James Léa-Siliki : « prêt à prendre mon sac et venir faire une semaine d’entraînement avec un club »

Le mercato d’hiver va bientôt ouvrir ses portes. Une fenêtre dont James Léa-Siliki compte bien profiter pour retrouver un nouveau point de chute. Sans club depuis six mois, le footballeur de 29 ans a des fourmis dans les jambes et surtout l’envie d’aider un club auquel il apportera ses qualités, sa polyvalence, son expérience mais aussi une joie de vivre indispensable dans un vestiaire. Pour Foot Mercato, il évoque sa vie loin des terrains, ses objectifs mais également la situation de la sélection camerounaise. Entretien.

Par Dahbia Hattabi
15 min.
James Léa-Siliki @Maxppp

Foot Mercato : vous n’avez pas encore 30 ans, mais vous avez déjà vécu plusieurs vies dans le milieu du football. Plus jeune, vous êtes passé par le PSG. Que retenez-vous de votre passage là-bas ?

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James Léa-Siliki : je pense que c’est là que tout a commencé. C’est le club avec lequel j’ai appris à aimer le football. J’ai une famille qui a baigné dedans, notamment mes frères. J’ai eu la chance de démarrer là-bas, même si j’ai débuté avant dans ma ville, à Gonesse. Le PSG, c’est vraiment le club qui m’a permis de poser les bases pour devenir le joueur que je suis. J’y ai fait des rencontres formidables. J’y ai rencontré des amis qui sont encore dans ma vie aujourd’hui. (…) Il y a Kingsley Coman, Presnel Kimpembe, Ferland Mendy, Yakou Meité, Antoine Leautey, Adrien Rabiot, etc… La liste est très longue. C’était la génération 95-96 où il y a eu pas mal de réussites et on ne va pas s’en plaindre. (…) Paris, c’est là-bas que j’ai posé les fondations et c’est aussi le club qui a fait que j’ai cet amour pour le foot.

FM : pourquoi dites-vous que le PSG vous a «vraiment fait aimer le foot» ?

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J.L-S : quand on commence le foot très jeune, on va dire que c’est un "plaisir" et un "hobby". J’ai passé deux années à Gonesse, qui se sont d’ailleurs très bien passées. Ensuite, j’ai directement basculé au PSG. Le passage du petit au grand terrain, je l’ai fait là-bas. J’ai appris l’exigence, la compétition aussi parce qu’en étant au PSG, on participait à de gros tournois chez les jeunes avec beaucoup de qualité sur tous les terrains. On nous imprègne d’une culture de la gagne très jeune, au sein de la formation et de la pré-formation. On rentre ensuite dans tout ce qui est professionnel. Forcément, à travers l’exigence que ce club met, ce qu’il symbolise et tout ce que le football représente, il y a un peu le plaisir d’aimer ce qu’on fait dans ce club. Le PSG m’a permis de me former en tant que joueur, mais aussi en ce qui concerne des points essentiels comme l’exigence et la qualité. En Île-de-France, la formation est réputée. Pour moi, j’ai eu la chance de côtoyer le meilleur club de France.

FM : vous avez connu le club étant plus jeune, mais il a pas mal changé ces dernières années. Il a même remporté sa première Ligue des Champions la saison dernière. Que pensez-vous de l’évolution du PSG ?

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J.L-S : c’est le club avec lequel j’ai grandi parce que j’ai des frères qui m’ont mis dedans. Donc c’est un club pour lequel j’avais beaucoup d’amour. Forcément, quand on entre dans le monde professionnel et qu’on connaît d’autres clubs, on "se détache". Mais au final, on reste toujours attaché au premier amour. J’ai suivi l’évolution du PSG, que ce soit à travers les liens que j’ai eus avec les éducateurs ou les personnes qui sont encore au club. Le club a pris une dimension différente. Presnel (Kimpembe), qui est un ami et que je vois très souvent, y est resté très longtemps. Donc forcément, j’ai gardé un œil dessus. L’évolution du PSG est top. Je pense que le moment où ils gagnent cette Ligue des Champions est celui où on l’attend le moins finalement. Mais c’est sûrement le meilleur moment car il est venu après les échecs, les difficultés et l’attente. La manière dont ils l’ont remporté, à la fois par la qualité de jeu mais aussi lors de leur épopée, c’était magnifique.

FM : ensuite, vous êtes parti un peu plus à l’ouest. Il y a eu Guingamp, puis le Stade Rennais. En regardant dans le rétro, quels souvenirs vous viennent en tête ?

