et c’était une sensation formidable. C’était dingue. Je dois le dire», a déclaré Agnarsson, qui a, une fois de plus, été décisif pour les Îles Féroé. Le rêve possible ? Il reste du chemin à parcourir, mais pour une petite île, l’évolution est déjà extraordinaire : «nous avons chanté à l’intérieur du vestiaire, alors maintenant le pouls était remonté. Nous avons joué un match nul en République tchèque, où ils ont décidé du match vers la fin, et aujourd’hui, la situation a basculé dans l’autre sens, et nous marquons immédiatement après qu’ils aient marqué. Cela nous a permis de tenir bon pendant 90 minutes et de ne pas abandonner collectivement. On se voit en Amérique», a souri Brandur Hendriksson Olsen. Au-delà des chiffres et des résultats, ce parcours raconte une véritable épopée. Celle d’un archipel de 55 000 habitants qui, grâce à une génération talentueuse et à une vision claire, s’offre le droit de rêver d’un Mondial. L’enthousiasme qui s’est emparé de Tórshavn n’est pas qu’un feu de paille, puisque c’est le fruit d’un travail minutieux, d’une progression constante et d’une foi inébranlable dans leurs capacités. Lorsque les joueurs fouleront la pelouse en Croatie pour le dernier match lors de cette trêve de novembre, ils porteront avec eux bien plus qu’un maillot, car ils porteront l’espoir d’un pays entier qui croit, plus que jamais, à l’impossible. Et dans le pire des cas, ils auront les yeux rivés sur la Ligue des Nations et l’Euro, torse logiquement bombé.

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