OM-OL : nouvelle rivalité de France

Par Constant Wicherek
8 min.
Dimitri Payet, Rudi Garcia et Jean-Michel Aulas (de gauche à droite) @Maxppp

Ce dimanche, l'Olympique de Marseille accueille dans son Orange Vélodrome un autre Olympique, celui de Lyon. Depuis quelques années, l'air de ces rencontres est irrespirable. *Foot Mercato* a tenté, avec certains intervenants, de décrypter cette nouvelle rivalité qui n'a rien de géographique, ni d'historique.

En clôture de cette nouvelle journée de Ligue 1, les amateurs de football vont avoir droit à une rencontre comme on les aime, de celles qui sont tendues, de celles qui sentent le souffre. En effet, l'Olympique de Marseille, probablement coaché pour l'une de ses dernières fois par Nasser Larguet, accueille à l'Orange Vélodrome l'Olympique Lyonnais de Rudi Garcia. À l'aller, au terme d'une rencontre hachée et lors de laquelle un penalty avait été sifflé pour l'OL et un carton rouge délivré à Dimitri Payet, les deux formations s'étaient séparées sur le score d'un but partout.

La suite après cette publicité

Depuis quelques années maintenant, cette confrontation est particulière, souvent tendue. Une rivalité est née et à vrai dire, on ne sait pas vraiment comment. L'OL a de son côté son derby contre l'ASSE quand l'OM a suffisamment à faire avec Bordeaux (historiquement) et avec le Paris-SG. Pour ce choc, Foot Mercato a tenté de décrypter cette nouvelle rivalité entre les deux Olympiques de Ligue 1. Et tout le monde est loin d'être d'accord.

À lire L’OL entre dans l’histoire de la Ligue 1

« Personnellement c’est un match que j’aime jouer »

« On voit bien que depuis dix-quinze ans, c'est une rivalité qui monte. Après, on la ressent beaucoup sur les réseaux sociaux, beaucoup au stade aussi avec l'épisode Valbuena, mais pas seulement. Il y avait eu une grosse bagarre sur une aire d'autoroute. Il y a effectivement souvent de la tension entre ces deux clubs. Mais on ne la ressent pas non plus au quotidien, c'est-à-dire que ça va être autour des matches Lyon-Marseille. Mais on n'est pas forcément à regarder quel résultat va faire l'autre équipe, etc. Il n'y a pas cette rivalité-là à mon sens et sur ce que je peux constater », nous explique notre confrère de Radio Scoop, Gaël Berger.

La suite après cette publicité

Côté marseillais, cette saison est différente. La tension est moins palpable. « Cette saison, on ne la ressent pas vraiment... Peut-être est-ce dû au match aller houleux contre le PSG au Parc ? Cette victoire-là et les altercations qui se sont produites ont remis Paris au niveau d’ennemi n°1 de l’OM, ce qui n’était plus franchement le cas ces dernières années. Forcément, à Marseille, on parle donc moins de l’OL qui réalise pourtant une grande saison. Il pourrait y avoir encore un mépris de Rudi Garcia, il existe évidemment, mais le contexte est tellement explosif en ce moment autour de l’OM que l’adversaire importe peu finalement en ce moment... Les supporters n'avaient qu’une idée en tête : faire partir Jacques-Henri Eyraud (chose faite ce vendredi soir, ndlr) », nous détaille cette fois Alexandre Jacquin, journaliste à La Provence.

En conférence de presse, buteur à l'aller, Houssem Aouar a admis que le contexte sanitaire et l'absence de supporters n'apportaient pas la même saveur au duel, mais qu'il adorait disputer ce genre de match : « sans le public, ça change un peu. Maintenant on fait avec. Ça reste un très grand match, un des plus grands de notre championnat, avec beaucoup d’adversité. Finalement, ça ne va pas changer grand-chose à ce qu’on veut faire là-bas. Ça a toujours été des matches très engagés. Personnellement, c’est un match que j’aime jouer, ce sont deux des plus grands clubs français, et on est assez impatients de disputer ce match. »

La suite après cette publicité

« La rivalité est surtout née au moment où le Qatar a tué le championnat de France »

Mais d'où vient cet antagonisme ? Romain Canuti, journaliste pour Le Phocéen, a sa petite idée : « ça repose sur un homme en particulier : Jean-Michel Aulas. Depuis, le flambeau a été repris par des joueurs comme Anthony Lopes dans les derniers matches. Il existe aussi l'excitation d'une rivalité sportive qui entre en jeu aussi. L'OM est bien à la lutte avec Lyon pour le podium habituellement. Même si l'OL gagne souvent ce match-là, ça se joue souvent entre les deux. »