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J.L-S : ce sont deux clubs qui, pour moi, sont très importants. À Guingamp, j’ai appris à devenir un homme. Je suis arrivé en tant qu’adolescent. On sait ce que c’est un adolescent qui quitte la région parisienne et qui en découvre une nouvelle, dans une ville spéciale qui est réputée comme un lieu où il n’y a rien à voir. Mais au final, cette ville est tellement riche. Il y a tant d’amour et de ferveur. L’adolescent que j’étais s’est transformé en homme. J’ai appris à m’ouvrir, à contrôler mon tempérament, à travailler différemment. C’est un club et une expérience qui resteront gravés dans ma mémoire. Guingamp reste à part pour moi. Ensuite, en ce qui concerne Rennes, l’homme que je suis a pu s’y développer aussi bien en tant que footballeur qu’au niveau de ma personnalité. Je suis devenu adulte. Par exemple, j’y ai appris à lire une fiche de paie, à vivre seul aussi car j’ai eu mon premier appartement à Rennes. Au niveau professionnel, j’ai eu tout ce que je pouvais avoir. Ce sont vraiment deux moments particuliers et distincts qui m’ont forgé. Ce sont deux clubs que je porte très haut dans mon cœur. Actuellement, je suis d’ailleurs à Rennes pour m’entraîner et garder la forme en attendant de retrouver un nouveau club. Les portes du Stade Rennais sont toujours ouvertes et ça fait très plaisir de revenir et d’être très bien accueilli. J’ai été voir des matches à Guingamp il y a quelques mois aussi. Je suis toujours content d’y retourner et j’y suis également très bien accueilli.

FM : vous avez aussi tenté l’aventure à l’étranger, à Middlesbrough en Angleterre, à Estoril-Praia au Portugal, à Gençlerbirliği en Turquie et enfin au Gloria Buzau en Roumanie. Ces expériences vous ont-elles aussi transformé ?

J.L-S : pour être honnête, ce sont les expériences les plus enrichissantes en termes de professionnalisme. Ce sont des visions différentes du football. En Angleterre, tout tourne autour du football. Je n’ai jamais vu autant de professionnalisme, pourtant j’étais en Championship dans un club qui a peut-être moins de moyens que ce qu’on peut faire actuellement. L’Angleterre, c’est le pays du football et de la culture foot par excellence, en ce qui concerne les infrastructures, l’organisation, etc… Si un jour j’ai la chance d’y retourner pour jouer, ce sera avec plaisir. Le Portugal, ça a encore été une autre manière de fonctionner. Mais j’ai été agréablement surpris. Pourtant, je n’étais pas dans l’un des tops clubs. Il y a déjà une très belle culture dans ce pays. C’est un endroit qui est très beau. J’ai eu la chance d’évoluer dans des clubs familiaux. Au Portugal, j’ai retrouvé ce que j’avais connu à Rennes et à Guingamp avec des clubs très structurés et des gens attachants. Sans vouloir me vendre, je suis aussi un très bon vivant et une personne dans l’échange avec les gens. Donc je pense que ça a aidé à faire que les gens qui travaillent dans ces clubs m’ont apprécié. Ils ont aimé cette proximité avec le staff et les gens qui travaillent au club. La Turquie est pour moi l’un des meilleurs pays où j’ai vécu. Il y a un rapport au football très marqué, même s’il y a des difficultés connues en termes de paiement ou autres. Je n’y suis resté que 4 mois, mais j’ai été agréablement surpris. C’était de la D2 mais j’ai été étonné positivement par l’engouement. Enfin, la Roumanie c’est encore une autre expérience. Je pense qu’on apprend toujours dans la vie et j’ai encore appris. J’ai rencontré de belles personnes. Mais en termes d’organisation et d’infrastructure, c’était un peu plus compliqué. J’en garde malgré tout de bons souvenirs.

Un joueur sans club et prêt à reprendre du service

FM : vous êtes sans club depuis le 1er juillet dernier. Comment s’est passé votre été, entre le mercato et la préparation ? Aviez-vous eu des touches ?

J.L-S : j’ai fait une préparation avec l’UNFP FC, que je remercie parce que c’était une superbe aventure et que ça s’est super bien passé. Après ça, il y a eu quelques contacts mais ils étaient légers car j’ai eu des difficultés au niveau de l’accompagnement d’un agent. Donc je pense qu’il y a eu des intérêts mais qui ne sont pas arrivés directement à moi. J’avais fait une belle préparation, j’étais en jambes et je pensais vraiment retrouver quelque chose. Il n’y a pas vraiment eu de contacts concrets. Donc forcément derrière il y a la période où les clubs démarrent leur saison et essayent de faire au mieux. Quand on regarde le marché des joueurs libres, on est beaucoup en ce moment (…) Je suis un passionné de foot donc je regarde énormément de matches, de la Ligue des Champions au National. Et encore, j’ai été voir des matches de N2 et même de niveau régional où j’ai pu voir des amis. C’est quelque chose que je fais énormément. Le fait de ne pas retrouver un projet, c’est assez compliqué surtout quand on a envie de jouer. Je dois avouer que ça me démange de jouer. Je garde espoir et je suis très motivé. C’est dans cette optique-là que je suis revenu à Rennes pour m’entraîner avec la réserve, participer à des entraînements collectifs et me préparer. Je voulais retrouver une structure et avoir des entraînements de qualité qui me permettent de pouvoir être prêt et retrouver un challenge en étant déjà en jambes.

FM : est-ce la première fois que vous vous retrouvez dans cette situation ?

J.L-S: non, c’est la troisième fois. Mais c’est la première fois que j’ai fait une vraie préparation. J’avais résilié mon contrat lorsque j’ai quitté le Portugal en septembre (2023). Donc j’ai dû attendre le mois de février suivant pour rejoindre la Turquie. En Turquie, c’était différent car mon contrat s’était fini et j’avais eu des problèmes avec mon ancien agent pour résilier mon mandat. Ce qui ne m’a pas permis de pouvoir m’engager avec les clubs avec lesquels je discutais car il y avait une corrélation avec lui. Ce qui m’a fait arriver au mois de janvier en Roumanie. Ce n’est pas une situation facile à vivre, mais je relativise plus comme je l’ai déjà vécue. Je pense qu’on voit les choses différemment et mentalement, on le vit mieux que la première fois. La première fois, je ne cache pas que c’était plus compliqué.

FM : finalement, vous n’avez pas trouvé votre bonheur. Comment avez-vous occupé ces derniers mois ?

J.L-S : j’ai eu la chance qu’un groupe qui évolue en R1 à côté de chez moi à Chatou m’ouvre ses portes et me permette de participer à des séances collectives. Du coup, comme ce n’est pas la première fois que je le vis, c’est un peu un jeu de piste car la première fois que ça m’est arrivé, je me suis entraîné pendant 6 mois non-stop. Mais je me suis rendu compte en arrivant en club qu’il n’y a rien qui remplace les séances collectives. On peut s’entraîner tous les matins, courir tous les jours, le footballeur n’est pas un athlète. Je veux dire par là qu’on peut courir tous les jours et le corps peut s’habituer mais rien ne remplace les entraînements collectifs, les efforts liés au foot. Avant de retrouver un projet et discuter, il était nécessaire de pouvoir revenir sur quelque chose qui a un rapport avec le foot. C’est pour cette raison que je suis revenu à Rennes afin d’avoir de vraies séances collectives, d’être avec un vrai groupe avec une certaine exigence afin qu’au moment où je discuterai avec un club, je puisse dire que je me suis entraîné et que je suis prêt. Si les clubs ont besoin de données ou d’autres choses, ils savent que Rennes m’a permis d’être prêt.

FM : le terrain, les vestiaires et la vie de groupe, on imagine que ça vous manque beaucoup.

J.L-S : c’est sûr. Je suis quelqu’un qui est réputé pour être souriant, avenant et qui aime beaucoup rigoler. J’aime être dans l’ambiance et communiquer. Donc la chaleur d’un groupe est quelque chose qui me manque forcément. Au-delà du terrain, de l’adrénaline et de ce que le football représente, le fait d’avoir un groupe me manque. Je remercie le Stade Rennais parce que le groupe 2 avec lequel j’évolue depuis plusieurs jours est top. On échange beaucoup. Ça me permet de transmettre aux jeunes mon expérience et ce que j’ai vécu parce que j’ai été à leur place. Ils m’ont accueilli de la meilleure des manières et ils m’aident aussi à aller chercher ce dont j’ai besoin.

FM : aujourd’hui, quelles sont vos envies ? Dans quel(s) championnat(s) et à quel(s) niveau(x) souhaitez-vous évoluer ?

J.L-S : honnêtement, l’idée est de retrouver un club. Je n’ai pas de préférence, que ce soit en France ou à l’étranger. Bien sûr, en France c’est un peu plus facile car j’ai été formé ici et que j’y ai fait une grande partie de ma carrière. Donc j’y suis un peu plus "connu" on va dire. Dans une situation où on a besoin de refaire parler de soi, on va dire que c’est un peu plus facile dans son pays. Mais si je dois rejoindre l’étranger, je n’ai pas de problème avec ça puisque je l’ai déjà vécu. Je parle anglais couramment donc ça aide aussi. En France, je suis ouvert à tout. Je regarde tous les matches, je suis beaucoup de clubs. Je suis ouvert à tout, de la Ligue 1, de la Ligue 2 ou du National.