Gaël Berger et Alexandre Jacquin ont eux une vision plus précise et elle réside dans l'écart avec le Paris Saint-Germain. « Elle date d'une quinzaine d'années. De tout temps, en tout cas avant le XXIe siècle, Lyon et Marseille n'avaient pas une forte rivalité dans le sens où il n'y avait pas d'enjeu similaire. À partir des années 80, Lyon était en D2. L'OM était en D1, faisait la navette parfois. À la fin des années 80, l'OL est remonté en première division, mais Marseille régnait sur le championnat de France avec Bordeaux. Dans les années 90, Marseille était au-dessus évidemment jusqu'à plonger en D2. Donc il y a eu pas mal de chassés-croisés. Globalement, l'OM sur la fin du XXe siècle était largement au-dessus de Lyon. Donc il n'y avait pas cette rivalité-là. C'est venu à un moment où les deux clubs se sont retrouvés à jouer les premiers rôles en même temps et aussi par le fait que Marseille a eu besoin d'un nouvel ennemi. Marseille n'a pas vraiment un club ennemi sur lequel se reposer depuis la nuit des temps. Contrairement à Lyon avec Saint-Étienne. Marseille n'a pas ça. L'OM a toujours été plus ou moins en embrouille avec Toulon, Nice, car c'est assez régional. Ensuite, il y a eu cette rivalité avec le PSG qui a été montée de toutes pièces dans les années 80-90 avec Canal +. Au bout d'un moment, les Marseillais se sont dits Paris est beaucoup trop fort, on ne peut plus rivaliser sportivement donc il faut qu'on se trouve un autre club ennemi. Du coup, ils se sont rabattus sur Lyon, car Lyon avait plus ou moins les mêmes moyens que Marseille, plus ou moins les mêmes ambitions. Mais pour moi, c'est une rivalité temporelle. Je ne suis pas sûr qu'elle résiste. Si dans 15 ou 20 ans, les deux clubs ne jouent plus dans la même cour, je ne suis pas sûr que ça soit une rivalité qui soit la même qu'aujourd'hui. Pour moi, c'est plus une rivalité sportive qui a dévié par le jeu des réseaux sociaux, des supporters », détaille le suiveur lyonnais.

La suite après cette publicité

Le chef adjoint du service des sports de La Provence abonde dans ce sens : « la rivalité est surtout née au moment où le Qatar a tué le championnat de France en rachetant le PSG. Les Parisiens étant trop forts pour les Lyonnais et les Marseillais, il a bien fallu que ces deux-là développent un autre antagonisme. Les conflits entre Jean-Michel Aulas et Vincent Labrune ont aussi accentué la donne, notamment quand JMA tentait par tous les moyens de récupérer Nicolas Nkoulou (qu’il a finalement réussi à faire venir en 2016, ndlr). Le passage de Valbuena à l’OL a aussi énervé les supporters de l’OM, même s’ils lui ont désormais pardonné. »

Plutôt ASSE-OL qu'OM-OL ?

La question qu'il faut se poser aujourd'hui est de savoir s'il existe un match plus excitant dans l'année, une rivalité plus forte que celle-ci. C'est oui pour Alexandre Jacquin : « la rivalité OL-ASSE me semble plus importante, car historique. Cet antagonisme OM-OL n’était peut-être que passager. Car, quoi qu’il aient pu chanter sur lui, notamment en 2018 quand ils disaient qu’ils allaient " tout casser " chez lui, les supporters marseillais ont du respect pour Jean-Michel Aulas. Ils savent que si l’OM avait un tel propriétaire et un tel patron, le club n’en serait pas là aujourd’hui... ». Même son de cloche chez Gaël Berger : « pour moi, il est évident que non. Ce n'est pas le cas du tout. Rien qu'à Lyon, en tout cas, la plus grosse rivalité est avec Saint-Étienne. C'est le derby. 90 voire même 95% des supporters lyonnais vous le diront. Il y en a certains, souvent les plus jeunes, qui disent qu'à présent avec l'ASSE, ce n'est plus pareil. Mais à Lyon, j'en discute parfois autour de moi des rivalités avec Sainté ou l'OM, et 95 voire 99% des gens vont répondre que les deux matches les plus importants de la saison à Lyon ce sont les matches contre l'ASSE. C'est le match à Geoffroy Guichard et le match au Groupama Stadium. Le derby avant tout, Marseille ça vient après finalement un peu comme Paris. C'est un gros match, certes. Un match important, certes. Gagner à Marseille ça fait toujours plaisir aux supporters, mais c'est incomparable avec une victoire à Geoffroy-Guichard. Pour moi, il n'y a pas besoin de savoir si c'est la plus grosse rivalité en France, car ce n'est même pas la plus grosse rivalité pour Lyon. Le derby est au-dessus de tout, après éventuellement viennent Marseille et Paris. C'est peut-être la plus grande rivalité pour Marseille. Pour les Marseillais, c'est peut-être le match le plus important de la saison en termes de rivalité. Ça, c'est une possibilité. Mais en tout cas pour Lyon, c'est sûr que non. »

L'avis de Romain Canuti est en revanche plus nuancé. « Je pense qu'il y a un bon degré de détestation entre les deux. Si on regarde une rivalité entre le PSG et Lyon, on pourrait se dire que c'est sportivement intéressant et que ça tire la L1 vers le haut, sauf qu'ils n'ont pas de raison de se détester. Quand Mbappé claque quatre buts contre Lyon, ce n’est pas l'évènement majeur, ce qui compte c'est le match suivant. Il n'y a pas ce truc comme sur un OM-Lyon où Payet, par exemple, prend sa revanche sur Rudi Garcia. Tout le monde s'en rappelle. Il suffit de voir les proportions que ça a pris quand Mathieu Valbuena est parti là bas », avance celui qui officie au Phocéen. Une bien belle rivalité et deux équipes prêtes à en découdre, il n'en fallait pas plus pour faire la joie d'un diffuseur un dimanche soir de février.

La suite après cette publicité

Fil info

La suite après cette publicité