Un couteau-suisse qui a des fourmis dans les jambes

FM : que pouvez-vous apporter à un club ?

J.L-S : en termes de qualité, je ne vais pas me vendre, mais je pense que j’ai encore beaucoup de jambes. C’était ma force plus jeune et ça l’est toujours. Aujourd’hui, je pense que j’ai pris en maturité. Dans un football où les équipes sont de plus en plus jeunes, avoir cette expérience et cette maturité-là dans un groupe, c’est important pour transmettre et aider. Mais ça dépendra du registre dans lequel je serai utilisé. Je peux jouer à tous les postes au milieu de terrain donc il y a plusieurs registres. Je peux jouer plus bas sur le terrain où là il faut contrôler le tempo, ratisser et faire jouer l’équipe. En tant que relayeur, c’est faire des courses, être dans les bonnes zones et apporter de l’espace et de la qualité. Plus haut, derrière un attaquant, c’est apporter de la qualité technique et être efficace. J’ai aussi la chance de pouvoir jouer sur le couloir gauche en tant qu’ailier ou latéral gauche. Je suis aujourd’hui la version du joueur la plus mature que je puisse être. Dans cette idée-là, je peux apporter tout ce dont un coach, un staff, un club et un groupe ont besoin. Je peux aussi apporter ce côté humain qui, pour moi, est très important. Mais ça, c’est encore autre chose.

FM : vous êtes libre, ce qui est aussi un avantage dans un mercato d’hiver où les clubs ne veulent pas forcément faire de folies.

J.L-S : oui, je suis libre. Je suis aussi très ouvert à quelque chose qu’on ne fait pas beaucoup en France. Pour rassurer les coaches ou les directeurs sportifs avant même de discuter, je suis prêt à venir faire une semaine d’entraînement pour montrer que je suis déterminé. Avant de connaître le joueur, il y a aussi des questionnements vis-à-vis de mes dernières années compliquées. Je veux montrer que la forme et les jambes sont là. C’est une chose à laquelle je suis ouvert. Je n’ai pas de problème à prendre mon sac et venir faire une semaine d’entraînement avec un groupe pour voir à la fois le côté sportif, mais aussi le côté humain qui peut parfois poser question sur des joueurs libres.

FM : vous êtes international camerounais. Y a-t-il regret de ne pas être avec les copains pour cette CAN ?

J.L-S : pour être honnête, ça faisait partie des choses qui étaient dans ma réflexion cet été. Je ne voulais pas aller dans certains endroits pour éviter de manquer de visibilité par rapport à la sélection, même si pour moi ça reste la récompense du travail réalisé quotidiennement en club. C’est sûr que c’est un petit regret. Mais on est toujours supporter de son pays et je suis le premier supporter du Cameroun pour cette CAN. Je vais être derrière les copains en espérant que tout se passera bien pour eux. J’espère aussi que la restructuration qui a eu lieu va bien fonctionner et que les copains vont s’éclater, bien figurer et porter haut les couleurs du pays. Je serai le premier supporter, mais ceux dont je suis proche le savent déjà. Je regarde tous leurs matches. Je leur souhaite tout le meilleur et on sera derrière eux. Si je peux me déplacer d’ici là, j’irais les voir.

FM : comment voyez-vous le pays durant la Coupe d’Afrique des Nations ?

J.L-S : on va voir parce qu’il y a eu récemment un changement de staff, donc d’idées et un projet de jeu différent. Mais comme on dit toujours chez nous, on a confiance. On est fiers et on a confiance et on espère toujours bien figurer. On sait comment une CAN peut se passer. Il y a des équipes qu’on n’attend pas comme en 2017 où on était moins attendus et on a performé. J’espère qu’ils donneront le meilleur d’eux-mêmes et qu’ils nous rendront fiers. Le football, ce n’est pas toujours le meilleur qui gagne ou au mérite. Mais tant qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes, qu’ils sont contents, on sera heureux pour eux.

FM : il y a une situation de crise, entre le sélectionneur limogé, des cadres écartés, qu’en pensez-vous ?

J.L-S : j’ai envie de dire que c’est le lot d’une sélection. Il a des sélections qui sont "plus stables" que d’autres. Mais nous en tant que joueur, on doit donner le maximum pour représenter notre pays. C’est sûr que parfois ça va vite. D’un œil extérieur, on se dit que c’est compliqué parce que parfois il y a des affinités qui se sont créées, etc… Moi, ça fait un moment que je n’y suis pas allé donc je vis ça de l’extérieur. L’important, ce sont les couleurs, le maillot, défendre notre pays. Que ce soit un staff ou un autre, il faut représenter au mieux notre pays et les couleurs du Cameroun. On espère qu’il y aura de la stabilité.

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